Prévu le 14 janvier 2022, repoussé en raison de la pandémie de Covid-19 et presque passé inaperçu en raison du décès de la reine Elizabeth II, le Danemark a célébré, à travers un « format adapté », le jubilé d’or de Margrethe II. Plébiscitée par les Danois, la souveraine est également passionnée par l’univers de Tolkien.
C’est un Jubilé qui a peu fait parler de lui dans la presse internationale. Célébré le 10 et 11 septembre 2022 avec sobriété, après un tour du Danemark début de cette année, la plupart des évènements prévus ont été annulés en raison du décès brutal de sa cousine, la reine Elizabeth II. Montée sur le trône du Danemark le 14 janvier 1972, Margrethe II est la seconde femme à régner sur son pays depuis le XIVe siècle. Une accession au trône rendue possible grâce au roi Frederik IX qui a fait modifier la loi de succession en mars 1953 afin de permettre aux femmes de ceindre la couronne. Jusqu’ici, cette dernière était exclusivement transmissible par primogéniture masculine.
Une princesse espiègle
Apparentée à toutes les maisons royales d’Europe, Margrethe II est l’aînée d’une fratrie de 3 enfants, toutes des filles. Née en avril 1940, alors que son pays est occupé par les Allemands, elle grandit au palais royal de Copenhague dans « une ambiance libérale et démocratique ». Si entre 1945 et 1949, elle scolarisée au sein du palais de Copenhague, ses parents, Frederik IX et Ingrid de Suède, décident de la mettre dans une école privée afin qu’elle côtoie des enfants de son âge. Elle n’aura aucun traitement de faveur, sera considérée comme une simple élève, appelée par son prénom et déjeunera à la cantine avec les autres. Une vie bourgeoise en apparence qui implique des devoirs à respecter pour cette fillette très espiègle.
Tolkien l’encourage même à illustrer la version danoise du Seigneur des Anneaux. Une sacrée reconnaissance.
L’auteur décède en 1973, un an après l’accession au trône de Margrethe II. La jeune reine, sous le pseudonyme d’Ingahild Grahmer, illustre la traduction danoise de 1977. pic.twitter.com/hIM9yHiQyU
— thomas (@rhaenyar) September 22, 2022
La patrie pour devise royale
Elle est princesse royale quand Elizabeth II est couronnée reine d’Angleterre. En 1956, après 2 ans dans un pensionnat britannique, elle revient dans son pays passer son Baccalauréat au palais d’Amalienborg. Soumise à une éducation stricte et intensive, elle obtient son diplôme avec mention. Suivront plus tard, un autre en archéologie (1961) et en science politique (1965). Un mariage avec (feu) Henri de Laborde de Montpezat en 1967 (dont Frédérik né en 1968 et Joachim en 1969) achève d’assurer une pérennité à la dynastie. Lorsqu’elle devient reine, cette polyglotte adopte une devise qui résume tout son amour pour son pays et ses convictions : « L’aide de Dieu, l’amour du peuple, la force du Danemark ».
La reine découvre le Seigneur des Anneaux alors qu’elle n’est que princesse. Elle éprouve une grande attirance pour les écrits de J.R.R. Tolkien.
Dans cet entretien de 1996 accordé à la télévision britannique, elle évoque son ressenti en tant que Scandinave (mythes nordiques..). pic.twitter.com/25YPdvid6N
— thomas (@rhaenyar) September 22, 2022
Une passionnée de la saga « Seigneur des Anneaux »
Magrethe II a de multiples talents une fois qu’elle a enlevé ses habits de monarque constitutionnel. Éprise de peinture, d’aquarelle, de dessin, de scénographie ou de broderie, « Daisy », comme elle est appelée affectueusement par sa famille, est aussi une passionnée de mythologie. Dans un pays, qui fut jadis placé sous le regard des dieux d’Asgard et sous la garde des Vikings, qui prête à la rêverie par ses paysages multicolores, un livre a particulièrement marqué la reine. Entre 1954 et 1955, de son propre aveu, elle a dévoré la saga du « Seigneur des Anneaux », œuvre majeure de Tolkien sortie la même année en trois volumes. En 1996, elle n’hésiter pas à évoquer cette fascination pour l’univers de la Terre du Milieu et d’expliquer sur les ondes de la BBC qu’elle a eu le plaisir d’entamer une correspondance accrue avec l’auteur.
Margrethe II, reine de la Terre du Milieu, plébiscitée par les Danois
« Depuis toute petite, j’ai toujours aimé les sages, légendes et contes de fée, et je suis heureuse d’avoir trouvé enfin une personne qui partage mes goûts en la matière (…) » écrit-elle très enthousiaste au maître de la Fantasy. Elle joint même dans ses lettres des illustrations de son cru, signée « Ingahild Grathner » (son anagramme). Des dessins sortis tout droit de son imagination et censés représenter sa vision de la Terre du Milieu, ses orques, ses elfes, ses nains, ses magiciens. Elle plaisante même en affirmant que certaines des maisons dessinées lui ont été inspirées par des « maisons allemandes d’une laideur incroyable ». John Ronald Reuel Tolkien reste très impressionné par le style de la future reine et le lui fait savoir, allant même jusqu’à dire qu’il se rapproche du sien. Il va encourager « Daisy » à illustrer la version danoise du Seigneur des Anneaux qui doit sortir en 1977. Une mission dont s’acquittera avec dévouement la reine, mais que ne verra jamais l’auteur décédé 4 ans auparavant. Elle fera même des aquarelles de son œuvre posthume, « Le Silmarillion » qui retrace la genèse et les premiers âges de l’univers de la Terre du Milieu. Le succès est tel que ses illustrations seront travaillées, avec son accord, et publiées dans la réédition britannique de la trilogie. Une collection de dessins qui ont été d’ailleurs exposés en France en 2022 à Cahors où la maison royale a une propriété de famille
Connue pour son humour et son franc-parler (dans un livre-entretien « De dybeste rødder » (Les racines profondes), paru en 2016, la reine a fait part de son constat d’échec vis-à-vis « d’une émigration qui ne s’est pas intégrée au royaume et qui rejette ses valeurs »), elle a été interrogée sur une possibilité d’abdication. « Je resterais sur le trône jusqu’à ma mort » a répondu sèchement la reine. Pas de raison de quitter le navire. Margrethe II est plébiscitée par 76% des Danois qui soutiennent l’institution royale selon un sondage daté de 2018. Ironie de l’histoire, alors que les prochaines monarchies seront toutes dirigées par des femmes, elle est actuellement la dernière souveraine en titre à régner en Europe depuis le décès de la reine Elizabeth II.
Frederic de Natal