Avec le décès de la reine Elizabeth II survenu le 8 septembre 2022, l’ordre de succession a été changé. Charles III est devenu roi, son épouse Camilla, est devenue reine-consort. Un souhait de la défunte souveraine. Mais que signifie le titre de « consort » au Royaume-Uni ? L’occasion de dresser le portrait de l’ancienne duchesse de Cornouailles.

C’est un titre qui interpelle les passionnés et ceux qui découvrent le protocole de la monarchie britannique depuis la disparition de la reine Elizabeth II. Duchesse de Cornouailles, Camilla est devenue reine-consort aux côtés de son mari, le roi Charles III. C’était pourtant loin d’être le souhait de la principale concernée qui aurait préféré celui de « princesse consort » afin de respecter la mémoire de Lady Diana Spencer, la mère des princes William et Harry. C’était avant tout celui de la reine Elizabeth II. Le 6 février dernier, pour son 96e anniversaire, dans un communiqué publié par le palais de Buckingham, elle avait fait « part de son souhait sincère » que la duchesse de Cornouailles, Camilla, soit nommée reine-consort le moment venu. C’est désormais chose faîte depuis la disparition de la reine Elizabeth survenue le 8 septembre 2022.

Un titre datant du XVIe siècle

C’est au XVIe siècle, sous le règne d’Elizabeth Ière, que le titre est apparu. À cette époque, on craignait que le futur mari de la reine ne prenne de l’ascendant sur la fille d’Henri VIII et ne la supplante sur le trône. Surnommée la « Reine Vierge », Elizabeth Tudor ne va jamais se marier en dépit de divers prétendants qui lui furent présentés (dont le roi Philippe II d’Espagne ou François d’Anjou, frère des rois Charles IX et Henri III). Amoureuse de Robert Dudley, son ami d’enfance, elle dut renoncer à l’épouser, menacée par une noblesse prête à prendre les armes pour empêcher cette mésalliance. Il faut attendre 1837 pour que le titre soit remis au goût du jour. Lorsque la reine Victoria épouse Alfred de Saxe-Cobourg-Gotha, la question de sa titulature se pose très rapidement. Une affaire qui devient politique. La reine souhaite en faire un roi-consort, mais se heurte à la résistance de son Premier ministre, Lord Melbourne, du parlement (farouchement anti-allemand). Une longue bataille qui aboutit à un compromis vingt ans plus tard, celui de prince -consort « afin de le remercier de son soutien à la royauté ».

Un titre sans fonction officielle

Une mésaventure identique que vivra un siècle plus tard le prince Philip Mountbatten, époux de la reine Elizabeth II. Le parlement s’opposera à ce que le duc d’Édimbourg soit titré « roi-consort ». Malgré lui, il devra se contenter de celui de prince du Royaume-Uni. Il fut dès lors considéré comme consort bien qu’il ne reçût jamais officiellement ce titre. Toutes les reines depuis Edouard VII ont reçu le titre de reine-consort, rarement utilisé, réduite à sa plus simple expression de reine. Mais alors quelle différence ? C’est un titre qui sépare les deux époux politiquement. En effet, si la reine-consort partage la vie de son mari (du latin « consors »), elle ne jouit pas des prérogatives de souveraineté du monarque, ni de son pouvoir militaire de chef des armées. Fait peu connu, le « consort est le sujet de son conjoint, et peut ainsi être accusé de haute-trahison » comme nous le rappelle le quotidien le Journal du Dimanche. En réalité, elle « n’occupe pas de poste officiel dans la structure du gouvernement et ne verra aucun document d’État ni ne tiendra d’audiences officielles » nous indique le site officiel de la monarchie.

La descendante d’une maîtresse royale

C’est en 1989 que le nom de Camilla Parker-Bowles apparaît dans la presse française. La monarchie est secouée par deux divorces retentissants, celui du prince Andrew et Sarah Ferguson et celui du prince Charles de Galles et de Lady Diana Spencer avec laquelle ce dernier partage sa vie depuis onze ans. Les tabloïds britanniques s’en donnent à cœur joie et multiplient les détails les plus croustillants, les articles les plus scabreux de cette affaire. Les Windsor sont dans la tourmente et la population pointe le doigt vers celle qu’elle juge responsable de ce désastre conjugal pourtant vendu comme un conte de fées. C’est en 1970 que Camilla rencontre Charles lors d’un match de polo. Elle a 22 ans, lui 21 ans. Il se dit même qu’elle aurait glissé à son oreille : « Mon arrière-grand-mère (Alice Keppel-ndlr) était la maîtresse de votre arrière-grand-père (Edouard VII-ndlr) . Ça nous fait quelque chose en commun ». L’idylle sera brève. Deux ans plus tard, leurs chemins se séparent. Charles part s’engager dans la Navy, Camilla va épouser par la suite un officier des Horse Guards, Andrew Parker-Bowles (avec qui elle aura deux enfants). Pourtant, une fois son service militaire accompli, Charles renoue avec elle. La monarchie tranche, il ne peut épouser une femme mariée et reste prié de s’unir avec celle que l’institution royale a choisi. Des années plus tard, lors d’une interview accordée à la BBC, Lady Diana Spencer, son épouse (sélectionnée-dit-on- par la reine-mère Elizabeth Bowes-Lyon) résumera les choses ainsi : « Nous étions trois dans ce mariage, c’est un peu beaucoup ».

Reine-Consort d’Angleterre

Lorsque le divorce de Charles avec Lady Diana est prononcé en 1996, le prince de Galles affirme que sa relation avec Camilla est désormais « non négociable ». Mais ce n’est que deux ans après le décès tragique de la princesse Diana en 1997 que les deux amants vont commencer à s’afficher publiquement puis très officiellement. Camilla va apprendre le rôle qui est le sien aujourd’hui et va devoir affronter la colère populaire qui ne lui offre aucun répit. La reine Elizabeth II fera office de tampon en la recevant et en l’autorisant à siéger avec la famille royale. Camilla se transforme peu à peu, s’empare des causes dont les autres membres de la famille royale ne veulent pas et se révèle aux yeux du public. Maîtrisant très rapidement le protocole, elle impose son style. Elle passe de la femme « la plus mal habillée à celle de la mieux vêtue du royaume » selon le magazine Tatler. Tant et si bien que lorsqu’elle épouse enfin Charles en 2005, le mariage est majoritairement soutenu par les Britanniques. Elle a gagné le cœur de ses compatriotes, désormais prête à devenir reine d’Angleterre pour le meilleur et pour le pire.

Frederic de Natal