Le Lesotho, petit royaume perché dans les montagnes d’Afrique australe, marqué par une instabilité politique récurrente et par une violente guerre des gangs, est appelé à renouveler son parlement ce vendredi 7 octobre 2022. Une nouvelle épreuve pour cette fragile démocratie tentée par le retour à la monarchie absolue.

Il aura été au terme de son mandat de son Premier ministre. Un cas rare dans l’histoire du Lesotho, royaume enclavé en Afrique du Sud. Nommé en mai 2020, en remplacement de Tom Thabane accusé d’avoir orchestré le meurtre de son épouse, Moeketsi Majoro a annoncé qu’il n’entendait pas se représenter à la tête du gouvernement, ouvrant une période d’incertitudes au sein de cette monarchie marquée par une série de plusieurs coups d’État depuis la proclamation de son indépendance en 1966. Dotée d’un parlement bicaméral, les Sothos, qui composent la principale ethnie du pays, sont appelés aux urnes dès ce vendredi. Un scrutin initialement prévu en juin, repoussé à diverses reprises en raison de la pandémie de Covid-19 et un manque cruel de budget. 120 députés à renouveler dans un climat de fortes tensions politiques et sur fond de règlements de compte mafieux.

Une monarchie instable

Repoussés dans les montagnes par les Zoulous, les Sothos s’érigent en royaume indépendant au début du XIXe siècle sous la houlette du roi Moshoeshoe Ier considéré comme le père fondateur du Lesotho. Soumis aux assauts des afrikaners, le souverain n’aura pas d’autres choix que d’accepter le protectorat offert par les Britanniques en 1868 après s’être assuré que ses terres ne seront vendues à aucun blanc. Après une longue période coloniale dont l’histoire lie le pays à celui de l’Afrique du Sud, le Lesotho (ancien Basutoland) décide de prendre son destin. La monarchie est conservée et son roi Moshoeshoe II ne tarde pas à entrer en conflit avec les partis politiques qui font peu de cas de la démocratie. Pis, le monarque est contraint, un an après l’indépendance, de signer un accord l’obligeant à respecter la constitution sous peine d’abdication automatique. L’armée va faire une brutale irruption sur la scène politique et devenir un arbitre d’une vie politique largement polarisée. En 1986, un putsch renverse le Premier ministre Joseph Jonathan, cousin du roi, qui règne en dictateur depuis trois décennies sur le royaume. Un second putsch, trois ans plus tard, provoque une crise au sein de l’institution royale. Le roi Moshoeshoe II tente de reprendre le pouvoir, mais échoue. Destitué en mars 1990, son fils Letsie III lui succède et impose l’absolutisme.

Jeu de trône musical

En 1993, des élections pluralistes sont organisées mais la parenthèse démocratique sera de courte durée. En conflit avec le roi, le parlement décide de le déchoir de ses prérogatives et de rappeler son père sur le trône en janvier 1995. Un retour qui sera bref. Un an seulement après son second couronnement, Moshoeshoe II est victime d’un accident tragique de la route. Letsie III remonte sur le trône d’une nation divisée et dotée d’une nouvelle constitution qui a réduit les pouvoirs de la maison royale Dlamini. Peu à peu, le Lesotho sombre dans le chaos, au bord de la guerre civile, forçant l’Afrique du Sud à intervenir militairement (1998). Un fiasco retentissant. Depuis, le pays vit au rythme des tensions entre les partis politiques nageant dans la corruption, les tentatives de coup d’État et les rivalités entre gangs dont les couleurs sont tissées sur les manteaux de laine portés par les Sothos.

Les Sothos plébiscitent le retour à l’absolutisme

Face à cette gabegie qui persiste, un parlement qui se transforme en arène permanente de boxe et un scrutin où aucun parti ne semble en mesure d’avoir une majorité réelle, le roi Letsie III est tenté de demander qu’on lui restitue les pleins pouvoirs. « La monarchie est ancrée dans la société, mais n’a pas de rôle significatif. C’est contre-intuitif et coûteux. Les contribuables paient une grosse facture pour une institution qui n’a pas de rôle significatif à contrôler les excès des élus. Les réformistes doivent trouver un équilibre entre monarchie constitutionnelle et pouvoir fort » analyse dans un long éditorial le webzine The Conversation. En août 2021, des députés ont évoqué cette possibilité sans pour autant la mettre en débat. Certains craignant l’émergence d’une monarchie où le souverain concentrerait trop de pouvoirs à l’instar de l’Eswatini voisin.

Une idée qui fait son chemin chez les sujets du roi Letsie III. Le 11 juin 2018, le TimesLives , site d’information en continu qui a relevé les résultats d’un récent sondage (Afrobarometer) effectué dans le royaume des montagnes. Assez rare pour être mentionné, celui-ci affirme que 75 % des Basothos souhaiteraient rapidement que la constitution soit amendée et que le roi soit de « nouveau autorisé à prendre des décisions influentes sur le destin de la nation ».

Frederic de Natal