Joyau du patrimoine Français, la Sablière est une maison de maître qui surplombe Lyon et Caluire. Elle doit son développement à Didier Petit, une figure renommée de la région. Ami des princes, sa demeure devient le lieu de refuge des prétendants au trône de la Légitimité. La Revue Dynastie vous propose de découvrir la seconde partie de cette trilogie passionnante qui appartient à notre histoire nationale. 

Les sœurs Lemau de la Barre, filles d’un receveur des tailles du Beaujolais ruiné, qui partit faire fortune à Saint-Domingue, connurent les soubresauts de la Révolution haïtienne menée par Toussaint Louverture. Leurs maris respectifs furent assassinés pendant cet épisode. L’un d’eux, Nicolas Petit, était arpenteur général de St Domingue, ingénieur hydraulicien, grand voyer et propriétaire de plantations de café et d’indigo. Suite à sa disparition, Mme veuve Petit fut contrainte de s’expatrier avec ses deux enfants, Didier et Louis, alors en bas âge à Baltimore aux États-Unis où elle rentra en contact avec les missionnaires d’Amérique. Le Concordat signé par Napoléon Ier permit aux congrégations religieuses de revenir en France tout en rétablissant le culte catholique, et, sous la pression familiale, la famille Petit revient s’installer à Lyon, hébergée par Mme de Janzé, leur tante, dans ses appartements de la place Bellecour. Ayant suivi de loin les péripéties de Saint-Domingue et des États-Unis via les nombreuses lettres échangées, une lointaine cousine au 6è degré, Mlle Bottu comtesse de la Barmondière, prise de pitié pour ses cousines et ses petits neveux, leur trouva un refuge à la campagne, dans un écrin de verdure majestueux, faisant face à la vallée du Rhône. Connu pour ses multiples libéralités envers les pauvres et les congrégations religieuses, à la tête d’une fortune considérable et de nombreux châteaux dans le Lyonnais et le Beaujolais, cette cousine finança elle-même l’acquisition de la Sablière pour les deux sœurs-veuves et leurs enfants. C’est ainsi qu’elles acquièrent en indivision le domaine en 1808. La propriété conserve encore son caractère de maison de campagne, la famille Petit n’y séjourne que ponctuellement dans l’année.

La Sablière en 2022. Vue sur le Rhône @MaximeDehan

Un commerçant de talent

Les années passent et Didier Petit, devenu négociant, ouvre une fabrique spécialisée dans la paramentique[1] en 1822. Ce commerce se développe au commencement, avec l’idée de fournir les missions américaines en objets liturgiques. La maison Petit est installée 8 rue St Polycarpe, dans le centre-ville de Lyon. Cette fabrique prend sa renommée au moment du sacre de Charles X pour lequel elle participe à la décoration de la cathédrale de Reims. Pour cet événement, il fait tisser et livrer, en moins de trois mois, des ornements en étoffes brochées en or ainsi que des vêtements liturgiques. La maison Didier Petit confectionne entre autres : un testament de Louis XVI tout en soie, un portrait tissé de Jacquard à la façon d’une gravure d’après le tableau de Claude Bonnefond, devenu aujourd’hui l’un des emblèmes de la ville de Lyon, … Parmi les visiteurs illustres : le prince de Metternich en 1825, Louis-Philippe, alors duc d’Orléans, accompagné de son épouse et de leurs enfants en 1826 et tant d’autres … Il ne néglige point la mode féminine : il fabrique des rubans de soie pour ceintures de femmes ainsi que diverses étoffes pour les robes de ces dames. L’exposition qui se tient à Lyon en 1827 le récompense d’une médaille d’argent. Il ne démérite pas une deuxième médaille en 1834. Il fait travailler des artistes célèbres dont le grand peintre de natures mortes Simon Saint-Jean (brièvement son dessinateur sur tissus deux ans durant, en 1826-1828). C’est autour de ces années qu’il déménage sa maison de soieries au 29 quai de Retz[2]. La duchesse de Berry accorde à Didier Petit un brevet de fournisseur du Garde-Meuble royal. Le succès est tel qu’il ne se borne pas qu’au territoire français. De ce fait, il reçoit des commandes de l’étranger. La duchesse de Berry envoie notamment une lettre à l’empereur de Russie pour le recommander à sa haute protection, en prévision d’un déplacement professionnel à Saint-Pétersbourg. Une pluie d’éloges relayées par la presse consacre la maison Didier Petit. L’Institut de France, par la voix de son secrétaire perpétuel Raoul Rochette, félicite Didier Petit pour son œuvre et commande à cette occasion un portrait tissé de Jacquard[3]. Ce dernier ne tarit pas d’éloges et lui propose le titre de Membre correspondant de l’Académie Royale des Beaux Arts. En 1840, le mathématicien Charles Babbage, admirateur de Jacquard, commande à son tour son portrait tissé. L’invention du métier à tisser va d’ailleurs inspirer sa première machine analytique, l’ancêtre de l’ordinateur. C’est probablement par son réseau professionnel qu’il rencontre au début des années 1820 la famille de son épouse. Marie-Victoire-Françoise Bérard était la fille d’un négociant enrichi dans la soie, érudit, membre de plusieurs sociétés royales spécialisées dans l’agriculture. Le mariage civil a lieu chez les Berard au Mans le 17 novembre 1823 et cette union engendre la naissance de 11 enfants.

Didier Petit de Meurville consul de France à San Sebastian en 1864 par Madrazo y Kuntz @MaximeDehan

Une oeuvre d’évangélisation

Entretenant une correspondance ininterrompue avec les missionnaires d’Amérique depuis leur installation à Lyon, la veuve Petit et son fils s’activent pour leur fournir les moyens de poursuivre leurs œuvres d’évangélisation sur les vastes plaines encore sauvages des États-Unis. Dans un mémoire, Didier Petit écrivait : « Ma mère leur envoyait des religieuses, des vases sacrés, des ornements. ». En 1815, L’abbé Dubourg se rend à Rome pour obtenir une audience du pape Pie VII et évoquer les conditions difficiles des missionnaires en Amérique. Il fait étape à Lyon, chez la famille Petit, pour demander davantage de moyens et de régularité dans les aumônes. L’idée d’une association pour récolter des dons via des souscriptions annuelles fait alors son chemin. L’abbé Dubourg recevra plus qu’un appui du pape : à sa grande surprise, ce dernier le fera sacrer évêque de la Louisiane et des Deux-Florides. L’abbé Inglesi, vicaire-général de la Nouvelle-Orléans, délégué par Mgr Dubourg, fait à son tour étape chez les Petit en 1821 et partagent ensemble l’idée de généraliser leurs actions à toute l’Amérique du Nord. Inglesi obtient une audience du roi Louis XVIII, en plein congrès de Laybach, et, par son éloquence, sensibilise les dirigeants européens au sort des missions étrangères qui lui versent des sommes considérables destinées aux missions d’Amérique. Il s’avéra plus tard qu’Inglesi avait détourné une partie des aumônes pour amasser une véritable fortune sous prétexte de collecte pour la création de l’Œuvre pour la Propagation de la Foi.

L’abbé Louis Petit frère de Didier en 1819 par Anthelme Trimolet @Maxime Dehan

L’ami des grands de son époque

Parallèlement, d’autres notables lyonnais s’occupaient d’œuvres analogues pour d’autres missions dans le monde : c’était le cas de la lyonnaise Pauline Jaricot, récemment béatifiée, qui se chargeait des missions d’Asie. Cet engouement pour les missions étrangères pousse Mme Petit et son fils Didier à organiser une réunion regroupant tous les notables lyonnais déjà engagés ou simplement intéressés. Le 3 mai 1822, en l’Hôtel de Provence, cette assemblée formée par une dizaine de notables lyonnais traçait les premières lignes de l’Œuvre pour la Propagation de la foi. Mme Petit, à l’initiative de cette réunion, est représentée par son fils Didier, son organisateur, et Pauline Jaricot par Victor Girodon, commis en soieries, l’homme de confiance de Pauline. Cette assemblée de Lyonnais décide d’un règlement s’inspirant de celui de l’Œuvre de Pauline Jaricot sans jamais la nommer. Ainsi, naquit le principe de récolte des dons structurée en dizaines, centaines, milliers, … Roberto d’Azeglio, un ami de Didier Petit, frère de Massimo d’Azeglio (qui s’illustra plus tard en tant que premier ministre italien de Victor-Emmanuel II) lui souffle la devise de l’association : « Ubique per Orbem » (« à travers le Monde ») illustrant l’objectif de la toute nouvelle association de se préoccuper des missions du monde entier et non plus seulement des missions d’Amérique ou d’Asie. Au cours de cette réunion, il devient le premier secrétaire de l’association. C’est à ce titre, qu’en juin 1822, Didier Petit se rend à Paris afin de former un conseil supérieur de l’œuvre, prétexte pour obtenir un agrément du pouvoir politique. Il réunit sur la recommandation des Jésuites des personnalités parmi lesquelles le cardinal-prince de Croÿ (grand aumônier), l’abbé Pérault, le prince de Polignac, le marquis de Rivière, le comte de Senst-Pilsach, le duc de Rohan-Chabot, M. de Haller. Pendant près d’une heure, Didier Petit leur explique les tenants et les aboutissants de la nouvelle institution. Le 27 juillet, il est invité chez le prince de Croÿ au palais des Tuileries pour organiser le conseil supérieur de l’œuvre. L’Oeuvre de la propagation de la foi est née. De cette fondation, Didier Petit fonde sa propre fabrique d’ornements d’églises qui aide non seulement les missionnaires d’Amérique mais fournit également le clergé de Lyon. Honneur suprême : le pape le fait décorer à Rome chevalier de l’ordre de l’Éperon d’Or en 1831. Louis Petit, le frère aîné de Didier, est aux côtés de Mgr Flaget en tant que missionnaire jésuite aux États-Unis. Louis demande régulièrement à sa mère et à son frère de lui envoyer non seulement des objets utiles à sa mission d’évangélisation mais aussi des graines et des variétés de plantes et semences de la région et du jardin de la Sablière.

Le portrait tissé de Jacquard par la maison Didier Petit (1839) @Maxime Dehan

Collectionneur de renom

L’instruction artistique que lui avait prodiguée sa mère dans sa jeunesse avait été à la base d’une passion pour l’art qui ne fera que s’accroître avec l’âge. Peu après ses années au collège de Roanne tenu par les jésuites, il côtoie à Lyon les peintres de la toute jeune École Lyonnaise et se lie d’amitié avec plusieurs d’entre eux, dont Anthelme Trimolet, souvent mentionné dans sa correspondance. Ce dernier réalise trois portraits de la famille Petit, peints avec la minutie d’une miniature. Didier Petit suit vraisemblablement l’école des Beaux-Arts avant de poursuivre sa formation auprès du soyeux Camille Beauvais[4] et de monter sa propre fabrique quelques années plus tard. L’École Lyonnaise influence fortement les coups de pinceaux de Didier Petit ainsi que les thèmes abordés dans sa peinture. Ce n’est qu’à partir des années 1840 qu’il commence véritablement à dessiner puis à peindre plus abondamment. Cette passion pour l’art et les maîtres anciens pousse très tôt Didier Petit à la fièvre de la collection. Son cabinet d’antiquités fait partie des curiosités de Lyon et gagne une certaine renommée. Une seule contrainte pour la visiter : demander l’autorisation au propriétaire. En moins de six ans, Didier Petit acquiert 810 pièces d’une grande variété : des peintures, des ivoires, des livres, divers manuscrits … Toutes entreposées dans un cabinet exigu, proche de son commerce, vraisemblablement au 34 quai de Retz. Il s’intéresse notamment à l’Histoire et à la technique de l’émail et en devient le spécialiste. Il acquiert le retable d’émaux peints exposé aujourd’hui au musée des Beaux-Arts de Lyon. Fasciné par l’art de la Renaissance, il parcourt toutes les grandes collections européennes, comme en Italie, où il est accueilli chaleureusement chez son ami Roberto d’Azeglio, directeur de la Galerie Royale de Turin récemment créée. Il visite de plus les collections du roi de Prusse, de Brunet-Denon, du comte de Pourtalès, de Cailleux, … Son érudition le conduit à prendre la vice-présidence de la Société des Amis des arts de Lyon de 1836 à 1839. On l’appelle régulièrement pour estimer des collections particulières comme celle du lyonnais Comarmond. Reconnu pour sa générosité, on n’hésite pas à le solliciter pour quelques services : des abonnements à des revues, des visites de son cabinet d’antiquités, des recommandations diverses, des commandes, des prêts…

Didier Petit en 1832 par Anthelme Trimolet @Maxime Dehan

Des transformations architecturales

La réputation de son commerce, l’œuvre de la propagation de la foi, et ses attaches dans le milieu culturel lui permettent de se tisser un réseau important au sein du mouvement légitimiste français. Il devient à ce titre le chef des légitimistes lyonnais. Didier Petit reçoit régulièrement à la Sablière. En 1828, il achète à sa tante, la moitié de la Sablière et commence alors les premiers aménagements : une magnanerie ou un bâtiment d’exploitation construit sur les restes de l’ancienne serre (mentionnée dans les archives du XVIIIème siècle), des allées bordées de mûriers, … Il fait appel à l’architecte paysagiste Margel-Fillieux pour dessiner une partie des jardins anglais. Vers la fin des années 1830, Didier Petit transforme la magnanerie en maison bourgeoise par l’ajout d’une galerie ou d’une orangerie au-devant du bâtiment principal, d’un second étage avec toits à la Mansart et un petit bâtiment annexe comprenant notamment une salle de billard et les cuisines. Il agrémente les jardins anglais de trois platanes devant la maison et de tonnelles sur laquelle pousse de la glycine pour les recouvrir de ces fleurs qui sentent si bon en avril et mai. Il donne des instructions strictes à son jardinier tout en laissant libre cours à sa passion pour la botanique et l’art des jardins. La galerie de la Sablière, sur laquelle il laisse pousser de la vigne vierge, s’inspire de l’architecture de l’orangerie du jardin des Plantes qui se dressait sur les pentes de la Croix-Rousse, construite sur les plans de Margel-Fillieux. En 1823, les héritiers Gayet, ses voisins immédiats, vendent en onze lots leur immense propriété longeant le cours d’Herbouville. Ce n’est qu’en 1835 que Didier Petit acquiert une portion considérable de ce vaste tènement située sous la terrasse de l’Oratoire afin d’agrandir son domaine et d’obtenir un accès sur le quai tout en y faisant louer des terrains et des appartements à des particuliers, à des commerces ou à des établissements industriels. La veuve Petit, sa mère, lui achète deux mois plus tard le cinquième de ces lots qui permettaient de lui procurer des rentes. Depuis le mariage de Didier Petit, sa famille ne cesse de s’agrandir. Les acquisitions et les aménagements successifs leur permettent d’y vivre de manière permanente. Le recensement de 1836 donne le détail du foyer Petit installé à Caluire : Didier Petit, son épouse, leurs quatre garçons, leurs trois filles et Mme veuve Petit, née Lemau de la Barre. Le foyer familial emploie cinq domestiques habitant tous sous le même toit que leurs maîtres. Ne se rendant plus que ponctuellement à la Sablière, la veuve Petit finit par céder en 1837 à son fils la dernière partie du domaine encore en sa possession depuis 1808.

Didier Petit de Meurville photographié par Don Sebastian de Bourbon Bragance vers 1870 @Maxime Dehan

La Sablière, le quartier-général des princes de la Légitimité

C’est dans ce cadre idyllique, à la Sablière, que Didier Petit reçoit la cour itinérante de Don Carlos de Bourbon tout au long des années 1840, en pleine crise de succession espagnole : le général Cabrera y réside ainsi plusieurs mois pour s’y reposer et recevoir loin des regards indiscrets (on lui avait recommandé l’air de la Sablière), le futur premier ministre espagnol Juan de Zavala y de la Puente, … Sans compter : le révérend père Lacordaire quelques jours seulement avant sa rencontre avec le Saint curé d’Ars, le comte de Virieu, le duc de Montmorency-Laval et son épouse, le ministre Jean de Chantelauze … Autant de personnalités qu’il se plaît parfois à portraiturer lors de chaque visite, comme peuvent en témoigner les nombreux portraits au crayon conservés au musée Zumalakarregi (dans le Pays Basque espagnol). C’est en lui que Don Carlos porte sa confiance pour faciliter ses déplacements et ceux des ses proches en France, sous le regard méfiant du gouvernement de Louis-Philippe. Didier Petit sollicite en 1844 l’intervention de la chambre des Pairs pour obtenir l’amélioration de leurs conditions d’accueil et de déplacements auprès du gouvernement. Cette fidélité à la cause carliste lui vaut le titre de vicomte d’Amparo en 1845 et un échange de parrainage étonnant avec les Bourbons. En effet, Don Carlos lui donne le parrainage de l’un de ses petits-enfants tandis que le comte de Chambord, avec lequel il entretenait une grande amitié, parrainait l’un des enfants de Didier Petit. La duchesse de Laval-Montmorency et la duchesse de Parme devinrent elles aussi les marraines de deux petits enfants Petit. Cette proximité avec le duc de Montmorency-Laval laisse penser l’adhésion de Didier Petit aux chevaliers de la Foi, comme son propre agent de change et ami lyonnais Benoît Coste.

La veuve Petit en 1832 par Anthelme Trimolet@MaximeDehan

Au crépuscule d’une vie 

Aux années d’opulence succèdent rapidement les années de déclin. Les affaires sont au plus bas pour Didier Petit. L’Histoire finit par se répéter : comme ses deux grand-père avant lui, celui-ci contracte des dettes considérables. Il avait beaucoup emprunté et, de nature généreuse, prêtait lui-même à ses amis, souvent de manière excessive. Sa collection d’œuvres d’art est dispersée en 1843 et la Sablière est saisie, divisée en six lots puis vendue aux enchères bien malgré lui en 1847. Il est si attaché à sa maison, qu’il ne la cède qu’au dernier moment, vendant même tous les terrains acquis sous la terrasse de l’Oratoire, la propriété voisine, pour payer une partie des dettes. De la même façon, il tente de sauver sa collection en sollicitant l’aide de la municipalité lyonnaise puis de l’État afin de la racheter dans son intégralité. La ville de Lyon la fit estimer 120 000 Francs fin 1841. Didier Petit se défend et tente de convaincre en soulignant qu’elle complétera la collection du musée des Beaux-Arts. Le maire de Lyon n’accepte que le triptyque d’émaux peints ainsi que deux autres objets à la condition qu’il en fasse don au musée. Ce triptyque est encore visible de nos jours dans l’exposition permanente du Musée des Beaux-Arts. Sa demande auprès du gouvernement n’a pas plus de succès : sa proximité avec les carlistes espagnols et les Bourbons n’est pas étrangère à ce refus. De plus, précédemment, sous Charles X, l’État avait acquis précédemment la collection du peintre lyonnais Révoil. Suite à ses demandes infructueuses, il rédige un catalogue inventoriant sa collection avant qu’elle ne soit dispersée aux enchères, sous le marteau de Maître Benou (le commissaire-priseur), à Paris où la clientèle est plus fortunée. Néanmoins, certaines pièces sont rachetées par le musée du Louvre. Le reste disparaît dans les collections particulières. Aux difficultés financières s’ajoute une impopularité croissante depuis plusieurs années. La notoriété de Didier Petit est entachée depuis 1831 par les révoltes successives des canuts. Pendant la deuxième révolte de 1834, sa famille et ses amis s’inquiètent de son sort et celui de la Sablière, proche du centre de la Croix-Rousse devenu le foyer de la sédition. En février 1848, il devient notamment la première cible des Voraces qui brûlent en un feu de joie la totalité du matériel de sa fabrique, montée Saint-Barthélémy. De nombreux pamphlets sont édités, la presse est virulente sur ses activités qui faisaient concurrence aux fabriques lyonnaises. La dette insolvable, l’importante succession de sa mère décédée en 1839 et les difficultés rencontrées par son commerce réduisent à néant tout espoir de vie à Lyon. Depuis la vente de la Sablière, celui-ci occupe l’appartement de sa mère rue St Joseph. Au cours de l’année 1847, Didier Petit fait ses adieux à la cité lyonnaise, il n’y reviendra jamais plus. Toute la famille déménage temporairement à Pontlieue, accueillie chez les Bérard, sa belle-famille. Son épouse revient brièvement à Lyon pour finaliser l’hypothèque de la Sablière, à la place de son époux, fortement attristé par cet exil forcé et cette vente qu’il a tentée de retarder.

Si cette retraite sonnait la fin de sa vie lyonnaise, elle n’était pas pour autant la fin de sa carrière. Lamartine, éphémère ministre des affaires étrangères du gouvernement provisoire, nomme Didier Petit vice-consul de France à Alicante en 1848[5]. Plus tard, le ministre des affaires étrangères, le comte Walewski, finit par le nommer en Juin 1857 consul de France à Saint-Sébastien, dans le Pays-Basque espagnol. Il y reçoit en grande pompe Napoléon III et Eugénie le 9 Septembre 1865 avec lesquels il se lie d’amitié et devient le professeur de dessin particulier de la reine Isabelle II. Ses qualités de diplomate sont reconnues par plusieurs distinctions françaises et étrangères : la Légion d’Honneur, l’ordre de Charles III d’Espagne et tant d’autres. Son rang le conduit à adjoindre à son nom la particule « de Meurville ». Didier Petit de Meurville meurt le 27 avril 1873 à Biarritz.

Maxime Dehan

[1]     De même, la biographie de Didier Petit de Meurville fut publiée sur « Histoires Lyonnaises » en 3 parties :
1ère partie : https://lyonnais.hypotheses.org/6015

2ème partie : https://lyonnais.hypotheses.org/6020

3ème partie : https://lyonnais.hypotheses.org/6030

[2]     Terme désignant l’ensemble des vêtements, coiffes, tentures, parements et ornements utilisé dans les liturgies religieuses.

[3]    Correspond aujourd’hui au quai Jean Moulin actuel.

[4]          Pour plus de détails sur l’Histoire du portrait tissé de Jacquard, lire l’article publié sur le blog « Histoires Lyonnaises » : https://lyonnais.hypotheses.org/4575

[5]          Camille Beauvais (1782-1852) était le spécialiste de l’élevage du ver à soie et de la culture du mûrier. Le roi Charles X lui confia en 1826 la gestion du domaine des Bergeries dans les Yvelines pour encourager le mouvement séricicole en France. Sa maison de soieries était située à Lyon dans la maison Tolozan et il s’était déjà distingué sous l’Empire lorsqu’il remit à Napoléon son portrait en velours alors que ce dernier visitait avec l’impératrice sa fabrique;

[6]          La ville d’Alicante consacre une exposition temporaire à Didier Petit de Meurville, à travers 24 tableaux inédits représentant des paysages de la ville et de ses environs : https://www.mubag.es/publicacion/alicante-paraje-exotico-la-mirada-de-didier-petit-de-meurville/