C’est une dynastie de peintres français aux accents néerlandais. Éteinte, la branche aînée de la famille des Van Loo a marqué l’histoire de l’art durant deux siècles grâce à leurs tableaux de scènes mythologiques et bibliques, sublimant la nudité des corps. Sollicités par les grands monarques, notamment de France et de Piémont-Sardaigne, on leur doit des portraits de nos souverains encore visibles à Versailles et au Louvre.

Le XVIIe siècle est synonyme d’apogée pour les Provinces-Unies. A la tête d’un empire commercial, on se presse pour ouvrir des entreprises. La Zélande n’échappe pas à cet engouement commercial qui fait la fortune des grandes familles néerlandaises. C’est dans ce contexte que Jacob van Loo va évoluer. Il est né en 1614, d’un père dont on a encore du mal à déterminer le travail. On dit qu’il était notaire quand d’autres affirment qu’il fut un peintre et le premier maître de Jacob. Un art qui va d’ailleurs accompagner Jacob van Loo toute sa vie. Une passion qu’il va affiner au cours des années qui se succèdent, sous l’influence de deux autres stars de la peinture du moment, Thomas de Keyser et Jacob Adriaensz Backer.

 

Jacob van Loo et la généalogie de sa famille@Dynasrie/wikicommons/Hogarthianista

Exil en France

Lorsqu’il déménage à Amsterdam en 1635, Jacob van Loo rencontre Anna Lengele. C’est loin d’être une inconnue puisqu’elle est la sœur du peintre Marrinus Lengele, un célèbre portraitiste. Le couple sera prolifique. Ils auront ensemble six enfants. Très vite repéré pour ses talents, Jacob van Loo entre en compétition avec Rembrandt Harmenszoon van Rijn. Il est très ambitieux. Il achète le droit de citoyenneté de la ville d’Amsterdam dans l’espoir de se voir attribuer la décoration de l’hôtel de ville. Mais le génie est aussi caractériel et sa réputation va être bientôt ternie par une rixe dans un bar en 1660. Accusé de meurtre (il a poignardé au ventre son contradicteur), il est contraint de passer la frontière avec sa famille et de se réfugier en France. Condamné à mort par contumace, c’est dans le royaume de Louis XIV qu’il va exprimer son art baroque. Ses scènes bibliques et mythologiques, réalisées avec une palette de couleurs inédites, sont caractérisées par le nombre de nus féminins qu’elles comportent.Jacob a eu comme élève le peintre Eglon van der Neer, durant une décennie, mais aussi indirectement Johannes Vermeer qui n’hésite pas à se placer dans les pas du maître. Le tableau « Diane et ses compagnes » peint entre 1654 et 1656 ressemblera furieusement à « Diane et ses nymphes » de Van Loo. Nommé à l’Académie de peinture et de sculpture, ce sera la dernière consécration de Jacob van Loo, naturalisé Français en 1667, trois ans avant son décès. Ses successeurs ne vont pas démériter.

Les nus de Jacob van Loo @Dynastie/wikicommons

Un peintre au service de Dieu 

Si Jean van Loo (1654-1700) obtient le prix de Rome, qui récompense les artistes, et le privilège de décorer un salon du roi, c’est vers son frère, Louis-Abraham (1641-1712), que les yeux se tournent. Tous deux sont les fils de Jacob. Il a lui aussi obtenu le prix de Rome la même année que Jean pour son tableau Le Roi donnant la paix à l’Europe, ode à la paix d’Aix-la-Chapelle. Fort de ce succès, souhaitant se mettre en conformité avec la loi, il se convertit au catholicisme à Lyon dans l’église des Ursulines. Les demandes affluent et les deux frères sont conviés à décorer les navires et galères royales stationnées entre Nice et Marseille. Marié en 1683 à Marie Fossé, son mariage sera tout aussi prolifique que celui de son père. On sait peu de choses sur Louis-Abraham tant, son testament laisse peu de détails précis sur sa vie. Si ce n’est des œuvres bibliques comme Sainte-Geneviève et ses moutons en 1681, la Transfiguration en 1704, douze peintures présentes au Palais-Royal (pour la naissance du roi Louis d’Espagne) ou encore le catafalque de la reine Marie-Thérèse d’Espagne.

Jean-Baptiste Van Loo et son portrait de Louis XV @Dynastie/Wikicommons

Anoblis par Louis XV

C’est encore une fratrie qui va écrire l’histoire de cette famille, la troisième génération de peintres et dont le destin se mêle avec les ambitions de la maison de Savoie. Il y a d’abord Charles André van Loo (1705-1765). Peut-être le plus connu de cette dynastie aux pinceaux d’or. Le style baroque, qui a fait leur réputation, est poursuivi. On lui doit d’ailleurs la restauration de la galerie François Ier au château de Fontainebleau (1724). C’est en Italie que son talent va obtenir ses lettres de noblesse, en raison de son habileté à peindre en trompe-l’œil des scènes bibliques, historiques, allégoriques et mythologiques (tel Énée portant Anchise en 1729). Repéré par le pape Benoît XIII, il entre au service du roi Charles-Emmanuel de Savoie qui lui passe commande entre 1732 et 1734. Anobli par Louis XV ( Madame de Pompadour fut une de ses plus chaudes aficionados), nommé premier peintre du roi, entre deux œuvres majeures, froides, il est un mondain reconnu qui est invité de salons en salons et alimente les chroniques en raison de sa rivalité publique avec le peintre François Boucher.

Charles Amédée van Loo et son portrait de la tsarine Elizabeth@Dynastie/wikicommons

Protégés par les ducs de Savoie jusqu’à extinction de la lignée

Il y a Jean-Baptiste van Loo (1685-1745) qui s’inscrit dans une ligne identique. Une jeunesse entre France et Espagne, une fuite de Nice après sa prise par le duc de Savoie (1707) vers Grasse, il devient le protégé du prince Antoine de Monaco ébloui par son talent. Il lui commandera d’ailleurs plusieurs portraits. Un temps en Italie (1712-1718) sous la protection du roi Victor-Amédée de Savoie qui s’entiche de lui, il rentre à Paris pour entrer au service du Régent Philippe d’Orléans qui lui demande de peindre des scènes identiques à celles de ses prédécesseurs au Palais-Royal. Y compris plus tard un portrait de Louis XV. Il passe quelques années à Londres, vieillissant doucement, rongé par une jalousie née du talent de ses enfants qui suivent. Louis-Michel van Loo (1707-1771) sera le peintre officiel du roi Philippe V d’Espagne et obtiendra un prix de l’Académie de peinture en 1725 avec son Moïse enfant faisant tomber la couronne de Pharaon. On lui doit un des portraits les plus connus du philosophe Diderot. Son frère François van Loo (1708-1732), élève indiscipliné et vulgaire, sera le protégé de Victor-Amédée Ier de Savoie et perd la vie lors d’un accident à cheval. Enfin, Charles Amédée Philippe van Loo (1719-1795) qui fera quelques portraits dont celui de la tsarine Elizabeth et le seul connu du marquis de Sade. Une dynastie ne peut survivre que si elle se reproduit. Pour les Van Loo, le succès atteint ne rime pas avec descendance. Fils de Charles, Jules-César-Denis van Loo (1743-1821) fut le dernier de sa lignée, préférant peindre des paysages enneigés.

Louis Michel van Loo et son portrait de Diderot @wikicommons/Dynastie

Il subsiste encore des Van Loo issus d’une branche cadette belge qui a donné également des peintres, dessinateurs et graveurs. Jan van der Loo (1908 -1978), un des derniers membres de cette famille, fut reconnu pour ses œuvres impressionnistes et surréalistes (il a remporté une médaille d’or au Salon des artistes français en 1953). Pour autant, ils n’ont pas acquis la même notoriété que leurs aînés.

Frederic de Natal