C’est l’un des plus célèbres conquistadors du Nouveau Monde. En 1533, Francisco Pizarro a mis fin au Tahuantinsuyo, l’Empire inca. Une conquête qui a excité tous les appétits et les rivalités. Titrés marquis de la Conquête (marqués de la Conquista) par l’Empereur Charles Quint, ses descendants résident actuellement en Espagne, loin de ce trône qu’ils se sont taillé dans le sang du Pérou.

Lorsque Francisco Pizarro débarque sur les côtes andines, il ne sait pas encore qu’il va changer le visage de tout un continent. Il est né en 1475, en Castille, fils d’un officier militaire qui va l’initier à l’art du combat plus qu’à la subtilité de la lecture et de l’orthographe. Par une curieuse ironie de l’histoire, c’est un cousin lointain du tombeur de l’Empire aztèque, Hernan Cortés, au destin quasi-similaire du sien. Issu de la petite noblesse, Pizarro comprend très rapidement que la gloire ne peut-être acquise que s’il l’obtient par l’épée. C’est l’époque des grandes découvertes, des récits écrits par les explorateurs qui ont fait la gloire de l’Espagne. Pizarro rêve simplement de ces Amérique où se sont déjà installées des colonies. Il saisit une opportunité qui lui est offerte d’accompagner, Nicolás de Ovando, gouverneur d’Hispaniola, en 1502. Le début d’une aventure qui lui permet de suivre des expéditions à travers la jungle amazonienne. Et dont il va prendre goût.

La chute du Tahuantinsuyon,  l’Empire inca

En 1524, il parvient à monter une expédition financée par Charles Quint. Parmi ceux qui l’accompagnent, un certain Diego de Almagro. Un voyage qui s’avère désastreux et qui s’achève par un combat sanglant avec des Indiens de Colombie. La seconde, trois ans plus tard, ne sera pas plus un succès. Pizarro ne démord pas et persiste. La troisième expédition sera la bonne. Pizarro découvre le Pérou et entrevoit tout le potentiel que cela peut représenter pour lui et l’Espagne. Deux ans après cette expédition, en 1530, il y revient avec une véritable armée et la confiance de l’Empereur. L’Empire inca est victime d’une guerre civile où deux frères, Atahualpa et Huascar, ne cessent de s’affronter. Une aubaine pour les conquistadors qui arrivent rapidement à Cajamarca où se trouve l’Inca Atahualpa. Pizarro va réaliser un vrai coup de poker. Face à ses 170 hommes, ce sont des milliers de guerriers incas qui entourent leur souverain. Le 15 novembre 1532, prenant prétexte du rejet par le Sapa Inca de se convertir au catholicisme, il piège l’Empereur et sa suite, donnant l’impression d’être en surnombre en tirant partout en l’air et en générant des bruits avec des grelots attachés aux pattes des chevaux. Paniqués, Atahualpa est abandonné, sa suite et son armée venue quasiment désarmée, tous massacrés. En quelques heures, une poignée d’Européens vient de mettre fin à un empire vieux de plus d’un siècle.

Pizarro et Almagro, les deux conquistadors @Dynastie/wikicommons

Guerre civile entre rivaux

Pizarro promet la liberté à Atahualpa si celui-ci lui livre tout l’or de son royaume. Six tonnes d’or sont ainsi collectées et une fois les limites atteintes, Pizarro ne fait pas preuve de clémence et ordonne d’exécuter l’Inca afin de prévenir tout soulèvement. Les souverains Incas deviennent la proie des Espagnols, des marionnettes malléables sans pouvoir. La prise de Cuzco devient un sujet de discorde entre le tout nouveau marquis de la Conquête et son allié Almagro. La guerre entre espagnols ne tarde pas à éclater sous le regard des Incas qui en profitent pour recréer un « royaume perdu », à Vilcabamba, et deviennent l’objet de toutes les alliances. Après deux ans de guerre, Pizarro réussit à capturer son rival et le fait exécuter en 1538. Il meurt assassiné en 1541, victime d’un complot organisé par des almagristes menés par Diego II Almagro (dit le jeune), sans avoir obtenu ce qu’il cherchait, une vice-royauté sous son nom et un trône sur lequel il s’est pourtant assis des années durant.

Blason des Pizarro, marquis de la Conquête@Dynastie/Wikicommons/HansenBCN

Un marquisat de pacotille 

Si l’Empire Inca va subsister jusqu’en 1572, date à laquelle Tupac Amaru sera défait et exécuté froidement, les rivalités entre espagnols perdurent (Diego II est finalement battu et décapité en 1542.). Le frère de Francisco Pizarro, Gonzalo, ne va pas tarder à entrer en rébellion contre le nouveau vice-roi nommé par Charles Quint qui s’empresse de protéger les indiens de toute pratique d’esclavage. En 1546, Blasco Núñez Vela est battu, arrêté et immédiatement décapité. La tête du vice-roi est montrée à toute la population de la ville de Quito. C’est un acte de rébellion et d’indépendance que l’Espagne ne peut accepter. Une armée est envoyée rétablir l’ordre. Abandonné, Gonzalo Pizarro est arrêté et décapité à son tour (1548). Le titre de marquis est transmis à Juan Hernando Pizarro, petit-fils de Francisco Pizarro. Mais ce dernier ne représente plus rien tant on ne sait plus ce qui appartient à la famille et à la couronne espagnole. Un cadeau empoisonné de Charles Quint qui a manœuvré habilement et qui n’a jamais précisé les frontières de ce marquisat. Un long combat va alors commencer pour les descendants du conquistador.

Grands d’Espagne 

Ce n’est qu’en 1630 que le titre est reconnu par la couronne royale après de nombreuses pétitions étudiées et rejetées. Épuisé, le roi Philippe IV finit par signer le décret qui fait de Juan Hernando Pizarro un marquis héréditaire avec apanage sur la région de Trujillo (Espagne). Décédé sans héritiers en 1649, c’est sa sœur naturelle Beatriz qui devient détentrice du titre. Une succession qui va générer un nouveau conflit familial avec les héritiers de Francisco Pizarro , à la fois descendants du conquistador et des Incas (son frère Hernando avait épousé Francisca Pizarro Yupanqui (1534-1598), nièce de l’Inca Atahualpa, dont 4 enfants). Le procès tourne à l’avantage de Beatriz qui obtient de porter le marquisat. La branche d’Hernando devra attendre 1756, à la mort de Doña Luisa Vicenta Somoza y Pizarro, huitième marquise, pour récupérer enfin le titre tant convoité. L’histoire des Pizarro se mêle avec celle du Pérou et de l’Espagne à l’aube du XIXe siècle, temps des indépendances. Fidèles de la couronne, les descendants du conquérant ne songent pas à s’imposer quand d’autres n’hésitent pas à tenter de s’emparer du pouvoir. Devenus des Grands d’Espagne, il est désormais loin le temps où les Pizarro rêvaient d’une tiare sur leurs têtes en Amérique du Sud.

María Pérez de Herrasti y Urquijo @Youtube/Noticias/Dynastie

Une succession loin du Pérou qui a fait leur fortune

Douzième marquis de la Conquête, c’est la reine Isabelle II qui va remercier Jacinto Telesforo de Orellana y Díaz (1819-1889), propriétaire viticole en Espagne, en le nommant sénateur et en lui octroyant le titre de marquis d’Albayda, vacant depuis la mort de son détenteur trop proche des républicains et ancien président du Parlement sous la Première République. C’est aujourd’hui María Pérez de Herrasti y Urquijo (née en 1959) qui est l’héritière du titre de Marquis de la Conquête. Une succession qui n’a pas été de tout repos. Lorsque son père est décédé en 2017, elle a dû affronter un de ses frères qui s’est opposé à ce qu’elle détienne le titre. Un procès qui s’est terminé en 2018 (il a fini par se retirer, connu pour ses idées franquistes, il a refusé de prêter serment au roi Felipe VI qu’il ne reconnaît pas) en sa faveur. Elle est mariée à Íñigo Méndez de Vigo Montojo (né en 1956), ancien ministre de l’Éducation, de la Culture et des Sports du gouvernement espagnol entre 2015 et 2018, neuvième baron de Claret. Ensemble, ils ont eu une fille, Inès, qui devrait porter le titre de Marquise de la Conquête au décès de sa mère. Loin du Pérou qui a fait leur fortune et dont ils font aujourd’hui peu de cas.

Frederic de Natal