Lorsque le dernier souverain de l’état-princier de Faridkot, le maharajah Har Indar Singh, est décédé en 1989, sa fille a immédiatement contesté le testament qui l’excluait de l’immense fortune de son père. Selon la princesse Amrit Kaur, le document qui a été ouvert est un faux. Nappée d’un mystère qui va alimenter les colonnes des médias locaux, l’affaire a profondément divisé la maison princière durant trois décennies. Elle a été priée de se plier à la décision de justice qui a été rendue par la Cour suprême en septembre 2022.

Situé dans le Penjab, l’État de Faridkot est une de ces multiples principautés qui ont fait la joie de l’Inde durant la colonisation. Fidèles à la monarchie britannique, y compris lors de la guerre des cipayes (1857), ses maharajahs voient leur puissance s’affirmer au fur et à mesure des décennies qui s’écoulent. Ils agrandissent même leur territoire au cours de la fin du XIXe siècle. Le Faridkot a même droit au salut officiel que les autorités anglaises accordent à certains princes du joyau de son Empire. Avec la lutte pour l’indépendance, comme nombre de ses pairs, le maharajah Har Indar Singh tente de sauver ses prérogatives. Monté sur le trône en 1918, alors qu’il n’a que trois ans, il a fait sa carrière dans l’armée britannique. Il ne peut s’opposer à l’absorption de son royaume dans la nouvelle Inde. Bien qu’il conserve ses prérogatives, elles sont rognées au fur et à mesure des années pour lui être retirées complètement suite à une décision de la Première ministre Indira Gandhi en 1971 qui ne supportait plus ce contre-pouvoir permanent. Tombé dans la dépression après la mort accidentelle de son seul héritier mâle en 1983, le maharajah Har Indar Singh finit par expirer lui-même cinq ans plus tard.

Une série de testaments controversés

L’ouverture du testament devant le reste de sa famille survivante est un choc. La princesse Amrit Kaur, aujourd’hui 89 ans, apprend qu’elle a été exclue de la quasi-totalité de l’héritage colossal laissé par son père, se chiffrant à plusieurs milliards de dollars, réunis dans divers biens immobiliers grâce à un accord conclu avec le gouvernement qui a permis au souverain conserver le contrôle de certains de ses actifs. En 1950, le maharajah Har Indar Singh a écrit un premier testament mentionnant la répartition à part égale de sa fortune entre ses trois filles. Puis soudainement, sans explications, deux ans plus tard, il rédige un second testament qui, cette fois-ci, excluait sa fille aînée, ancienne fonctionnaire de police et diplomate aux États-Unis. Selon les rumeurs de l’époque, elle se serait mariée sans le consentement de son père au major Sardar Harpal Singh avec lequel elle a eu 3 enfants. Puis, coup de théâtre, le maharajah Har Indar Singh décide de revoir définitivement sa décision en 1955 et de revenir aux dispositions de son premier testament qui répartit sa fortune entre ses filles.

Un « Dallas » local qui a passionné les médias indiens

Or, ce n’est pas ce dernier testament qui a été ouvert en présence de la princesse Amrit Kaur. Un nouveau document aurait été rédigé par son père en 1982, l’excluant à nouveau de la succession. Une fortune qui serait « gérée par ses deux sœurs et une parente éloignée du maharajah au sein d’un trust ». Elle a très rapidement contesté la validation de ce testament, réclamant « un tiers de la fortune paternelle ». Dans la foulée, le frère du défunt, le prince Kanwar Manjit Inder Singh, a déposé également une plainte afin de réclamer la totalité de l’héritage au seul motif qu’il était l’héritier au trône. Un « Dallas » local qui a passionné les médias indiens.

La Cour suprême a statué sur cette affaire 

En 2013, le tribunal de première instance a statué sur les deux demandes. Il a été prouvé que le troisième testament n’était pas authentique et qu’Amrit Kaur avait droit à une demi-part de toutes les propriétés avec sa sœur Deepinder Kaur (la cadette, Maheepinder Kaur, étant décédée en 2001).  La demande rde Kanwar Manjit Inder Singh (qui n’a obtenu que 25%) a été rejetée. Les deux lésés ont fait immédiatement appel de cette décision qui a enfin trouvé un point final début septembre 2022. « Le roi était un homme érudit et avait une belle écriture. Mais son style ne se reflétait pas dans son prétendu testament qui comportait de nombreuses fautes d’orthographe et des signatures contrefaites » a déclaré Jassi Anand. « Différentes machines à écrire ont été également utilisées pour rédiger ce testament » a ajouté cette experte médico-légale interrogée par la BBC. La Cour suprême saisie dans ce dossier a fait casser le faux testament et s’est basée sur celui de 1955. La princesse Amrit Kaur va (enfin) pouvoir jouir de la fortune amassée par sa maison depuis trois siècles.

La maison princière de Faridkot est actuellement dirigée par le prince Shri Amarinder Singh (né en 1971), son petit-cousin.

Frederic de Natal