Un véritable succès télévisuel pour « The Chosen ». Retraçant la vie du Christ au temps de la dynastie Hérodienne, les premiers épisodes de cette série, entièrement financés par des donations et diffusés sur la chaîne C8, ont rassemblé plus de 400 000 personnes devant leur écran de télévision le 20 décembre dernier. Arrivés au pouvoir après la révolte des Maccabées, les Hasmonéens ont dirigé la Judée avant que les romains n’y mettent fin brutalement. Evoqués au cours de la série, la Revue Dynastie revient sur cette maison royale de Grands prêtres et de rois dont l’histoire nous est rapportée par Flavius Josèphe, l’historiographe romain. Un véritable « Game of Thrones » antique.

Pièces de monnaie avec l’emblème de la dynastie Hasmonéenne

 

Tout commence par un nom, celui d’une famille, les Maccabées. Territoire intégré dans l’empire séleucide, la Judée est en proie à de vives tensions. D’un côté, traditionnalistes et juifs hellénisants s’affrontent sur l’application de la Torah, le livre saint et de l’autre, un vif ressentiment contre la maison royale au pouvoir et la corruption croissante dans tout l’empire. L’assassinat du Grand-prêtre de Jérusalem en 172 avant Jésus-Christ (J.C.), Ornias III, la prise de pouvoir par son frère, le philhellène Jason, et les manigances d’un de ses parents, Ménélas, qui réussit à se faire nommer à sa place par le roi Antiochos IV, va bientôt provoquer une guerre civile. Si celle-ci est rapidement jugulée au profit de Ménélas, elle pose les germes d’une seconde révolte provoquée par les décisions d’Antiochos qui, deux ans plus tard, promulgue un édit qui abolit la Torah. C’est tout le judaïsme qui est subitement interdit, à commencer par le sacrifice, les fêtes et la circoncision comme le shabbat passible de peine de mort. Le Temple de Salomon, dans lequel le souverain a puisé le trésor pour rembourser sa dette colossale aux romains, est consacré au Dieu Zeus. C’est là qu’intervient Mattathias, descendant d’un certain Hasmonaï, dont le nom va raisonner comme celui de la révolte à l’ordre établi.

Arbre généalogique des Hasmonéens

La révolte des Macchabées

Refusant d’obéir aux ordres d’un émissaire séleucide qui lui intime de sacrifier à un dieu grec, Mattathias harangue soudainement la foule. Tout juif suspecté d’être un hellénisant est tué, les autels détruits. L’émissaire est lui-même assassiné par les fils et futurs successeurs (Judas, Simon et Jonathan Maccabée) du vieux Mattathias. Il faudra attendre 152 avant J.C. pour que les Séleucides acceptent enfin de reconnaître l’état Hasmonéen mais sans pour autant accepter son indépendance. Simon va alors cumuler les fonctions de Grand-prêtre, chef militaire, ethnarque et gouverneur héréditaire. Charges reconnues au cours d’une grande Knesset (assemblée) et qui va attirer bien des convoitises. Il sera assassiné en 135 avant Jésus-Christ par son gendre Ptolémée, manipulé par les Séleucides qui tentent en vain de reprendre la main sur le royaume. Soutenu par l’armée, le fils de Simon, Jean Hyrcan Ier réussit à s’emparer du pouvoir et sécuriser ses frontières. Il va mener une politique très expansionniste et annexer une large partie de la Palestine actuelle qu’il va judaïser. Ses conquêtes s’accompagneront parfois de véritables massacres comme la ville de Samarie, entièrement noyée et détruite, ses habitants avec. Un populicide qui sonne comme une revanche des Macchabées devenus Hasmonéens. Son règne, un des plus durs qui soient de l’histoire de cette maison, va laisser des marques dans le subconscient des juifs et notamment après son alliance avec Rome.

Jean Hyrcan I et Aristobule II

 

Derrière le trône, une femme ambitieuse

Le conflit religieux entre pharisiens (juifs pieux) et saducéens (sacerdoce conservateur) va empoisonner la dynastie Hasmonéenne. Aristobule Ier, fils de Jean Hyrcan Ier décédé en 104 avant J.C. va être aussi bref que brutal. Il fait emprisonner sa mère qu’il lui faisait trop d’ombre, femme ambitieuse qui convoitait le trône, et qu’il va laisser mourir de faim en prison, fait assassiner son frère Antigone à l’origine d’une grande conquête, se laisser influencer par son ambitieuse épouse Salomé Alexandra prête à tout pour monter sur un trône. Un an de règne sanglant, constellé de remords, qui auront raison de la santé du souverain. La mort du Grand-prêtre place alors Salomé Alexandra en position de force. Elle fait libérer les frères d’Aristobule et après s’être glissée dans sa couche, met sur le trône le frère de son défunt mari, le roi Alexandre Jannée. Une fois couronné, ce dernier n’hésite pas à tuer un de ses frères et se lancer dans de grandes conquêtes. Notamment celle de l’Égypte en proie à une querelle de trône entre le pharaon Ptolémée IX et sa mère la reine Cléopâtre III. C’est un désastre avec son nouveau lot de massacres comme la ville de Gaza qu’il passe entièrement par le fil de l’épée. En 96 avant J.C, une erreur durant la fête du Tabernacle provoque la colère des pharisiens qui doute de sa sincérité sacerdotale. C’est l’émeute. Alexandre Jannée va réagir immédiatement et fait massacrer 6000 personnes. Pis les prêtres pharisiens ont osé appeler les Séleucides à l’aide. Une importante désertion de l’armée permet au Grand-prêtre de reprendre la main et de faire arrêter les rebelles, égorgés devant leurs femmes et enfants. Ce n’est qu’à sa mort, en 76 avant J.C, qu’il acceptera de séparer les pouvoirs royaux de ceux de la grande prêtrise suite à la demande de son épouse.

Jean Hyrcan II et Antigone II

Salomé Alexandra avait d’abord embrassé le parti des Sadducéens, et d’autres groupes sacerdotaux qui s’étaient rangés à ses côtés, avant de de se rallier aux Pharisiens. La raison de cette volte-face de la reine était purement politique. Sachant qu’elle ne pourrait pas plaire en même temps aux Sadducéens et aux Pharisiens, Salomé Alexandra, qualifiée par Flavius Josèphe de « reine prudente et énergique mais un peu naïve, choisit tout simplement le camp le plus utile à sa cause » comme l’explique Flavius Josèphe. Un choix qui  lui permet de mettre sur le trône son fils ( Jean) Hyrcan II, un « un être faible, dénué de cran pour la guerre ou pour les autres charges que les monarques de ce temps étaient censés assumer », un pantin dont elle fait peu de cas. En peu de temps, bien avant l’impératrice Poppée, la reine Salomé Alexandra est parvenue à gravir les marches du pouvoir.  Un pouvoir que va défier son second fils, le prince Aristobule qui prend la tête des opposants à mère à la santé déclinante. La « Lionne de Judée » s’empresse de faire embastiller l’épouse du fils rebelle avec sa famille mais la révolte qui a éclaté redouble d’efforts. Elle va déborder l’armée d’Hyrcan II qui se retrouve bientôt assiégé dans le Temple de Jérusalem. Jetant toutes ses forces dans une médiation, avant de mourir (67 avant J.C.) Salomé Alexandra réussit à faire signer un accord entre les deux frères. A Aristobule II, la couronne de roi, à Hyrcan II, celle de Grand-prêtre.

Un Hérodien à l’affût de la couronne

C’était sans compter l’ambitieux Antipater, fils du procureur de Judée, qui se rapproche d’Hyrcan II et nourrit ses frustrations. Il va agir comme un ver dans le fruit. L’accord ne tarde pas à être caduque et la guerre fratricide de reprendre, affaiblissant la monarchie hasmonéenne. Avec leurs alliés nabatéens, ils vont assiéger Aristobule II dans le Temple de Jérusalem. Il résiste assez longtemps pour laisser les troupes du général romain Pompée d’entrer dans son royaume, déjà victorieux d’une campagne contre le roi Tigrane II d’Arménie. Ce nouveau joker est rapidement courtisé, financièrement, par les deux parties qui s’affrontent.  En fin tacticien, Pompée joue double jeu mais a déjà fait son choix et soutient le faible Hyrcan II qui est remis sur son trône (63 avant J.C.).  La Judée ne va pas tarder à perdre son indépendance, mis sous protectorat romain. Le pays n’en a pourtant pas fini avec ses démons. Aristobule II, captif à Rome, parvient à s’enfuir et regagner la Judée. C’est le soulèvement puis la défaite en 57 avant J.C et de nouveau l’emprisonnement. Le conflit entre Pompée et Jules César permet une nouvelle fois à Aristobule II de refaire une incursion dans son royaume. Les pompéiens vont se débarrasser de lui en l’empoisonnant (49 avant J.C.)

Hérode le Grand

Les jours de la monarchie hasmonéenne sont désormais comptés. Alexandre II Jannée, fils d’Aristobule II, tente bien de reprendre le trône auquel il a droit mais la rébellion, qu’il mène depuis 8 ans, est écrasée. Il sera décapité la même année à Antioche. L’ancien allié d’Hyrcan II, Antipater, est à son tour assassiné en 43 avant J.C et son fils Hérode se rallie immédiatement aux romains. C’est un jeu de chaises musicales qui va rythmer la maison royale des Hasmonéens. Antigone II Mattathiah, frère d’Aristobule II, se rallie aux Parthes, ennemis de Rome et parvient à reconquérir Jérusalem (40 avant J.C.). Hyrcan II a eu une oreille coupée afin de l’empêcher d’exercer ses activités (une règle du Temple stipule que si le Grand-prêtre a une difformité physique, il est impur à sa charge). Antigone II ne va pas tarder à connaître le même sort que son adversaire. Trois ans plus tard, Hérode s’empresse d’assiéger la ville sainte, épouse Mariamne l’Hasmonéenne (petite-fille d’Hyrcan II), dotée d’une grande beauté, pour mieux se légitimer et chasse Antigone II qui se réfugie à Antioche. Devenu roi de Judée grâce au soutien du général Marc-Antoine (il a fait trancher la tête d’Antigone II en 37 avant J.C.), Hérode nomme à la charge de Grand-prêtre son beau-frère Aristobule III, 17 ans. Le jeune éblouit par sa prestance, son charisme, sa fraîcheur, la population est en liesse lorsqu’il revêt son habit sacerdotal. Cette popularité va finalement agacer Hérode qui le fait noyer dans les bains de Jéricho (36 avant J.C.).  Ainsi disparait tragiquement le dernier des Hasmonéens, laissant place aux Hérodiens. Dans le ciel, une étoile brille dans la nuit. Elle est annonciatrice d’un véritable bouleversement social et religieux qui va marquer l’histoire de cette nouvelle dynastie, baptisée dans le sang. Mais ceci est encore une autre histoire qui reste à découvrir.

Frederic de Natal