Homme d’État et Premier ministre du Royaume-Uni, Sir Winston Churchill est un personnage incontournable du roman national britannique. Héros de la Seconde Guerre mondiale, il a été le premier chef de gouvernement de la reine Elizabeth II. Il était aussi un membre éminent de la maison Spencer, né au sein la prestigieuse lignée des ducs de Marlborough dont voici tous les secrets d’Histoire.
Le 24 janvier 1965, le monde entier apprend le décès de Sir Winston Churchill à l’âge de 90 ans. La reine Elizabeth II ordonne que lui soient organisé des funérailles nationales. Son cercueil est même exposé durant trois jours au Westminster Hall, un lieu que l’ancien Premier ministre conservateur de la souveraine a fréquenté durant des décennies, comme député, ministre et chef de gouvernement. Winston Churchill est le fils de Lord Randolph Henry Spencer-Churchill (1849-1895), troisième fils du duc de Marlborough et de Jennie Jerome (1854-1921), mondaine connue du Royaume-Uni, amante du roi Edouard VII et (dit-on ?) à l’origine du cocktail Manhattan. Les racines de sa maison remontent à la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant. Il va passer une large partie de son enfance au château de Blenheim, situé à Woodstock dans l’Oxfordshire. D’inspiration baroque, c’est un cadeau du roi Jacques II à John Churchill (1650-1722), premier duc de Malborough. Ce sont des fidèles des Stuart qui ont lié leur destin à celle de cette dynastie renversée par une révolution en 1689. Sa sœur, Arabella Churchill, sera même une maîtresse attitrée du roi Jacques II avec lequel elle aura un fils, Jacques Fitz-James, duc de Berwick (dont descendance des ducs d’Albe).
« Malbrough s’en va-t-en guerre. »
C’est un habile politicien qui sait s’adapter aux bouleversements que traversent la monarchie, un militaire de renom qui brille sur le champ de bataille. Notamment lors de la guerre d’Espagne, considéré comme l’un des plus grands généraux d’Europe (Beaumarchais lui consacre en 1781 une chanson restée célèbre : « Malbrough s’en va-t-en guerre. »). Un temps au Conseil Privé de la reine Anne, John Churchill va connaître plusieurs temps de disgrâce et de retour en grâce, gagnant à chaque fois en influence à la cour d’Angleterre. Ses deux fils John et Charles sont décédés très jeunes. Il ne lui reste plus que des filles. En Angleterre, les transmissions de titre se font exclusivement par les hommes. Un vote exceptionnel du parlement va permettre à sa fille aînée, Henrietta (1681-1731), de porter Suo jure (« de son propre droit »), le titre de duc de Marlborough. Son propre fils étant mort avant elle, c’est son neveu, Charles Spencer (1706-1758) qui hérite du titre tant convoité, fils de sa sœur Anne.
La famille du grand général est tristement déchue
Lorsque son petit-fils George (1766-1840) hérite du titre, il est à la tête d’une fortune considérable. Éduqué au prestigieux collège d’Eton, il décide de siéger à la chambre des communes de 1790 à 1806. Excentrique, c’est un collectionneur d’antiquités et de livres qui se ruine pour sa passion. A un tel point, que le trésor familial finit par se réduire comme une peu de chagrin. Un attitude qui alimente tous les ragots de la gentry britannique. En 1817, il ajoute les deux noms Spencer et Churchill à son blason, espérant le redorer tant sa réputation est atteinte comme l’écrit Harriet Arbuthnot dans ses mémoires après l’avoir rencontré 8 ans plus tard. « La famille du grand général est tristement déchue, et n’est qu’une honte pour l’illustre nom de Churchill, qu’elle a choisi de reprendre. Le duc actuel est surchargé de dettes, ne vaut guère mieux qu’un vulgaire escroc. Il a fallu toute l’autorité d’une cour de chancellerie pour l’empêcher d’abattre tous les arbres de son parc » écrit cette observatrice renommée de son époque. Il faut attendre son fils, George Spencer-Churchill (1793-1857), pour que la famille des ducs de Marlbourough retrouve son prestige et ses privilèges, grâce à des mariages d’argent contractés avec deux de ses cousines.
Les Churchill lient leur destin à l’Afrique du Sud
La politique est dans le sang des Spencer-Churchill. George sera un député conservateur qui n’hésitera pas à se dissocier du duc de Wellington lorsque celui-ci décide d’ouvrir les droits aux catholiques. La presse de l’époque le qualifie même « d’ultra-Tory ». Son fils, John Winston Spencer-Churchill (1822-1883) siège à la chambre des Lords, entre au Conseil privé de la reine Victoria et sera nommé Lord-Lieutenant d’Irlande entre 1876 et 1880 après avoir refusé une vice-couronne. Une famille devenue proche de la couronne et puisque sa fille Lady Anne-Emily deviendra une dame de compagnie de la souveraine. Toute la famille porte d’ailleurs ses regards vers la rebelle Afrique du Sud. Des discussions passionnées qui vont influencer Winston Churchill, petit-fils de John Winston. C’est décidé, ce champion d’escrime, ambitieux, fera ses premières armes de reporter de guerre lors du conflit anglo-boer, laissant derrière lui des témoignages de cette guerre meurtrière. Sa tante, Lady Sarah Isabella Augusta Spencer-Churchill (1865-1929) sera d’ailleurs aux côtés du futur Premier ministre, engagée comme journaliste au siège de Mafeking (1900).
Blenheim, le Downton Abbey des Churchill
Charles Richard John Spencer-Churchill (1871-1939) est le cousin de Winston Churchill et le 9è duc de Marlbourough. Lui aussi est parti se battre en Afrique du Sud, défendre l’Empire contre les boers. Il en est revenu auréolé de gloire et de gardes militaires. Les deux hommes s’apprécient et vont même combattre ensemble dans les tranchées en France, lors de la Première Guerre mondiale. Sa carrière est fulgurante puisqu’il intègre le gouvernement entre 1917 et 1918. Son mariage avec Consuelo Vanderbilt, une des plus grosses fortunes d’Amérique, permet au duché (en banqueroute depuis 1892) de se maintenir. Le château de Blenheim (classé au patrimoine mondial de l’UNESCO) ne tarde pas à être rénové pour retrouver sa splendeur d’antan. Pourtant, le couple bat de l’aile et Consuelo Vanderbilt (1877-1964) multiplie les infidélités à son mari (avec lequel elle a eu deux fils) tandis que celui-ci tombe sous le charme de Gladys Deacon (1881-1877) dont il fait sa maîtresse. Il ne sera pas le seul. Le prince héritier Guillaume de Prusse ne résiste pas à la beauté de GladYs et crée un incident diplomatique en lui offrant une bague provenant des joyaux de la couronne allemande. Berlin exigera que Gladys retourne l’objet du désir éconduit. Le divorce retentissant des Malborough (1921) permet à Charles d’épouser sa maîtresse. « Je n’ai jamais vu une fille avec une telle beauté, une intelligence aussi magnifique, une telle bonté et un tel charme » dira même d’elle un certain Marcel Proust. Mais là aussi, le tempérament artistique de Gladys se heurte rapidement à celui de son mari. Ils vont faire chambre à part et s’ignorer lorsqu’ils se croisent dans les allées du château. La mariée garde même un révolver dans sa chambre afin d’empêcher son mari d’y pénétrer, tout cela sous l’oeil des domestiques.
— MOIZ ESUFALLY (@moizesufally) September 15, 2022
Une des plus grosses fortunes du Royaume-Uni
Le 11ème duc de Marlborough, petit-fils de Charles Richard John, est décédé en octobre 2014 à 88 ans. Pur produit de l’aristocratie britannique, John George Vanderbilt Henry Spencer-Churchill à un nom qui résume à lui tout seul l’histoire récente de cette famille. Marié quatre fois, il siège à la chambre des Lords de 1972 à 1999. Son fils, Charles James Spencer-Churchill (né en 1972) est actuellement la tête d’une fortune de plus de 200 millions d’euros. L’héritier des Marlborough, marié lui-même deux fois (dont un fils George, 30 ans, joueur de polo), a une mauvaise réputation. Décrit par son père comme le « mouton noir de la famille » en raison de son usage de drogues et des excès de vitesse qui le conduiront en prison (1995), John George décide de placer l’argent de sa famille au sein d’une fondation craignant que son fils ne le dilapide en fêtes et achats onéreux en tout genre.
Winston Churchill, l’incarnation de l’identité britannique
Loin de l’image exemplaire de Winston Churchill, brillant militaire qui s’est fait remarquer en Inde et au Soudan. Social-démocrate puis conservateur, sa notoriété lui permet de devenir député puis ministre dès 1909. Sa carrière politique ne s’arrêtera plus, le portant à tous les strapontins des gouvernements qui se succèdent jusqu’à celui de Premier ministre (1940-1945 et 1951-1955). Il porte la Grande-Bretagne dans ses veines, ardent nationaliste, l’Empire doit rayonner partout où il peut. Il s’opposera vigoureusement au statut de dominion pour l’Inde. « Il est aussi alarmant et nauséabond de voir M Gandhi un avocat séditieux qui pose maintenant comme un fakir d’un type bien connu en Orient, montant à demi-nu jusqu’aux marches du palais du vice-roi […] afin de parlementer sur un pied d’égalité avec le représentant de l’empereur-roi » déclare-t-il avec mépris, en 1930, outré par l’importance accordée par la vice-royauté à l’avocat indien. « Sans ses possessions impériales, le pays ne serait plus qu’une île obscure au large du continent européen » ajoutera sans complexe Churchill. Anti communiste, anti-nazi (ce qui ne l’empêchera pas de flirter avec des régimes fascistes au nom de l’intérêt britannique), Winston Churchill est encore le personnage central qui va gérer la crise de 1936 provoquée par l’abdication du roi Edouard VIII. Mais de son histoire riche en événements politiques et traversées du désert, c’est lors de la Seconde Guerre mondiale qu’il va acquérir sa réputation de héros, bien qu’entouré d’une nappe de controverses. « C’est lorsque je suis Jeanne d’Arc que je m’exalte » n’hésite-t-il pas à dire de lui-même. Les marins français tombés à Mers El-Kébir (1940) apprécieront.
Peintre à ses heures, amateur de cigare et de cognac, il reste toujours considéré comme un des plus brillants politiciens du XXe siècle, un digne héritier de John Churchill, premier duc de Marlborough, le symbole d’un empire passé.
Frederic de Natal