C’est une défaite juridique inédite que vient de subir le prétendant au trône d’Allemagne. Jusqu’ici enclin à suivre les demandes du prince Georg Friedrich de Prusse, le tribunal du Brandebourg a décidé de débouter l’arrière-arrière-petit-fils du Kaiser et de « classer sans suites les poursuites » lancées par les Hohenzollern contre Die Linke. Une mouvance de gauche à l’origine d’une pétition mise en ligne  afin de protester contre les demandes de dédommagement de la maison impériale sur leurs biens nationalisés en 1945.

C’est un feuilleton aux multiples rebondissements qui alimente quotidiennement la presse allemande. Des médias qui n’ont de cesse d’analyser la responsabilité des Hohenzollern dans la montée du nazisme et dont les actes ont justifié la nationalisation de leurs biens à la fin de la Seconde guerre mondiale. Depuis les révélations des négociations entre le gouvernement fédéral de Berlin et la maison impériale, il y a deux ans, les partis de gauche mènent un véritable combat contre les revendications du prince Georg Friedrich de Prusse. Il y a deux semaines, le tribunal du Brandebourg statuait sur une demande du prétendant au trône qui réclamait que les instances juridiques fassent interdire une pétition intitulée « Pas de cadeaux aux Hohenzollern » (Keine Geschenke den Hohenzollern).

Des faits historiquement troublants

Initiée en 2019 par le mouvement Die Linke, un parti politique en perte de vitesse lors des scrutins régionaux et dont plusieurs cadres ont du démissionné après des révélations faisant état de leur appartenance à la Stasi (police est-allemande), ce dernier estimait que le prince Georg Friedrich de Prusse avait franchi « une ligne rouge » en réclamant des millions d’euros à titre de compensation pour la perte de leurs biens.  « Les exigences excessives de l’ancienne famille royale et de ses administrateurs sont inacceptables » avaient expliqué Die Linke aux différents médias, argumentant sur le fait que les Hohenzollern avaient largement parrainé l’accession au pouvoir d’Adolf Hitler. « Le 21 mars 1933, « Jour de Potsdam », lorsque Hitler et Hindenburg se sont serrés la main pour prendre le pouvoir, le prince héritier des Hohenzollern se tenait comme un parrain au premier rang. Nous sommes consternés de voir qu’il y ait des tentatives pour minimiser ou occulter ce fait historique » s’était ainsi justifié ce parti né de la fusion de l’Alternative électorale travail et justice sociale et du Parti du socialisme démocratique. Des faits que semblent accréditer le livre de Lothar Machtan, « Le prince héritier et les nazis », commandé par la maison impériale elle-même et qui a du reconnaître lors d’une conférence de presse, l’été dernier, qu’il  « y avait des faits troublants ».

En première instance, le tribunal du Brandebourg avait accordé au prince une injonction contre le député vert berlinois Daniel Wesener (nommé rapporteur du Département des finances du Sénat au sein du nouveau gouvernement du chancelier Olaf Scholz), qui ne cache pas son opposition aux Hohenzollern, avant de revenir sur sa décision lors d’une nouvelle session. De même,  le tribunal a décidé d’aller plus loin, signe que le vent a changé, en déboutant le prince Georg Friedrich de Prusse de ses demandes d’interdiction de la pétition. A l’issue du verdict, Anja Mayer a laissé exprimer sa joie et fait part de ses regrets concernant « l’entêtement du prince qui a cru bon de les poursuivre ».  « Il est temps que le prince prenne enfin les bonnes décisions » a ajouté la dirigeante de gauche du Brandebourg qui suggère au rejeton impérial d’abandonner ses demandes de dédommagement.

« J’ai la motivation pour tenir longtemps »

Refus de l’arrière-arrière-petit-fils du Kaiser qui entend poursuivre son combat qu’il estime légitime et qui avance ses arguments sur son site officiel. « En fait, j’ai la motivation pour tenir longtemps. En 2061, je pourrais fêter mes 85 ans, mes noces d’or et le millénaire des Hohenzollern. Ensuite, plus tard, ce serait bien si je pouvais transmettre l’un ou l’autre sujet à mon fils » a déclaré Georg Friedrich de Prusse soutenu par les monarchistes allemands. « Plus sérieusement, j’ai une grande confiance dans le futur gouvernement fédéral et que nous entamerons des pourparlers qui pourront faire avancer cette affaire ». Pas sur que le nouveau gouvernement de la « coalition en feu tricolore », largement opposée aux Hohenzollern, l’entende de cette manière.

Frederic de Natal