Alors que se termine doucement le règne de la reine Elizabeth II, certaines nations caraïbéennes du Commonwealth menacent désormais ouvertement de coupler leurs liens avec Londres au décès de la « Queen ». Une situation qui a contraint Buckingham Palace à organiser récemment un « sommet de crise », dirigé par le prince William, duc de Cambridge. Le but : éviter que se répète un nouveau « Wind of change » (Vent du changement)  selon la formule prononcée par le Premier ministre Harold Macmillan lors de la décolonisation en 1960. 

Après le voyage du prince William et de son épouse Kate dans les Caraïbes en mars 2022, jugé désastreux par les médias britanniques, celui du comte et de la comtesse de Wessex, qui a complété cette tournée, n’a guère été plus brillant. Jamaïque, Grenade, Antigua et Barbuda, Saint-Kitts-et-Nevis ou encore Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les Grenadines ont tour à tour exprimé un seul et même souhait : celui de rompre leurs liens affectifs et historiques avec la monarchie au décès de la reine Elizabeth II. Une situation assez inquiétante pour Buckingham Palace qui a organisé une « réunion de crise » le 29 avril dernier. Invité à la présider, le prince William, petit-fils de la reine Elizabeth II, a convenu que les membres de la famille royale avaient dû faire « face à un certain nombre de réactions négatives » de la part de ces anciennes colonies, membres du Commonwealth et que ces « voyages vivaient peut-être leurs derniers jours ».

Une tournée royale dans les Caraïbes catastrophique 

La sonnette d’alarme a été tirée lorsque la Gouverneur-générale de la Grenade, Dame Cécile, a envoyé un message au secrétariat de la reine, lui demandant d’annuler de toute urgence la visite prévue par le comte et la comtesse de Wessex. Selon la représentante de la « Queen », de nombreuses manifestations étaient prévues à l’arrivée du couple princier et menaçaient de se transformer en véritables émeutes. Pour beaucoup d’associations afro-caribéennes, le Royaume-Uni « doit présenter des excuses officielles pour les décennies d’esclavage qui ont contribué à faire sa fortune commerciale et indemniser les descendants des africains brutalement arrachés à l’Afrique, prix du sang, des larmes et de la sueur ». Certains politiques n’ont pas hésité à joindre leurs voix afin de proclamer leur volonté de décrocher définitivement du mur le portrait de la reine. En novembre 2021, l’île de la Barbade a été la première à sauter le pas. D’autres nations semblent désormais prêtes suivre le mouvement  comme l’a confirmé le Premier ministre de la Jamaïque. «  (…) La Jamaïque est un pays fier de son histoire et nous sommes très fiers de ce que nous avons accompli. Et nous avançons et nous avons l’intention de réaliser à court terme nos véritables ambitions et notre destin de devenir un pays indépendant, développé et prospère » a déclaré Andrew Holness au prince William.

Une photo critiquée par les médias britanniques lors du Royal tour @KensingtonPalace/Dynastie

Les associations Black Lives Matter exigent excuses et indemnités de la famille royale

En 1992, l’île Maurice avait été le dernier pays à abolir l’institution royale au sein du Commonwealth. Aucun pays des Caraïbes n’avait jusqu’ici abordé cette question inspirée par la Cancel Culture et qui a refait surface avec l’apparition des revendications du mouvement radical Black Lives Matter (« La vie des noirs compte »). « Le mouvement vers le républicanisme est fondé sur la conviction qu’il est temps pour les anciennes nations colonisées de vraiment vivre leur indépendance et de revendiquer l’autodétermination et de ne pas être sous un système monarchique » a déclaré à ce propos Verene Shepherd, présidente de la Commission nationale jamaïcaine sur les réparations et présidente du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale. « Pour nous, ils [les Britanniques-ndlr] sont la source d’un génocide et d’une blessure, d’une injustice et d’un racisme internationaux profonds et persistants » n’a pas hésité à écrire la Commission de soutien aux réparations d’Antigua et Barbuda dans une lettre ouverte au prince Edward. Des revendications qui ont atteint le Royaume-Uni en 2020-2021 où les militants de ce mouvement ont déboulonné un certain nombre de statues glorifiant l’histoire esclavagiste de la monarchie.

Un comité de crise en charge de stopper l’hémorragie caraïbéenne 

Si le duc de Cambridge a fait part de ses « regrets » concernant le passé esclavagiste « odieux » du Royaume-Uni, cela n’a pas suffi à apaiser les tensions dans les Caraïbes. Officiellement, tout pays dépendant directement de la Couronne et membres du Commonwealth peut décider de son destin sans que la Maison royale ne tente de s’y opposer. Mais avec la montée des velléités indépendantistes, le prince William a pris le « leadership » du comité de crise en charge d’enrayer cette vague de départs que chacun redoute au sein de la « Firme », le surnom donné aux Windsor. Selon le Daily Mail, la réunion organisée par le fils du prince de Galles aurait été très « brusque ». Il n’aurait pas mâché ses mots selon ce même quotidien. Une réunion, où chacun en aurait pris pour son grade entraînant le limogeage de ses communicants, confirmée par le Mirror. D’après ce quotidien d’information, le prince William serait « déterminé » à provoquer une « révolution de palais » afin de moderniser drastiquement la monarchie et stopper cette hémorragie qui pourrait toucher d’autres pays plus stratégiques comme le Canada et l’Australie. Des sources royales affirmant que le prince William n’a pas digéré les articles à charge qui ont été écrits par la presse lors de son voyage de charme dans les Caraïbes. A diverses reprises, il a été accusé de colonialisme notamment lorsqu’il a salué des afro-jamaïcains à travers des grilles. Un geste qui a été critiqué par tous les tabloïds britanniques.

L’avenir des Caraïbes semble se dessiner sans la monarchie. « La volonté de devenir une république sont en grande partie des décisions nationales » a déclaré Hilary Brown, responsable du programme de développement culturel et communautaire au Secrétariat de la Caricom (Communauté caribéenne) et qui évoque un « effet naturel boule de neige ». « Je ne serais pas du tout surpris si d’ici 2024 nous devenions une république semblable à la Barbade » a déclaré la journaliste grenadine Linda Strakera au magazine Foreign Policy venu l’interroger à ce sujet. Reste à savoir si la « Task force » mise en place par le prince William saura endiguer le tentative de fin de la royauté dans les Caraïbes ? Rien n’est moins sûr aujourd’hui y compris de l’avis même du duc de Cambridge qui a avoué….« qu’il ne serait probablement pas le prochain chef du Commonwealth » lorsqu’il montera à son tour sur le trône de Guillaume le conquérant.

Frederic de Natal