Âgée de 81 ans, Margrethe II fête aujourd’hui ses 50 ans sur le trône du Danemark. Un jubilé marqué par la pandémie de covid-19 qui a contraint la monarchie a repousser les festivités prévues pour la fin de l’été prochain. Fille du roi Frederik IX, mère et grand-mère comblée, elle est la première femme de l’histoire danoise à porter le titre de reine du Danemark.

Le 15 janvier 1972, la voix est hésitante, tremblante, marquée par l’émotion du moment. Au balcon du palais de Christianborg, elle doit réfréner la douleur que suscite naturellement la perte de son père, Frederik IX, qui s’est éteint la veille. « Je prie Dieu de me donner la force nécessaire pour assumer ma tâche…» déclare la nouvelle souveraine en lisant le discours qui a été préparé pour elle par le gouvernement en place, sollicitant ce même « amour et loyauté que le peuple danois a toujours manifestés à son père et qui ont été le fondement de sa tâche de roi ».

« L’aide de Dieu, l’amour du peuple, la force du Danemark »

Jusqu’ici la succession au trône du Danemark avait été régie par une loi de primogéniture exclusivement masculine. N’ayant que trois filles et ne souhaitant pas remettre la couronne à son frère, le prince Knud, le roi avait réussi à faire modifier la Constitution afin permettre aux femmes de monter sur ce trône viking qui a connu bien des soubresauts au cours de son histoire. Une décision ratifiée par référendum. Face aux milliers de danois massés aux abords du palais, le premier ministre Otto Krag prononce à trois reprises : « Le roi Frederik IX est mort. Longue vie à la reine Margrethe II ».  Pour l’anecdote, elle devient alors la première reine du Danemark. Son homonyme ayant régné entre 1376 et 1412, Margrethe Ière n’a jamais reçu ce titre. Elle avait été élue « ecclésiastique et mari » et se faisait appeler « Margrethe par la grâce de Dieu, fille de Valdemar Danekonge ».

Suivant les pas de son père, la nouvelle reine va insuffler un vent très moderne sur cette monarchie constitutionnelle. « Je dois une reconnaissance éternelle à mon père parce qu’il a su m’inculquer, comme il l’a fait pour mes sœurs, Benedikte et Anne-Marie, les principes fondamentaux de la démocratie et de la simplicité » reconnaissait volontiers Margrethe II lors d’une interview retranscrite dans « L’Europe des rois » de Stéphane Bern (publié aux éditions Lieu Commun). Elle considère son rôle comme une « responsabilité morale » qui n’a pas à interférer dans les débats. A quelques exceptions près. Femme de caractère, fumeuse invétérée, elle n’avait pas hésité à pointer certaines vérités « politiquement incorrectes ». En 2015, elle avait surpris son pays en demandant aux migrants de s’adapter aux mœurs culturelles des danois ou de quitter le pays. Rien qui ne saurait choquer la reine elle-même qui reste fidèle à son credo, « l’aide de Dieu, l’amour du peuple, la force du Danemark ».

Une reine exceptionnelle et populaire

« Margrethe est, dans un contexte européen, une reine exceptionnelle qui ose s’immiscer dans quelques-uns des débats les plus sensibles de la société . Et, si elle peut se permettre de dire les choses avec autant de franchise, d’aller à la limite de ses prérogatives, c’est parce qu’elle est très populaire » reconnaît l’historien Lars Hovbakken dans les colonnes du Figaro. Il est vrai que cette artiste, surnommée « Daisy » par sa famille, est très aimée de ses compatriotes. Selon un récent sondage daté de 2019, 77% des danois plébiscitent leur institution royale et autant qui considèrent la monarchie « comme la meilleure chose qui soit pour le Danemark ». Contrairement à d’autres monarchies, la gauche socialiste estime que ce système « n’est pas un obstacle au développement de la démocratie ou du progrès social ». « Si on veut caractériser la fonction de la monarchie au Danemark, on peut dire qu’elle a été un facteur d’équilibre, ni réactionnaire, ni progressiste » dans toute son histoire contemporaine affirme un politologue. Un facteur d’unité, « un véritable travail satisfaisant, passionnant et important que l’on fait jusqu’au dernier jour » renchérit d’ailleurs Margrethe II dans « Le métier de reine », publié aux éditions Fayard.

Polyglotte et artiste accomplie dans de nombreux domaines, elle a épousé le comte Henri de Laborde de Monpezat en 1967. Un mariage peu apprécié des danois qui reprochaient au « prince Henrik » (décédé en 2018 à 83 ans) ses coups de colères, son rejet du protocole, son amour des costumes médaillés et son attitude hautaine. Une union qui a donné naissance à deux fils, les princes Frederik (né en 1968) et Joachim (né en 1969), qui ont eux-mêmes assuré l’avenir de la monarchie. Son secret de longévité ? Son éternelle jeunesse, « sa simplicité, sa gentillesse, l’humour, l’intelligence et l’amour de son peuple » écrivait déjà Stéphane Bern à son propos en 1988. Le temps lui a donné raison. Bon anniversaire Votre Majesté !

Frederic de Natal