Ils portent un nom qui est indissociable de l’histoire de la Russie et de l’Ukraine. Deux pays actuellement en guerre depuis un mois. Pour El Espanol, la grande-duchesse Maria Wladimirovna Romanov et son fils le grand-duc Georges Romanov, héritiers légitimes au trône de Russie, ont accepté de répondre conjointement aux questions de ce quotidien ce 27 mars, livrant une analyse sur les événements en cours et sur la possibilité d’un retour de la monarchie qui pourrait dessiner l’après-Poutine. 

Bien qu’ils ne règnent plus depuis 1917, renversés et exilés par une violente révolution, les Romanov n’ont jamais été absents de la vie politique russe. Voix de l’opposition sous le régime soviétique, les descendants d’Alexandre II ont toujours été au chevet de leur pays où ils ont fait un retour à la chute du mur de Berlin. Réhabilités depuis, les deux prétendants au trône, la grande-duchesse Maria Wladimirovna Romanov et son fils le grand-duc Georges Romanov, ont récupéré leur citoyenneté grâce au Président Boris Eltsine. Ils se sont fixés une mission : Celle de transmettre leur héritage aux générations futures. « Pour notre Maison, l’important est de maintenir une continuité historique. Nous travaillons depuis trois décennies sur des projets culturels, sociaux et historiques qui sont importants en Russie aujourd’hui et dans toutes ces régions qui faisaient d’abord partie de l’Empire russe et plus tard de l’URSS » explique Maria Wladimirovna au quotidien El Espanol venu l’interroger avec son fils sur la guerre russo-ukrainienne.

La grande duchesse Maria Wladimirovna

« Les Russes et les Ukrainiens sont frères. Ils ont des centaines d’années d’histoire en commun »

Face aux événements tragiques qui frappent l’Ukraine, ce pays agrandi par les tsars et le régime communiste tout au long des siècles, ils ne sont pas restés inactifs. Le 25 février, la grande duchesse Maria Wladimirovna a publié un communiqué sur le site officiel de la Maison impériale, exprimant son « anxiété et sa profonde tristesse » tout en conservant un strict devoir de neutralité. Considérant toutefois que l’Ukraine et la Russie sont liés par une histoire commune, « c’est une chose aussi monstrueuse et contre nature que les membres d’une même famille qui s’entretuent » avait déploré alors la prétendante. Tous deux suivent tous les jours l’évolution du cours de la guerre.  « Les Russes et les Ukrainiens sont frères. Ils ont des centaines d’années d’histoire en commun. La même religion, la même culture, les mêmes valeurs. Un tiers des Russes ont de la famille en Ukraine et vice versa. Nous regrettons les événements et nous sympathisons avec toutes les victimes. L’identité russe s’est forgée il y a mille ans à Kiev, et non à Moscou. En 1054 est née « la Rus de Kiev », un état slave qui comprenait des territoires qui aujourd’hui ne font pas partie de la Russie, comme l’Ukraine, la Biélorussie, l’Estonie, la Pologne, la Lituanie, la Lettonie… » précise le grand-duc Georges Romanov qui entend remettre les choses au clair. Loin de toute propagande de part et d’autre des deux fronts.

Ils ne condamnent pas l’invasion russe de l’Ukraine mais ne la cautionnent pas pour autant.

« Nous reconnaissons la souveraineté de l’Ukraine et de tous les États qui ont émergé après l’effondrement de l’URSS. Mais, à notre avis, tous les pays dont les territoires faisaient partie de l’Empire russe appartiennent à un seul espace civilisateur, à une seule patrie au sens spirituel et culturel le plus élevé du terme » renchérit la grande duchesse Maria Wladimirovna. Ils ne condamnent pas l’invasion russe de l’Ukraine mais ne la cautionnent pas pour autant. Tout est dans la  nuance réfléchie « Par notre propre expérience, nous savons que l’information peut être présentée de manières très différentes d’un côté comme de l’autre. En Russie, par exemple, l’opération militaire en Ukraine est appelée « opération spéciale de dénazification et de démilitarisation. Dans ce cas, faut-il condamner ou soutenir ce qui se passe ? Le problème est le manque réel d’informations. La seule chose que nous pouvons conseiller est que les gens soient critiques de ce qu’ils voient, lisent [sur internet-ndlr], de ce qu’ils entendent et tirent leurs propres conclusions au lieu de suivre aveuglément l’opinion populaire, quelle qu’elle soit » affirment de concert Maria et Georges Romanov. Ils plaident pour le retour de chaque protagoniste autour d’une table afin qu’ils négocient une paix durable.

Une monarchie après Vladimir Poutine ? 

La monarchie peut-elle sauver la Russie d’une crise politique et économique née de ce conflit ? Selon les Romanov, « si on ne refera pas l’histoire, il est triste de voir que tous ces problèmes sont déjà apparus après la chute de l’Empire russe ». Ils ont rencontré le président russe aux dernières commémorations de la bataille de Borodino mais confessent que l’entretien a été purement protocolaire. Si certains oligarques s’affairent autour du dirigeant du Kremlin afin qu’il choisisse l’option monarchique comme Konstantin Malofeev et son mouvement monarchiste (Aigle à deux têtes) , Vladimir Poutine a pourtant déclaré en 2017 que ce n’était pas « dans son agenda » lors d’un entretien accordé au producteur Oliver Stone. L’option est pourtant loin d’être anecdotique comme le rappelle le quotidien espagnol.17% des russes soutiennent l’idée de restauration de la monarchie. « La Russie post-soviétique porte un grand intérêt à ses racines car, pendant des années, tout ce qui  a symbolisé la Russie d’avant 1917 a été systématiquement effacé. Dès 1991, cet intérêt curieux pour notre passé est revenu avec force » explique la grande duchesse.  « La monarchie n’est pas politique. C’est une institution qui donne une continuité historique à un peuple et à un pays. Notre maison impériale n’a jamais tenté de forcer son retour et ne s’occupe pas de politique. Ce n’est pas notre mission. Nous voulons aider nos compatriotes à connaître leur histoire, leurs racines, et aussi les aider à travers nos fondations. Nous aidons plus de 1,5 million de familles par an. Voilà ce que signifie aujourd’hui être un Romanov » ajoute en guise de conclusion le grand-duc Georges, fièrement drapé dans le costume de gardien de la mémoire nationale russe.

Frederic de Natal