C’est sans précédent en Europe. Fin juin, la Bulgarie a annoncé l’expulsion de 70 diplomates russes de son territoire. Une décision qui a profondément agacé le roi Siméon II. Interrogé à ce propos par la télévision nationale, le monarque a dénoncé une « pression venue de l’étranger qui ne sera pas sans conséquences pour son pays ». Dans une précédente interview , le descendant du roi Louis-Philippe d’Orléans avait rappelé que « les origines historiques de la Russie (étaient) en Ukraine ! ».
Le 29 juin 2022, l’annonce de l’expulsion de 70 diplomates russes de la Bulgarie a été vécue comme un séisme dans ce pays des Balkans considéré comme un allié de Moscou. Face au Parlement, qui l’a pourtant désavoué par une motion de censure, le Premier ministre Kiril Petko a justifié sa décision en expliquant que toutes ces personnes ciblées par Sofia « occupaient toutes sortes de postes au sein de l’ambassade de Russie et se livraient à des activités non compatibles avec leurs fonctions diplomatiques ». Un « oukase » qui a fait réagir le roi Siméon II, 85 ans, interviewé par Nova, une chaîne de télévision.
Your Majesty,
Happy 85 Anniversary 🙌💬
Simeon Borisov von Saxe-Coburg-Gotha b.16 June 1937 is a Bulgarian politician who reigned as the last tsar of the Kingdom of Bulgaria as Simeon II from 1943 until 1946. In 1946 the monarchy was abolished & he was forced into exile. 🔆 pic.twitter.com/su6w6OmX7d— Ekaterina Ilieva (@ekaterinailiev) June 16, 2022
Le roi Siméon II soupçonne une intervention étrangère sans la nommer
« C’est inouï de chasser tant de diplomates, inutilement et de manière provocante » s’est agacé l’ancien Premier ministre de Bulgarie. « On dirait que nous avons répondu à une pression venue de l’étranger. Je ne dis pas que c’est le cas, mais cela semble vraiment répondre à un ordre donné, ce qui rend cette décision vraiment très laide pour nous les Bulgares » s’interroge le roi Siméon II au micro de la journaliste Desi Banova-Plevnelieva. Soulignant que même « les pays membres de l’OTAN n’avaient osé prendre une décision de ce calibre », il a pointé du doigt les conséquences auxquelles devra faire face la Bulgarie dans la prochaine décennie. « Combien d’années nous faudra-t-il maintenant pour retrouver nos échanges commerciaux et nos relations mutuelles ? C’est dommage car ici on a réagi dans l’émotion sans raisonnement objectif et rationnel » a affirmé le monarque.
L’ancien Premier ministre estime que l’identité russe est en Ukraine
Durant son mandat de Premier ministre (2001-2005), Siméon II a signé des accords commerciaux avec l’Ukraine du président Leonid Danylovytch Koutchma (ancien négociateur des accords de Minsk II et actuel présentant de l’Ukraine au sein du groupe de contact pour la paix dans le Donbass). Par le passé, Siméon II avait déclaré à la Revue Conflit (2016) que « les origines historiques de la Russie (étaient) en Ukraine ! », ajoutant qu’il fallait « en tenir compte avant de s’exciter et de condamner les uns ou louer les autres », prônant « la modération comme une nécessité ». « Nous devons apprendre des erreurs passées et déterminer ce qui est dans notre meilleur intérêt. Nous devons apprendre à lire les cartes. Cette critique et cette nervosité viennent de l’Occident. Compte tenu de l’histoire de la société russe, comment peut-on s’attendre à ce qu’elle soit gouvernée de manière pleinement démocratique ? Au sens purement géographique, c’est un pays si vaste que sa gestion est un défi majeur. Si on se met à leur place, il est normal que le régime soit un peu plus autoritaire » s’est justifié Siméon II, interrogé récemment par Zheczpospolita, un quotidien polonais très intrigué de savoir ce qu’il pensait du président Vladimir Poutine.
Симеон II: Губим време и средства с толкова избори. Сравяват ни с нестабилни страни, грешно и жалко https://t.co/yPR4UeF66R
— Milena (@Milena24337205) July 9, 2022
Un appel à travailler ensemble pour le bien commun de la Bulgarie
Ce n’est pas la première fois que Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha monte au créneau ou critique certaines positions de Bruxelles bien qu’il soit un artisan convaincu de la construction européenne. Régulièrement interrogé, n’exerçant cependant plus aucune fonction politique, Siméon II reste toujours une ombre tutélaire respectée dans son pays. « Nous perdons déjà assez de temps comme cela, de l’argent et ainsi de suite avec aussi tant d’élections à répétition ! À l’étranger, ils nous regardent et disent : « Ces gens ne peuvent-ils donc pas balayer devant chez eux ? ». Désormais, on nous compare à certains pays instables. Tout cela est tellement pathétique et personne ne mesure les conséquences de ce qui se passe » regrette Siméon II qui condamne une décision inique divisant ses compatriotes orthodoxes.
Depuis plusieurs années, la Bulgarie est secouée par de multiples crises politiques et économiques à répétition. À de nombreuses reprises, le roi a été sollicité pour occuper le poste honorifique de président de la République mais n’a pas souhaité y donner suite. Dénonçant une « atmosphère nocive et idéologique » qui plane constamment sur son pays, il a appelé les partis politiques à taire leurs égos et leurs antagonismes afin de travailler ensemble pour le bien commun de la Bulgarie.
Frederic de Natal