Dans un éditorial publié dans le Wall Street Journal le 16 juin 2022, le prince héritier libyen, Mohammed Reda El Senoussis, a appelé au rétablissement de la constitution de 1951, la considérant comme le seul moyen viable de restaurer l’unité de la Libye, la légitimité de ses institutions et son sens de l’identité nationale.
Il est peu présent dans les médias mais représente encore pour une partie des Libyens, une solution viable à l’anarchie politique qui secoue cette partie de l’Afrique du Nord depuis la chute du régime du colonel Mu’ammar Kadhafi en 2011. Héritier au trône de Libye, Mohammed Reda El Senoussi, 59 ans, a publié un éditorial dans le Wall Street Journal où il réaffirme son attachement au retour de la légitimité constitutionnelle qui était en place avant le coup d’état de 1969. « Si les Libyens décident à nouveau qu’ils veulent une monarchie constitutionnelle, ce sera mon devoir sacré, transmis par mes grands-parents, ma famille et ma nation de les servir » a déclaré le prince, rappelant le rôle joué par sa famille dans la construction de son pays.
Une dynastie ancrée dans l’histoire de la Libye
C’est en 1843 que l’ouléma Mohammed ben Ali El-Senoussi a fondé sa confrérie. Ce berbère zianide s’est installé en Cyrénaïque, après un passage à la Mecque, où il a fondé une mosquée à Elbeida, devenue très vite un haut-lieu incontournable de culture islamique. L’histoire est en marche. Les Senoussis vont s’illustrer dans la lutte contre la domination ottomane (Atatürk, le fondateur de la république turque, leur proposera le trône du sultan Abdlülmecid II à la condition qu’ils ne résident pas en Turquie. Ils refuseront) puis la pénétration française au Tchad voisin avant de prendre la tête de la résistance contre les colons italiens au début du XXème siècle. Un échec mais qui va asseoir la popularité de cette dynastie en Libye. Durant la Seconde Guerre mondiale, l’émir Idriss se rallie aux Britanniques, leur fournit même des combattants, dans le seul espoir de réaliser l’indépendance des trois régions que vont se partager anglais (Tripolitaine et Cyrénaïque) et français (Fezzan). Il faudra attendre 1951 avant que ce rêve ne se concrétise. Idriss Ier, une fois sacré souverain du Royaume-Uni de Libye, va se confronter à la dure réalité du parlementarisme, des rivalités au sein de sa propre famille et de l’omniprésence des occidentaux qui exploitent les fabuleux gisements de pétrole dont le pays recèle. Les idées nassériennes vont bientôt se répandre dans tout le pays, achevant la monarchie qui est renversée par une révolution lors d’un voyage à l’étranger du roi Idriss. Exilé pour la seconde fois, le vieux monarque meurt en 1983, âgé de 93 ans.
La monarchie comme solution aux problème libyen ?
Mohammed Reda El Senoussis est le petit-neveu d’Idriss Ier. Dans son éditorial, il souligne l’importance pour les libyens de « rétablir les liens du passé indispensable à la reconstruction du pays » alors que toutes les tentatives de dialogues inter-ethniques ont échoué jusqu’à présent. « Chaque État démocratique a sa propre conception de l’identité nationale, et les institutions tirent leurs racines d’une histoire nationale. Alors que les plus grandes démocraties du monde partagent des valeurs similaires, elles expriment ces valeurs de différentes manières. Le système américain ne fonctionnera pas en France, et le système présidentiel français fort ne fonctionnera pas pour l’Amérique. Cependant, les deux institutions sont démocratiques et légitimes en raison de leurs caractéristiques historiques. Ces qualités procurent aussi un sentiment d’identité nationale, forçant les gens comme les politiciens à réfléchir à l’avenir de la nation » explique le prince héritier. « La Libye a eu le droit de vote, l’indépendance de la justice, des élections périodiques, la liberté de croyance et la presse. Les femmes pouvaient voter en Libye avant de pouvoir voter en Espagne, en Suisse ou au Portugal. La monarchie a permis que cela se produise et a servi de colle qui unifie une nation divisée et tribale » rappelle-t-il.
« De plus en plus de Libyens regardent le passé comme une source d’espoir et d’inspiration. Il y a un mouvement croissant à travers la Libye qui appelle à la restauration de l’ancienne constitution libyenne comme ultime moyen de reprendre le cheminement démocratique de la Libye » affirme le prince Mohammed. Il a appelé l’Organisation des Nations unies (ONU) à « saisir cette opportunité historique qui se présente à elle ». Depuis le déclenchement de la guerre civile, de nombreux politiciens locaux ont appelé au retour de la monarchie sans que cela n’ait été suivi d’effets concrets.
Frederic de Natal