C’est l’année dernière que le maire socialiste de Rouen (Seine-Maritime) a pris la décision de déboulonner la statue équestre de Napoléon Ier qui trônait depuis plus d’un siècle sur la place de l’Hôtel de ville. Souhaitant installer sur le socle impérial vacant, une œuvre réalisée en hommage à l’avocate féministe Gisèle Halimi, Nicolas Mayer-Rossignol a provoqué malgré lui un vif débat local et national, contraignant sa municipalité à demander l’avis des habitants de cette capitale normande. Le 6 décembre dernier, le résultat n’a pas été à la hauteur de ses espérances.
C’est un symbole de Rouen. Représentant l’empereur Napoléon Ier en train de saluer sur son pur-sang arabe cabré, cette statue équestre réalisée en 1865 par l’artiste-marquis Vital Gabriel Dubray, grâce à une souscription départementale, avait réussi l’exploit d’échapper à une fonte sous l’Occupation allemande. Au-delà du symbole, elle rappelait aux rouennais que l’empire avait été synonyme de prospérité industrielle et le début d’une « ère nouvelle » pour cette ville marquée par ses nombreuses maisons en colombage. Très attachés à leur statue, la décision de Nicolas Mayer-Rossignol de la remplacer par une œuvre représentant l’avocate féministe Gisèle Halimi a suscité une véritable indignation chez ses administrés dont certains y ont vu une remise en cause volontaire de l’histoire de Rouen au nom du « politiquement correct » et du tout « wokisme ». Se défendant de vouloir la « supprimer », l’élu socialiste s’était justifié en expliquant qu’il ne « voyait pas pourquoi les lieux les plus visibles et les plus symboliques tels la place l’Hôtel de ville devaient être réservés (uniquement) à des hommes ». Dans la foulée, afin de calmer les esprits les plus passionnés, il avait prétexté que la statue était en cours de restauration (une fissure ayant été découverte sur une des jambes de l’étalon) tout en se félicitant du débat qu’il avait ouvert.
Bonapartistes et opposition municipale dénoncent une opération idéologique
En pleine commémoration sur le bicentenaire de la mort de l’empereur Napoléon, nostalgiques du Premier empire et bonapartistes avertis avaient crié « haro » sur le maire, rejoint par une opposition républicaine hésitant entre « consternation ou affliction ». Une pétition contre tout déplacement de la statue avait même recueilli plus de 20000 signatures et l’historien Thierry Lentz, n’avait pas hésité à évoquer une tentative de « destruction mémorielle » de la part de la municipalité. « Quoiqu’en disent les autorités locales, il y a dans cette opération une volonté idéologique, entre le rejet d’une histoire que par ailleurs ils connaissent mal et la tentation d’une postmodernité importée des États-Unis. Ils sont sur ce point minoritaires mais, malgré l’abstention massive qui a favorisé leur avènement, peuvent désormais se parer de la légitimité électorale » avait d’ailleurs surenchéri ce spécialiste dans « Valeurs Actuelles ». Acculé par cette polémique devenue nationale, accusant une « récupération par les milieux d’extrême-droite », Nicolas Mayer-Rossignol avait fini par proposer une consultation locale afin que les habitants se prononcent sur la pertinence de sa décision.
4080 personnes âgés de plus de 16 ans ont pris part à cette concertation ouverte sur trois jours. A plus de 68%, ils ont rejeté la proposition du maire. Parmi les questions posées, la plupart n’étant pas en relation avec le sujet principal, 64% des votants se sont aussi prononcés pour l’installation d’une plaque explicative permettant de recontextualiser la statue dans « son contexte historique et politique ». Le maire socialiste a rapidement publié un communiqué peu de temps après la parution des résultats. « Conformément à nos engagements, nous suivrons les avis exprimés par les Rouennaises et les Rouennais (…) sur la statue de Napoléon, son retour sur la place ainsi que des aménagements temporaires le temps de sa restauration » a déclaré Nicolas Mayer-Rossignol, porte-parole d’Anne Hidalgo, maire de Paris et candidate à la prochaine présidentielle, qui n’est désormais pas prêt d’oublier ce Waterloo municipal.
Frederic de Natal