Décédé en mars 2021 après un demi-siècle de règne, le roi Goodwill Zwelithini a laissé derrière lui une multitude de descendants qui se livrent désormais une bataille devant les tribunaux sud-africains. Une justice qui doit déterminer qui est le légitime souverain de cette nation qui a marqué l’histoire australe du continent africaine et qui est le détenteur de la fortune considérable de la maison royale amazoulou.

C’est une dynastie royale qui est marquée du sceau du sang, où chaque monarque a assassiné ou renversé son prédécesseur. A la tête d’un empire durant toute la seconde moitié du XIXème siècle, les zoulous ont alimenté tous les fantasmes européens et infligé une cinglante défaite aux britanniques en 1879. Finalement battus, les « fils du ciel » se sont inclinés, leur royaume démembré en différentes chefferies et leur souverain exilé à Sainte-Hélène, là-même où les anglais avaient envoyé mourir Napoléon Ier. C’est sous le régime de ségrégation raciale qu’ils ont progressivement repris leur influence, partenaire d’un régime qui a vu dans ces fiers guerriers un moyen de contrer l’influence de Nelson Mandela, héros de la lutte contre l’apartheid. Incontournable, le roi Goodwill Zwelithini est devenu très rapidement un personnage de premier plan, une figure clivante avec ses regalia, un état dans l’état. Son décès en mars 2021, à l’âge de 72 ans, a laissé orpheline toute une nation et dont les héritiers se déchirent aujourd’hui devant les tribunaux sud-africains.

Le roi Misuzulu (gauche) et le roi Goodwill Zwelithini (droite) @Dynastie

Un « games of thrones » moderne

C’est un « game of thrones » moderne qui se joue à Pietermaritzburg, une des capitales du Kwazoulou. Deux femmes se battent pour la couronne de léopard et une immense fortune se chiffrant à plusieurs millions d’euros. D’un côté, la favorite et troisième épouse du défunt, la reine Shiyiwe Mantfombi Dlamini et de l’autre la première épouse, la reine Sibongile Dlamini qui conteste l’élévation sur le trône de Misuzulu (47 ans), le fils de sa rivale. Avec ses deux filles, elle lui oppose un autre candidat qui s’est proclamé souverain zoulou à son tour Un imbroglio dynastique qui fait la joie des médias et dont chaque rebondissement ressemble un peu plus à un des épisodes de la série « Amour, gloire et beauté ».

Face aux juges, les avocats de la reine Sibongile Dlamini ont avancé le fait qu’elle avait été la seule à contracter un mariage civil, faisant de facto la seule héritière du roi Goodwill Zwelithini. Un argument qui remet en cause la valeur des autres mariages traditionnels pourtant inscrits dans la coutume traditionnelle. Selon la souveraine, « les autres femmes de son défunt mari ne peuvent être considérées que comme des maîtresses ». Le juge, Isaac Madondo, a reconnu que l’affaire présentait « non seulement une question juridique [mais concernait également] le conflit de droit entre la loi légale et le droit coutumier ». Filles de la reine Sibongile Dlamini, les princesses Ntombizosuthu et Ntandoyenkosi ont également soutenu que la signature de leur père sur le testament avait été falsifiée, ce qu’un graphologue a confirmé, et que leur demi-frère ne pouvait pas être le légitime souverain des 10 millions de zoulous. Une allégation qui a d’ailleurs retardé le couronnement de Misuzulu, fragilisant un peu plus son pouvoir bien qu’il jouisse du soutien du prince Mangosuthu Buthelezi, Premier ministre traditionnel et ancien ministre fédéral de l’Intérieur.  Ni l’un ni l’autre ne sont d’ailleurs présentés devant la cour en raison du covid-19.

Une affaire qui menace de déclencher une guerre civile

A l’extérieur du tribunal et durant toute la plaidoirie, les partisans du roi Misuzulu, lances et boucliers à la main, ont manifesté bruyamment en faveur de leur poulain, faisant craindre des affrontements entre les soutiens des deux branches rivales. Des policiers avaient été déployés autour du tribunal afin de prévenir toutes violences. Une affaire qui met dans l’embarras le gouvernement provincial (notamment en raison des liens étroits du monarque avec le roi de l’Eswatini dont il est le neveu)  qui tente de mettre en place une médiation afin d’éviter que ce conflit de succession ne débouche sur une guerre civile. Le tribunal de Pietermaritzburg doit encore rendre ses conclusions mais a d’ores et déjà fait savoir qu’elle dissociait la succession du trône du « pactole royal ». Pas de quoi satisfaire la reine Sibongile Dlamini qui réclame plus de 50% du patrimoine de la maison royale et qui vient de perdre sa première bataille juridique.

Frederic de Natal