« La petite-fille du roi Thibaw de la reine Supayalat est décédée » le 31 décembre 2021. Princesse royale, Hteik Su Phaya Gyi était la dernière petite-fille vivante du dernier souverain de Birmanie. Retirée dans un monastère bouddhiste de Yangon, la capitale économique du Myanmar, entourée de ses souvenirs, elle était âgée de 98 ans.

Lorsqu’elle naît le 5 avril 1923, la monarchie a cessé d’exister depuis quatre décennies et les membres de la dynastie Konbaung ont tous été envoyés en exil. Fille de la princesse Myat Phaya (1882-1962) et du prince Htake Tin Ko Taw Gyi, Hteik Su Phaya Gyi va grandir dans la ville de Moulmein où elle est inscrite à l’école catholique Saint-Joseph de cette ville portuaire. Le mariage de ses parents bat de l’aile dans un pays incorporé au Raj britannique. Leur divorce sera discret (1930), la princesse n’en souffrira pas. Sa mère se remarie assez vite avec un avocat du nom de Mya U. Il ne survivra pas à l’occupation japonaise. Elle poursuivra ses études en France, aux Beaux-Arts de Paris.

La princesse Hteik Su Phaya Gyi @Dynastie

Princesse en attente

Comme pour toutes les princesses, le mariage est une affaire qui se négocie et où elle n’a pas son mot à dire. Déchue, elle n’en reste pas moins membre d’une dynastie aux yeux de nombreuses maisons royales. Il est rapidement question de noces avec la monarchie de Thaïlande. Célibataire, le roi Maha Ananda Mahidol (Rama VIII) a deux ans de plus qu’elle et ferait le parfait mari pour une presse qui ne cesse de spéculer sur les fiançailles à venir. Il a fait ses études en Suisse et l’un des plus beaux partis de cette époque. Le mariage ne se fera pas. Finalement, ce sera Maung Maung Khin, prince d’un royaume morcelé entre la Birmanie, la Thaïlande et le Laos, qu’elle épouse en 1943 et avec lequel elle aura  Win Khin (né en 1945), Kyaw Khin (né en 1948), Aung Khin (1953–2008), Cho Cho Khin (né en 1943), et Devi Khin (né 1951) qui a annoncé le décès de sa mère.

« Nous étions des rois »

Activiste pro-démocratie, elle n’avait jamais fait réellement de politique, se désespérant de la récupération des symboles royaux par la junte militaire au pouvoir. « Ils nous ignorent totalement et les birmans nous ont oublié » regrettait, nostalgique, la princesse Hteik Su Phaya Gyi. Elle militait pour le retour des restes du roi Thibaw, toujours enterré dans un mausolée abandonné à Ratnagiri (Inde). En 2012, elle est invitée à rencontrer le gouvernement avec l’ensemble des  membres de la dynastie Konbaung et apparaîtra même dans un reportage intitulé « We Were Kings » (Nous étions des rois), consacré à l’histoire des descendants du dernier monarque birman. Le documentaire suscite l’ engouement parmi ses compatriotes, un vrai succès pour une famille royale dont le destin se confond encore avec l’histoire tumultueuse de son pays.  « Quand j’ai regardé ce film avec mon frère, ma famille et d’autres membres de la famille royale, la tristesse m’a envahi. Cela m’a rappelé combien ma mère avait dû lutter pour survivre » avait déclaré la princesse Hteik Su Phaya Gyi.

Ses yeux se sont fermés le soir de la Saint-Sylvestre. Elle laisse le souvenir d’une femme humble et qui a emporté avec elle l’histoire millénaire de tout un peuple .

Frederic de Natal