L’impératrice Farah Pahlavi s’est rendue en Égypte afin de commémorer le 42ème anniversaire de la mort de son époux, Reza Mohammed Shah. Dans un communiqué publié sur ses réseaux sociaux, elle a déclaré que si la « tragique » Révolution islamique de 1979 n’avait pas eu lieu en Iran, « le pays serait désormais parmi les nations pionnières du monde ». La Shabanou a également apporté son soutien aux Iraniens qui manifestent contre le régime des mollahs.

C’est un voyage que la dernière impératrice d’Iran effectue chaque année au Caire. C’est dans la capitale égyptienne que repose son époux, Reza Mohammed Shah, décédé le 27 juillet 1980 à l’âge de 60 ans. Bien que ce voyage ne repose sur aucun caractère officiel, Farah Pahlavi a toujours bénéficié des attentions de tous les gouvernements égyptiens en place depuis l’assassinat du Président Anouar Al Sadate, en octobre 1981. Entre la maison impériale et cet homme d’État, un lien d’amitié qui ne s’est jamais défait. C’est d’ailleurs grâce à lui que les Pahlavi ont pu trouver un lieu d’exil serein après leur départ brutal d’Iran, chassés par une révolution. C’est très naturellement que l’impératrice s’est rendue sur la tombe de Sadate pour y déposer une gerbe de fleurs avant de se diriger vers le mausolée qui accueille les restes du Shah. Instants immortalisés par de nombreux photographes locaux et de la presse étrangère.

Du conte de fée à la révolution de 1979

Étudiante à Paris, le destin de Farah Diba bascule en 1959 alors qu’elle n’a que 21 ans. Souverain d’Iran, Reza Mohammed Shah débarque en France pour une visite officielle où il doit s’entretenir avec le général de Gaulle. L’ambassade d’Iran organise une rencontre entre le monarque et une délégation de jeunes iraniens. Elle a été sélectionnée. Habillée d’un tweed noir et blanc avec un camélia au revers de la veste, dans ses « Mémoires » publiées aux éditions XO, en 2003, l’impératrice décrie volontiers l’état d’excitation dans lequel elle était ce jour-là. Une conversation avec le shah qui n’a plus jamais quitté Farah Diba. C’est à l’instigation de la princesse Shahnaz et de son époux Ardeshir Zahedi qu’une nouvelle rencontre se fera. Reza Mohammed Shah est conquis par la simplicité de la jeune fille. Les rendez-vous se multiplient et en octobre 1959, la nouvelle tombe sur toutes les chaînes d’information. Le souverain iranien va épouser Farah Diba qui lui a dit oui. Un mariage heureux, en dépit des vicissitudes de la vie politique, qui accouche de 4 enfants. Devenue Farah Pahlavi, couronnée impératrice en 1967 devant le monde entier, elle insuffle un vent de modernité dans son pays, devient un des moteurs de la Révolution blanche, favorise l’émancipation des femmes, multiplie les œuvres caritatives et le développement de la culture. Critiqué, le régime impérial ne va pas tarder à vaciller, forçant les États-Unis à abandonner l’empereur à son sort. Les manifestations se succèdent contre le Shah (1977-1978), déjà affaibli par la maladie. Mohammed Reza Shah ordonne à l’armée et à la SAVAK (police) de ne pas tirer sur la foule, appelle Shapour Bakhtiar au gouvernement. Ce dernier conseille aux Pahlavi de s’éloigner. Ils quittent l’Iran le 16 janvier 1979. Un voyage sans retour pour le couple impérial.  L’arrivée un mois plus tard de l’ayatollah Khomeiny , opposant religieux exilé depuis 14 ans, signe la fin de la monarchie.

La Shabanou appelle ses compatriotes à résister

Cet héritage, elle continue de le défendre depuis la France et les États-Unis où elle réside. Protectrice des arts, la Shabanou est à l’écoute des Iraniens de l’intérieur comme de l’extérieur. Peu de temps avant de se recueillir sur la tombe du Shah, l’impératrice a pris sa plume et adressé un message à ses compatriotes qui manifestent régulièrement contre le régime des mollahs, épuisés par la crise économique et sociale qui frappe l’ancienne Perse. « Aujourd’hui, l’Iran s’est levé et malgré les assassinats [organisés par le gouvernement-ndlr] dans les rues, la répression, les arrestations, la torture et les exécutions, de combattants de la liberté, les femmes de l’Iran, aux côtés des hommes, ne cessent d’exprimer leur indignation envers les dirigeants de ce régime » déclare l’impératrice. « Si la révolution de 1979 n’avait pas eu lieu, causée par les forces de l’ignorance et l’ingérence de plusieurs pays étrangers, qui ont trompé certains de nos compatriotes, aujourd’hui l’Iran aurait été parmi les pays avancés du monde, au lieu d’être isolé sur la scène internationale et sous des sanctions éreintantes » rappelle la Shabanou.

« Bien que ce jour-là, ils n’aient pas vu ni entendu vos préoccupations et vos avertissements [en référence aux discours prononcés par le Shah peu avant son départ-ndlr] ; les jeunes d’aujourd’hui voient et ont pris le chemin que vous leur avez montré » a même twitté l’impératrice sur son compte officiel qui compte plus d’un million d’abonnés.  Depuis le début de la révolution des œufs fin 2017, le nom des Pahlavi est régulièrement scandé lors des manifestations contre le régime de Téhéran, certaines appelant ouvertement à la restauration de la monarchie, durement réprimées par les gardiens de la révolution. Des appels à la démocratie et une résurgence en faveur de la maison impériale qui ne sont pas du goût des ayatollahs et de leurs partisans comme le révèle le quotidien Kayhan London dans une de ses éditions consacrées à ce voyage. Le chef de l’assemblée islamique d’Ispahan, dans un récent discours, a pointé du doigt les « ennemis de la république qui conspirent et planifient, dirigent et guident [ces manifestations- ndlr] pour ramener les royalistes au pouvoir », rejoint par le ministère de l’intérieur qui a accusé parallèlement le prince Reza Shah Pahlavi, actuel prétendant au trône, d’être la « tête de pont » de ces émeutes [de la faim-ndlr].

« La volonté comme le courage des femmes et des hommes de notre pays sont plus grands et plus forts que le pouvoir des oppresseurs. Afin d’atteindre les jours radieux de l’Iran, soutenons-nous les uns les autres et réduisons les différences au profit d’un Iran uni et inclusif » s’est contentée de déclarer l’impératrice Farah Pahlavi, saluée par les Iraniens de diaspora venus la rejoindre dans le mausolée impérial, point d’orgue de cette commémoration.

Frederic de Natal