Interviewé le 3 février dernier par la chaîne d’information News24, le roi Gyanendra Shah a déclaré publiquement qu’il était désormais « prêt » à remonter sur son trône comme monarque théocrate. L’ancien monarque a profité de cet entretien pour revenir sur les détails de son abdication et pointer du doigt la « trahison » des partis politiques avec lesquels il avait signé un accord de retour à la monarchie constitutionnelle en 2008 et qui ont plongé le Népal dans une crise politique permanente.
« Il n’y avait pas beaucoup de points à négocier. Il est clair que j’ai fait ce qu’ils ont demandé ». Lors d’un entretien accordé à la chaîne de télévision News24, le roi Gyanendra Shah est revenu sur les derniers instants qui ont conduit à la chute de la monarchie. Remonté sur le trône du Népal pour la seconde fois de son histoire (il l’avait occupé entre novembre 1950 et janvier 1951 alors âgé de 3 ans), après le massacre de la famille royale dans des circonstances encore mal élucidées, il ne tarde pas à s’arroger les pleins pouvoirs en 2005, à peine quatre ans après son couronnement. Irrité par l’incapacité de 3 Premiers ministres successifs à organiser des élections et mettre fin à la rébellion marxiste qui sévissait dans le pays, le monarque avait décidé de suspendre la constitution, d’embastiller les opposants et d’imposer une censure sur les médias. En avril 2006, une manifestation pro-démocratique avait dégénéré, faisant 23 morts. Gyanendra Shah avait alors proposé aux 7 partis principaux de s’accorder sur le nom d’une personne qui serait désignée pour diriger le gouvernement. L’Inde voisine était intervenue comme médiatrice et avait pris soin de sécuriser le devenir de la monarchie avec l’accord des chefs de l’opposition qui nommèrent Girija Prasad Koirala comme Premier ministre. Un poste déjà occupé trois fois par celui-ci sous le règne du roi Birendra Shah (1972-2001).
Leurs demandes se focalisaient sur la restauration du parlement, la nomination d’un Premier ministre, le retour de la monarchie constitutionnelle et le système multipartite qui lui était inhérent » confirme le roi Gyanendra Shah. « J’ai abandonné trop facilement, ils sont responsables de tout ce qui s’est passé et ils devraient rendre des comptes aux népalais et de ce qu’ils ont fait, expliquer tout cela » a déclaré le roi Gyanendra Shah. Le 10 juin 2006, le parlement s’est subitement retourné contre le roi et l’a privé de ses pouvoirs exécutifs, y compris de son droit de véto, pour les transférer au Premier ministre. Pis, on a même enlevé son visage des billets de banque et on l’a contraint à payer des impôts. S’est engagé alors une course contre le temps pour le descendant de Prithvi Narayan Shah, le fondateur de la dynastie royale. En mars 2007, Girija Prasad Koirala a demandé au roi de se démettre de ses fonctions et d‘abdiquer en faveur de son petit-fils, le prince Hridayendra shah (aujourd’hui 19 ans). Ce que Gyanendra a refusé de faire. Les médias ont commencé à faire pression sur l’institution royale en publiant des articles très négatif sur le bilan du roi, attaquant sans cesse les deux héritiers au trône et exprimant les menaces qu’ils faisaient planer sur le Népal (le prince Paras Shah, père d’ Hridayendra, reste suspecté d’avoir été le bras armé de son cousin Dipendra Shah , auteur du parricide royal, et traînant derrière lui de nombreux scandales).
Jusqu’ici contenue dans les montagnes, la rébellion marxiste a commencé à monter très rapidement vers Katmandou, faute de résistance armée et profitant des dissensions internes au sein du gouvernement plus occupé à se débarrasser du roi que de les stopper. Acculé, le Premier ministre a dû se résoudre à négocier avec les communistes, maoïstes-léninistes et marxistes qui ont mis sur la table un seul point pour tout préalable à la fin des hostilités. La fin de la monarchie. Le 24 décembre 2007, le parlement a annoncé à la nation qu’elle mettait fin au règne de la dynastie royale dans les mois à venir. Une annonce effective en mai 2008, laissant à peine 15 jours au roi et à sa famille de quitter le palais royal. Réunis en assemblée constituante, au mépris de la constitution de 1990 qui imposait pourtant un référendum si la question devait survenir et en dépit d’une courte majorité de soutien à la monarchie (sondage), les anciens soutiens du roi (Congrès népalais) s’empressent de voter la déchéance du roi Gyanendra Shah laissant le pouvoir aux marxistes.
हाम्रो जस्तो देशमा प्रजातन्त्र बिनाको राजसंस्था र राजसंस्था बिनाको प्रजातन्त्र सान्दर्भिक हुँदैन: पूर्वराजा ज्ञानेन्द्र शाह pic.twitter.com/WkxG7tTSrm
— Deshsanchar (@deshsanchar1) October 12, 2021
« Les partis concernés par les accords que j’ai conclus avec eux existent toujours. Aujourd’hui, ils ont démontré un manque d’éthique total » a ajouté le roi Gyanendra Shah qui est resté une épine dans le pied de la république. Entre deux communiqués acides sur la gestion du pays, plongé dans une crise politique depuis des années, le monarque s’est imposé peu à peu comme une alternative. Une option qui n’est désormais plus rejetée par les népalais, épuisés et qui ont manifesté pour son retour les mois derniers. « Il semble qu’il y ait des pays étrangers qui manipulent ces chefs de partis » a regretté le roi Gyanendra., pointant du doigt les rivalités entre l’Inde et la Chine « Je suis prêt à remonter sur le trône, non pas comme monarque actif mais comme gardien de notre mémoire » a déclaré le souverain qui ressort de son chapeau l’option théocratique comme ultime proposition (il est considéré comme un demi-dieu). Un souhait qui pourrait faire consensus au sein des mouvements d’opposition, exceptés les plus radicaux de la coalition marxiste qui refusent toute option monarchique (en octobre 2021, la présidente Bidya Devi Bhandari, a surpris tout le monde en affichant publiquement son admiration pour l’ancien monarque). « La monarchie sans démocratie et la démocratie sans monarchie ne sont pas pertinentes dans un pays comme le nôtre » a toutefois rappelé le roi, acclamé par des milliers de partisans dans les rues de la capitale en début janvier de cette année.
Interrogé sur la possibilité d’ouvrir un parti avant les prochaines élections, « Shah » (comme il est appelé au Népal) a déclaré qu’il ne prendrait la tête d’aucun mouvement royaliste « tant qu’il serait en vie ». « Je ne pense pas qu’elle sera encore très longue et je ne peux dire ce que feront mes successeurs par la suite » faisant allusion à l’activisme monarchique de son petit-fils sur les réseaux sociaux. Le roi Gyanendra Shah a été récemment au cœur d’une polémique. Son ancien ministre et leader royaliste, Kamal Thapa, a accusé le souverain d’avoir comploté afin qu’il ne soit pas réélu à la tête du Rastriya Prajantra Party qu’il dirigeait d’une main de fer depuis 4 décennies. Ce qu’il a fermement démenti.
Frederic de Natal