Le gouvernement majoritaire du Premier ministre Viktor Orbán va soumettre au parlement un projet de loi qui prévoit de restaurer le titre de Főispán (« comte-suprême »), un héritage culturel et historique de l’ancienne monarchie d’Autriche-Hongrie aboli en 1950 par les communistes. Vent debout contre cette proposition jugée « archaïque », une partie de l’opposition accuse le Fidesz de vouloir restaurer l’institution royale.

Les comitats hongrois sont l’équivalent de nos préfectures en France. Mis en place aux Moyen Âge, ils étaient dirigés par des comtes suprêmes (« főispán »), généralement des membres de l’aristocratie, proches des monarques,. Ils remplissaient alors des fonctions administratives, judiciaires et militaires jusqu’à leurs décès. Il revenait au souverain de désigner ou non le fils du détenteur de ce titre comme successeur. Cette pratique a perduré sous la monarchie des Habsbourg-Lorraine et sous la régence de l’amiral Miklós Horthy de Nagybánya avant qu’elle ne soit abolie par les communistes dès 1950. Le régime pro-soviétique, qui s’est installé après la Seconde Guerre mondiale, a d’ailleurs pourchassé et emprisonné les comtes suprêmes, se vantant d’avoir mis à bas « le régime féodal » avec efficacité (discours de 1954). Récemment, le Fidesz, par la voix du ministre des Finances Mihály Varga, a déposé un projet de loi visant à restaurer ce titre et cette fonction. Une initiative saluée par le journal Mandiner.

Les főispánok @gettyimages

Une proposition qui n’a rien de nouveau

« Nommés à la tête des régions et des villes de droit comitat par le chef de l’État, les főispánok s’assuraient que le gouvernement local s’accorde avec la ligne nationale et que les instructions de l’exécutif soient appliquées dans leurs territoires. Cette fonction, écrasée puis supprimée par les dictatures nazie et communiste a, accompagné près de mille ans d’histoire hongroise » explique ce quotidien de centre-droit dans un article consacré à ce sujet, constellé de détails historiques. Ce n’est pas la première fois qu’un tel projet de loi est proposé aux votes des parlementaires. Déjà en 1990, à l’époque où des petits partis minoritaires avaient proposé à l’archiduc Otto de Habsbourg-Lorraine de prendre la présidence de la Hongrie, libérée de la tutelle de Moscou, des députés du Forum démocrate hongrois (MDF) avaient soumis au parlement la restauration de ce titre. L’opposition avait rapidement crié à la « restauration du système Horthy » reprenant les mots prononcés par la journaliste de gauche, Katalin Bossányi. Un son de cloche identique se fait encore entendre aujourd’hui.

Les főispánok , responsables des Comitats

L’opposition vent debout contre cette proposition jugée monarchique

Pour l’hebdomadaire libéral de gauche, le Heti Világgazdaság (HVG), le gouvernement du Premier ministre Viktor Orbán souhaite réintroduire la fonction de « seigneur » et entend « contribuer, de cette manière, à la perpétuation des traditions constitutionnelles millénaires de l’État magyar ». Maire du XIVème arrondissement de Budapest, Gergely Karácsony, est monté au créneau afin de dénoncer cette réforme. Selon l’élu écologiste, il s’agit d’un retour au Moyen Âge. « Si le gouvernement remonte le temps à ce rythme, nous aurons bientôt un royaume. Les maires ne seront pas des serviteurs. Voter cela en temps de crise économique et énergétique, c’est quelque part entre le pathétique et le ridicule » a déclaré Gergely Karácsony en dénonçant un anachronisme archaïque. Rejoint par la Coalition démocratique, la gauche hongroise, qui a ironisé sur les réseaux sociaux en proposant que soit réintroduit l’utilisation du « forint en or », la monnaie utilisée sous la monarchie dualiste. Le député européen Csaba Molnár, s’est demandé, quant à lui, si le parti du Premier ministre songeait aussi à restaurer les titres de « roi et le palatin » ? .

Le gouvernement a balayé toutes contestations de l’opposition d’un revers de la main, rappelant qu’il s’agit là de légiférer sur un terme qui est toujours utilisé par les Hongrois, appartenant à leur patrimoine historique commun.  Selon toute vraisemblance, la loi devrait être adoptée par le parlement. 

Frederic de Natal