La courte lande de terre qui relie les deux Amériques recèle un royaume méconnu.  Celui de la Côte des Mosquitos qui a su garder sa souveraineté durant des siècles avant de devenir le jouet des grandes puissances européennes. Monarchie absolue dissoute en 1894 par le gouvernement du Nicaragua, des nostalgiques tentent encore aujourd’hui de faire reconnaître leur prétendant au trône par la communauté internationale. 

Emprunté à l’espagnol mosquito, littéralement « moustique », le peuple Mosquitos s’était installé sur la côte Est des actuels Nicaragua et Honduras. Longtemps préservés, c’est au cours du XVIIème siècle que se font les premiers contacts avec des européens, des corsaires, qui commercent avec eux. Au fur et à mesure des échanges, la population va progressivement se métisser avant de basculer dans une alliance avec les anglais contre les colons espagnols. Leurs faits d’armes deviennent légion. On pouvait compter sur leur aisance dans le combat au corps à corps et dans leur agilité à se déplacer en canoë sur leurs eaux. En 1702, ils n’hésiteront pas à attaquer les plantations de cacao du Costa Rica au moment de la récolte qu’ils emportent, esclaves compris. Les anglais les mobilisent même pour réprimer des révoltes de marrons en Jamaïque. Les Mosquitos, craints des Espagnols qui n’arrivent pas à les contenir, vont jouer un rôle indéniable dans l’expansion coloniale britannique en Amérique du Sud.

Drapeau du royaume mosquito

Une monarchie sécurisée par les Britanniques

C’est aux Britanniques que les Mosquitos doivent leur reconnaissance comme monarchie indépendante et absolue. Avec une particularité. Celle de leurs souverains d’être couronnés sur l’île de la Jamaïque (plus tard au Belize) comme avec Jeremy Ier (1639-1718). Ce royaume, sa hiérarchie, et ses fonctions politiques sont encore mal comprises aujourd’hui. L’influence européenne changea considérablement les mœurs des Mosquitos qui se mirent à copier leurs alliés et protecteurs. Adoption des costumes européens, prénoms, la monarchie devient héréditaire (dynastie des Clarence), engendrant des luttes de pouvoir, entre les différents dirigeants Mosquitos. Des conflits qui menèrent les souverains à organiser des répressions « express et sanglantes ». La nomination en 1740 d’un « superintendant du rivage des moustiques » (qui fera office de conseiller du monarque) permet à cette monarchie de se structurer financièrement mais attise également toutes les convoitises. Avec la vente illégale de bois, anglais et espagnols cessent de se battre. Le traité du 14 juillet 1786 va sonner progressivement le glas de cette monarchie.

Les rois George Augustus (gauche) et Robert Henry Clarence (droite, au milieu) @Dynastie/Wikicommons

De monarchie à chefferie traditionnelle

Le début du XIXème siècle augure un second tournant dans l’histoire de cette monarchie. Les Mosquitos vont faire face à de nombreuses tentatives de colonisation européenne comme de la part des anciennes colonies espagnoles. Le roi Robert Charles Frederic ( roi de 1824 à 1842), avec les encouragements du surintendant britannique de Belize, le colonel Alexander Macdonald, étend les revendications territoriales du territoire Mosquito, jusqu’à la lagune Chiriqui au Panama. Une fois acquis, ce même souverain va céder de grandes étendues de terre à des promoteurs étrangers, toujours sous l’influence des Britanniques. Les guerres d’indépendances qui éclatent sur le continent vont peu à peu isoler les mosquitos. En 1859, le Royaume-Uni délègue le protectorat qu’ils ont établi sur le royaume mosquito au Honduras. Ils tentent de résister mais en vain. Pis, l’année suivante, c’est le Nicaragua qui hérite de la suzeraineté réduite à « une réserve de moustiques ».  Le nouveau gouvernement ne daigne même pas reconnaitre les regalia des Mosquitos, réduites au rang de chefferie traditionnelle à la mort du roi Georges IV Augustus en 1865.

Le royaume mosquito, hier et aujourd’hui @Dynastie

Une monarchie en attente

La monarchie Mosquito n’a plus de réels pouvoirs. Ses souverains tolérés tant qu’ils ne tentent pas de se soulever contre l’autorité nicaraguayenne. En 1894, souverain depuis 4 ans, le roi Robert Henry Clarence apprend que le gouvernement l’a destitué et a aboli l’institution royale sans même le consulter. La guerre éclate mais la nation Mosquito a perdu de sa superbe. Le monarque est secouru par un navire britannique avec 200 ans de ses partisans, son royaume dévasté, transformé en département sous le nom de Zelaya. Les Nicaraguayens vont pousser le vice à nommer un nouveau chef, le prince Andrew Hendy, une marionnette entre leurs mains. Les révoltes ne cesseront qu’en 1900. Les anglais aideront bien un temps les Mosquitos puis finissent par reconnaître cinq ans plus tard la pleine souveraineté du Nicaragua sur les terres de la côte des Moustiques,

Il existe toujours des prétendants au trône d’une monarchie réduite à sa plus simple expression. Ils se succèdent et se ressemblent, leur situation marginalisée et ne jouissent d’aucun crédit ou avantage dans la société du Nicaragua. En 1977, Norton Cuthbert Clarence affirmera être l’héritier reconnu du trône des Mosquitos, multipliera les communiqués en ce sens et refusera de reconnaître les princes de sa dynastie choisis par le Nicaragua. Quelle que soit la légitimité de ce prince, bien difficilement attestée, la royauté héréditaire de la côte des Moustiques est passée de la lumière à l’obscurité. Malgré tout le sentiment monarchique demeure, cultivée par des nostalgiques revanchards. Le 19 avril 2009, ils ont déclaré l’indépendance du pays Mosquito. Un drapeau a été dévoilé, un hymne national composé et le prince Jose Miguel Coleman Hendy Clarence nommé à la tête de cette monarchie. La reconnaissance internationale se fait toujours attendre.

Adrien Moquet