Tribu bédouine, les Saoud entrent dans l’histoire quand l’empire Ottoman montre ses premiers signes de faiblesse. Maison royale constituée des descendants issus des trente-deux épouses du roi Abdelaziz ibn Saoud (1880-1953), elle est la proie constante de rivalités internes. Durant des décennies, le droit de succession a été régi par des règles de transmission par rang d’âge et du pouvoir aux frères puis aux demi-frères du roi. Depuis la montée sur le trône du roi Salman en 2015, la succession semble devenue héréditaire. La Revue Dynastie revient sur la dévolution dynastique des Saoud. 

Le droit dynastique permet d’éviter les querelles dynastiques pour la prétention au titre royal. Dans ce domaine, les guerres de successions dynastiques arabes sont courantes et sont mêmes à l’origine du schisme de la umma[1]. Concernant la dynastie Saoud, elle remonte à Mohammed ben Saoud ben Mohammed Al Mouqrin ( 1710 – 1765 ) [2], fondateur du premier état Saoud. Par stratégie politique, l’État moderne d’Arabie Saoudite est fondé par le roi Abdelaziz ben Abderrahmane Al Saoud. Initialement auto-déclaré roi du Hedjaz et du Nedj en 1927, le terme d’Arabie Saoudite apparaît en 1932 par la déclaration de Abdelaziz ben Abderrahmane Al Saoud[3]. Dans la conception constitutionnelle de l’Arabie saoudite, il existe un lien intrinsèque unique au monde entre la dynastie et l’État. En effet, l’appellation d’une Arabie Saoudite renvoie à une Arabie appartenant à la maison Saoud et démontre une certaine patrimonialité du pouvoir ayant une conséquence directe sur les droits dynastiques de cette maison. En son article premier de la constitution de 1992, l’Arabie Saoudite est présentée comme “ un état islamique souverain dont le saint Coran et la sunna du prophète forment la constitution” [4]. Ainsi, présenté dans son premier article, le pouvoir Saoud prend source comme monarchie de Droit divin[5].

D’Ibn Séoud au roi Salman, une dynastie gérontocrate

Les droits dynastiques de la Maison Saoud

Dans un premier temps, la constitution d’Arabie Saoudite est une des rares monarchies à mentionner le terme de Droits dynastiques dans sa constitution[6]. Ainsi, la constitution de 1992 est la première constitution permettant d’établir la succession et même si celle ci reste “ laconique et en des termes évasifs “[7], elle permet d’établir par écrit la tradition dynastique Saoud[8]. Ainsi, l’Arabie Saoudite est une monarchie[9] dont les droits dynastiques sont dévolus “ aux fils du fondateur, le roi abdul aziz bin abdulrahman al faisal al Saud et à leurs descendants “. Par ce biais, la couronne Saoud n’est pas uniquement dévolue parmi les membres de la maison Saoud mais aux descendants du fondateur de l’Arabie Saoudite[10].

Ainsi, la dévolution dynastique s’effectue dans la descendance de Abdelaziz ben Abderrahmane Al Saoud. Toutefois à la différence de droits dynastiques étrangers, le droit dynastique Saoud n’établit pas une primogéniture masculine car le successeur est “ le plus digne d’entre eux “. Si le terme arabe est le Al-Aslah ( Le plus digne d’entre eux ), sa qualification juridique reste difficilement appréhendable. Nabil Mouline la qualifie comme la “ capacité à diriger les affaires, à faire appliquer la loi et à respecter, du moins dans la sphère publique, l’orthopraxie islamique “ au sens de la littérature juridique de l’islam classique[11]. Dans ce cas précis, la succession au trône des Saoud est une succession adelphique où la succession linéale agnatique est rejetée au profit d’une succession par les frères. Ainsi, la dynastie Saoud détient un pouvoir en collégialité familiale et non un pouvoir monocratique[12] comme toutes les autres dynasties étatiques. Si la dévolution n’est pas effectuée en primogéniture masculine, le roi peut nommer le prince héritier où ce  dernier se consacre à ses fonctions et missions confiées par le roi[13].

Cette conception oblige le Roi de choisir un successeur âgé, bon musulman, détenant une mère Saoud, perspicace, populaire, stable avec de l’expérience dans la gouvernance[14]. Pour limiter le pouvoir montant du clan des Soudairi[15], le roi Abdallah fonde le comité d’allégeance[16] en octobre 2006 ayant pour but de régler la succession au trône Saoud[17]. Après avoir consulté le comité d’allégeance, le roi a la possibilité de proposer 1 à 3 candidats pour la nomination de prince héritier[18]. Toutefois, Le comité d’allégeance peut refuser les candidats désignés par le roi et choisir leur prétendant[19]. Le roi peut demander au comité de nommer un candidat; en cas de conflit entre les prétentions du roi et du comité, un vote à la majorité désignera le prince héritier[20].

Généalogie simple des Saoud aujourd’hui (source AFP)

Eviter un remake de Game of Thrones

La tentative de ralentir l’accession du clan des Soudairi est un échec, la nomination du prince Mohammed Ben Salmane ( dit MBS ) comme héritier présomptif de la couronne en est la preuve. MBS est le fils du roi Salmane[21] et sa nomination à son jeune âge en ligne directe a rompu avec la tradition adelphique du Droit dynastique Saoud. Concernant la régence, elle n’est pas explicitement mentionnée par la constitution de 1992 d’Arabie Saoudite mais permet au roi de déléguer ses compétences au prince héritier par décret royal[22]. Dans un premier temps, cette régence est définie par la volonté du Roi, la deuxième régence est effective en cas de voyage royal à l’étranger[23].

Lors de la mort du roi, la conception dynastique Saoud n’est pas similaire à l’adage capétien “ La mort saisit le vif “ . En effet, le prince héritier n’est roi qu’au serment d’allégeance où il exercera les pouvoirs royaux jusqu’au serment[24]. Ainsi, le serment est prévu par la constitution en son article 6[25] où les citoyens prêtent allégeance au roi, allégeance ayant comme origine le Saint Coran[26].

Adrien Hurtado

[1]Nabil Mouline – Pouvoir et transition générationnelle en Arabie Saoudite – Presses de Science Po “ Critique internationale “ 2010/1 n°46  p125

[2]Simon Herson- After King abdullah succession in Saudi Arabia – Policy Focus#96 – August 2009 – The washington institute for near east policy p1

[3]Ibid p 3

[4]Constitution du 1er mars 1992 – Article premier  “ Le royaume d’Arabie saoudite est un État islamique arabe souverain. Sa religion est l’Islam ; le Saint Coran et la Sunna (Tradition) du prophète (que la paix soit sur lui) forment sa Constitution. Sa langue est l’arabe et sa capitale est Riyad “

[5]Prend source dans la Sourate III versets 26-27 “ ô Allah, Maître de l’autorité absolue. Tu donnes l’autorité à qui Tu veux, et Tu arraches l’autorité à qui Tu veux; et Tu donnes la puissance à qui Tu veux, et Tu humilies qui Tu veux. Le bien est en Ta main et Tu es Omnipotent. Tu fais pénétrer la nuit dans le jour, et Tu fais pénétrer le jour dans la nuit, et Tu fais sortir le vivant du mort, et Tu fais sortir le mort du vivant. Et Tu accordes attribution à qui Tu veux, sans compter. “

[6]Titre II Forme de gouvernement Article 5 b “ Les droits dynastiques appartiennent aux fils du fondateur, le roi Abdul Aziz bin Abdulrahman Al Faisal Al Saud [Ibn Séoud] et à leurs descendants. Le plus digne d’entre eux est reconnu comme roi pour gouverner conformément au Saint Coran et à la Tradition du prophète. “

[7] Nabil Mouline – Pouvoir et transition générationnelle en Arabie Saoudite – Presses de Science Po “ Critique internationale “ 2010/1 n°46  p135

[8] Simon Herson- After King abdullah succession in Saudi Arabia – Policy Focus#96 – August 2009 – The washington institute for near east policy p7

[9]Titre II Article a – Le régime de l’Arabie saoudite est la monarchie

[10]Créant alors des branches non dynastes au sens de la constitution

[11]  Nabil Mouline – Pouvoir et transition générationnelle en Arabie Saoudite – Presses de Science Po “ Critique internationale “ 2010/1 n°46  p136

[12] Nabil Mouline – Pouvoir et transition générationnelle en Arabie Saoudite – Presses de Science Po “ Critique internationale “ 2010/1 n°46  p133

[13]Article 5 – c. Le roi nomme le prince héritier et le relève de ses fonctions par décret royal d. Le prince héritier se consacre à plein temps à sa fonction et aux missions que le roi lui confie.

[14]  Simon Herson- After King abdullah succession in Saudi Arabia – Policy Focus#96 – August 2009 – The washington institute for near east policy p11

[15]Clan interne à la maison Saoud – les 7 Soudayris sont les fils du fondateur et de son épouse préféré Hassa bint Ahmed al-Soudayri

[16]A savoir que par l’article 1 du comité d’allégeance, les membres du comité sont 1) les fils du Roi Abdulaziz Al-Saud, le fondateur du Royaume d’Arabie Saoudite ;

2) Petits-fils du roi Abdulaziz dont les pères sont décédés, frappés d’incapacité (tel que déterminé par un rapport médical) ou autrement réticents à assumer le trône. Les membres nommés par le Roi doivent être capables et reconnus pour leur intégrité.

3) un fils du roi et un fils du prince héritier, tous deux nommés par le roi. Ils doivent être compétents et reconnus pour leur intégrité.

[17] Simon Herson- After King abdullah succession in Saudi Arabia – Policy Focus#96 – August 2009 – The washington institute for near east policy p8

[18]Allegiance Institution Law article 7

[19]Allegiance Institution Law article 7  A. After consultation with the members of the Allegiance Institution, the King will choose one, two or three candidates for the position of Crown Prince. He will present his nominees before the Allegiance Institution, which is required to designate one of them as Crown Prince. In the event the committee rejects all of the nominees, it will name a Crown Prince whom it considers to be suitable

[20]Allegiance Institution Law article 7 B – The King may ask the Allegiance Institution to nominate a suitable Crown Prince at any time. In the event that the King rejects the committee’s nominee, the Allegiance Institution will hold a vote to choose between the King’s candidate and its own in accordance with Sections A and B of this Article. The nominee who secures the majority of votes will be named Crown Prince

[21]Succédant au Roi Abdallah le 23 janvier 2015, le Roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud est l’un des sept Soudayri

[22]Article 65 de la constitution – Le roi peut déléguer ses compétences au prince héritier par décret royal.

[23]Article 66 de la constitution – En cas de voyage à l’étranger, le roi publie un décret royal déléguant au prince héritier la gestion des affaires de l’État et le soin des intérêts du peuple, comme défini par le décret royal.

[24]Titre II – Article 5 –  Le prince héritier exerce les pouvoirs royaux à la mort du roi jusqu’à ce que le serment d’allégeance ait eu lieu.

[25]Article 6 de la constitution de 1992- Les citoyens prêtent allégeance au roi conformément au Saint Coran et à la Tradition du prophète, ainsi qu’aux principes de soumission et d’obéissance dans les circonstances difficiles comme dans la prospérité, dans les moments agréables comme dans les temps difficiles.

[26]Serment nommé la Bay’ah –  SOURATE 48 – AL-FATH (LA VICTOIRE ECLATANTE) 18. Allah a très certainement agréé les croyants quand ils t’ont prêté le serment d’allégeance sous l’arbre . Il a su ce qu’il y avait dans leurs coeurs, et a fait descendre sur eux la quiétude, et Il les a récompensés par une victoire proche