Officier à tendance libertine, cet explorateur devint prêtre et ermite après sa conversion. Charles de Foucauld a été canonisé aujourd’hui par le Pape François. Parmi les nombreuses personnes venues assister à la cérémonie, les descendants de la famille de ce saint aux milles vies.
Charles Eugène de Foucauld de Pontbriand est issu d’une famille aristocratique périgourdine dont la devise est « Jamais arrière ». Son arbre généalogique, qui remonte aux croisades, compte des membres du clergé, victimes des massacres de septembre 1792 perpétrés lors de la Révolution française comme nous l’indique Alain Vircondelet, auteur d’une biographie consacrée au saint. Une histoire qui va marquer profondément cet homme, né en 1858 de l’union d’Elizabeth de Morlet et du vicomte Edouard de Foucauld. Il a reçu le même prénom que son frère aîné, rappelé à Dieu après quelques semaines. Le destin va continuer de frapper cruellement sa famille puisque sa mère et son père décèdent tour à tour alors qu’il n’a que 6 ans. Recueilli par sa grand-mère paternelle, celle-ci disparaît tout aussi rapidement et le jeune Charles de Foucauld est confié à la charge de ses grands-parents maternels, plus républicains mais profondément catholiques et patriotes. C’est dans cette atmosphère qu’il va grandir.
Une vie de débauche
Son expérience chez les jésuites va le traumatiser. Leur sévérité met les convictions religieuses de Charles de Foucauld à rude épreuve. Il va cesser de croire pour privilégier une vie proche de la débauche permanente, « jouir d’une façon complète de ce qui est agréable au corps et à l’esprit » comme il l’écrit lui-même. Trop peut-être tant sa prise de poids est fulgurante. En 1878, il intègre Saint-Cyr où il est peu assidu, reçu médiocrement à ses examens. Livré à lui-même au décès de son grand-père, il reprend sa vie dissolue et dépense sans compter l’argent dont il a hérité. Entre 1880 et 1881, il vit une passion avec une actrice de « mauvaise vie », Marie Cardinal, qui travaille à Paris. Il décide de l’amener en Algérie où son régiment a été envoyé malgré l’interdiction reçue par son officier supérieur. Décision est prise par ce dernier de le mettre temporairement hors-cadre de l’armée pour « indiscipline ». Il ne sera réintégré qu’à la seule condition, qu’il se sépare de sa maîtresse. Ce qu’il fera la mort dans l’âme, laissant la mélancolie l’envahir.
Le temps de la rédemption
L’Algérie va être pourtant le début de sa rédemption. Lors d’affrontements avec les rebelles oranais, il se révèle à tous. Officier meneur, il a le constant souci du bien-être de ses hommes. Il veut voyager avec ce qui lui reste de fortune, une peau de chagrin désormais. Il apprend l’arabe et l’hébreu, se passionne pour l’islam. Il décide de partir explorer le Maroc, un pays mystérieux. Un voyage qui va nécessiter un an de préparation entre 1882 et 1883. Une fois sur place, il s’installe dans le quartier juif, s’assimile à leur mode de vie afin de passer inaperçu dans un pays qui n’accepte pas les chrétiens. Un mimétisme qui lui fait prendre conscience de la montée de l’antisémitisme parmi ses compatriotes. Charles de Foucauld est fasciné par la culture musulmane, ses beautés architecturales. « L’Islam a produit en moi un profond bouleversement. La vue de cette foi de ces âmes vivant dans la continuelle présence de Dieu, m’a fait entrevoir quelque chose de plus grand et de plus vrai que les occupations mondaines » écrit-il à ce sujet en 1901, dans une longue lettre envoyée à son ami Henry de Castries. De cette exploration, Charles de Foucauld en a tiré un travail conséquent qu’il envoie à la Société de géographie de Paris en 1885, récompensé d’une médaille d’or.
Conversion radicale suivie d’une vocation religieuse
Contrarié dans ses projets de mariage avec la fille d’un commandant dont sa famille refuse d’entendre parlé, amer, il se confie à sa cousine Marie de Bondy qui l’encourage à revenir dans la foi chrétienne et à vivre une vie de célibat. « À Paris je me suis trouvé avec des personnes très intelligentes, très vertueuses et très chrétiennes. Je me suis dit que peut-être cette religion n’était pas absurde » confie-t-il. Une communion, une confession et c’est la révélation : « Aussitôt que je crus qu’il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour Lui : ma vocation religieuse date de la même heure que ma foi : Dieu est si grand. Il y a une telle différence entre Dieu et tout ce qui n’est pas Lui » déclare Charles de Foucauld qui démissionne de l’armée en 1888.
Une vie d’ermite
Suite à un pèlerinage en Terre sainte, il cherche à rejoindre un ordre qui « imite la vie cachée de l’humble et pauvre ouvrier de Nazareth ». Ce sera la Trappe de Notre-Dame des Neiges où il souhaite vivre une vie de pauvreté, de silence, de travail et de prière (1889). Avant d’aller en Syrie ottomane rejoindre une abbaye de son ordre. Son humilité, sa foi frappent les esprits mais lui s’interroge toujours. Son penchant pour la mortification surprend, inquiète ses supérieurs. Il ne sera pas mieux compris en Terre sainte où il repart en 1897. Les clarisses de Nazareth sont interloquées par son comportement, sa frénésie à vouloir maigrir, suivre les pas de Jésus-Christ. Charles de Foucauld est un ascète forcené, un mystique dans l’âme qui va prendre bientôt un dernier chemin, celui d’ermite. Il choisit de se faire ordonner prêtre en 1901 puis s’embarque pour le Sahara. « Il s’installe à Tamanrasset. Il va y mener une existence tiraillée entre la prière, l’étude, les voyages, les contacts avec les Touaregs dont il apprend la langue avec passion, et une relation parfois contestée avec les soldats français présents dans la région » comme nous l’explique Mgr Claude Rault, évêque émérite de Laghouat-Ghardaia (Algérie) sur le site églisecatholique.fr. Charles de Foucauld ne cherche pas à convertir, lutte contre l’esclavage et se veut soutien de la mission colonisatrice de la France, même s’il juge celle-ci avec sévérité. Ce dernier point lui a d’ailleurs été reproché par les opposants à sa canonisation..
Un message de fraternité
C’est dans son ermitage à Tamanrasset qu’il va vivre ses derniers jours, écrire les ultimes pages d’un roman qui fascine encore. Avec la Première Guerre mondiale qui éclate, malgré une santé fragile, Charles de Foucauld construit un fortin de briques pour protéger ses amis Touaregs et aide l’armée française à se diriger. En mars 1916, des rebelles senoussis le capturent, le ligotent, l’humilient, lui crachent dessus et pillent le fortin. Il sera abattu d’une balle dans la tempe, mort en martyr. Déclaré Vénérable par Jean-Paul II, béatifié par Benoit XVI, c’est au pape François qu’est revenu le soin de le déclarer Saint aujourd’hui, place Saint-Pierre, avec deux autres Français, Marie Rivier et César de Bus.
Parmi les invités à cette cérémonie de canonisation, la famille de Charles de Foucauld qui a fait le déplacement en nombre. Anne de Blic, arrière-petite-fille de Marie de Foucauld (sœur de Charles ) confesse ressentir la « présence très forte » de son aïeul, touchée par son « humilité » et son « abandon » comme elle l’explique à Aleteia. Pour Raphaëlle de Foucauld, sa présence est essentielle afin de « capter toute la beauté » de la célébration afin d’être auprès de « celui qui symbolise à ses yeux la présence du Christ », également interrogée par Aleteia. « Le père de Foucauld, c’était quelqu’un dont on parlait beaucoup en famille. Il nous habite tout naturellement. C’est aussi tout ce visage du christianisme tourné vers les plus pauvres, avec souvent une dimension de dialogue œcuménique qui nous touche beaucoup » renchérit-elle, rejointe par ses deux fils qui louent son message de fraternité. Tous l’assurent, il est important de perpétuer, transmettre le message du « Frère universel » , désormais un saint pour tous les catholiques du monde entier.
Frederic de Natal