En pleine expédition du Mexique, le 30 avril 1863, une compagnie de 60 légionnaires sous les ordres du Capitaine Danjou va tenir glorieusement tête aux troupes libérales du gouvernement mexicain. Jusqu’à la mort. Camerone raisonne comme une défaite mais également comme un haut fait d’armes célébré chaque année par la Légion étrangère. La Revue Dynastie revient sur ce chapitre épique de notre Histoire.
Au terme de trois ans de guerre civile, le zapotèque Benito Juárez García parvient enfin à s’imposer à la tête de l’État mexicain en 1861. Dès les premiers jours de sa présidence, il s’empresse de faire annuler toutes les dettes extérieures contractées par son prédécesseur, le général de Santa Ana, irritant les gouvernements anglais, français et espagnols. A Paris, Napoléon III fulmine d’autant qu’il a de grands projets pour ce pays d’Amérique centrale. Le rêve d’un empire qu’il entrevoyait déjà dans une brochure qu’il avait rédigeait lui-même en 1846, affirmant que l’intérêt de la France était « de rendre à la race latine sa force et son prestige » au nom de « notre influence bienfaitrice ». Avec en fond de toile, garantir nos enjeux industriels et commerciaux et réduire la puissance hégémonique américaine. Le neveu de Napoléon Ier est un visionnaire mais dont la clairvoyance politique va se fracasser sur le mirage mexicain survendu par les conservateurs de ce pays venus lui demander de l’aide et assistance.
Un aller sans retour
L’idée de la création d’un empire catholique au Mexique séduit Napoléon III. Mais avant d’y installer l’archiduc Maximilien d’Autriche et son épouse Charlotte de Belgique à qui cette couronne sera officiellement offerte en 1863, la France doit chasser de son poste son principal occupant qui n’entend pas partir sans résister. Conçu comme une expédition tripartite, avec l’Espagne et le Royaume-Uni, la France va bientôt se retrouver seule dans ce bourbier auquel elle n’a pas été véritablement préparée. Les Mexicains résistent, les envois de troupes se multiplient et les défaites sont à peine atténuées par quelques victoires éclatantes que la presse de l’époque s’empresse de raconter dans ses colonnes. Le 29 avril 1863, c’est un convoi parti de Veracruz qui attire l’attention des soldats gouvernementaux. Chargé de vivres, matériel de siège, médicaments, munitions et de 4 millions de francs en pièces d’or, il faut alors le sécuriser afin d’éviter qu’il soit attaqué à tout moment. Le Capitaine Jean Danjou, adjudant-major du Colonel Jeanningros, convainc son supérieur de la nécessité d’aller au-devant du convoi. La 3ème Compagnie du Régiment Étranger, composée de 62 hommes, fut désignée pour cette mission avant que l’on ne s’aperçoive qu’elle n’avait aucun officier disponible, tous atteints de la fièvre jaune. Danjou en prend alors le commandement et part sur la route de Puebla à la rencontre du convoi.
Honneur et Fidélité
Elle a tout juste parcouru 20 kilomètres quand ce 30 avril, à 7 heures du matin, elle décide de s’arrêter à Paloverde pour prendre un café. C’est à ce moment que les troupes mexicaines se dévoilent et attaquent la compagnie. La Capitaine Jean Danjou fait immédiatement donner l’ordre de former le carré, si cher aux grenadiers de Waterloo. Ils battent en retraite mais arrivent à infliger des pertes sévères à l’ennemi. La charge de la cavalerie française est d’une efficacité redoutable et qui n’aurait pas déplu au courage du maréchal Murat. Pour autant, rien n’est gagné. Danjou décide de se retrancher dans l’auberge de Camerone, vaste bâtisse comportant une cour entourée d’un mur de 3 mètres, de tenir ses positions afin d’occuper les Mexicains et de permettre au convoi de passer sans encombre. Les Mexicains, en supériorité numérique, offrent alors aux légionnaires la possibilité de se rendre. Comme Cambronne et son fameux « merde » aux anglais en 1815, Danjou rétorque : « nous avons des cartouches et nous ne nous rendrons pas ». Il vient de rentrer dans l’Histoire par la grande porte. Puis levant sa main, il jura de se défendre jusqu’à la mort et fit prêter le même serment à ses soldats.
Une bataille épique célébrée chaque année
Jusqu’à 6 heures du soir, sans avoir bu une goutte d’eau ni mangé une tortilla, écrasé par une chaleur oppressante, une soixantaine de soldats français vont résister avec bravoure à deux mille Mexicains. À midi, le capitaine Danjou est tué d’une balle en pleine poitrine. L’ennemi met alors le feu au complexe. Les légionnaires tiennent bon et ne faiblissent pas malgré les pertes humaines qui s’accumulent. Parmi eux, un qui comprend l’espagnol et traduit tous les ordres donnés à ses camarades, permettant d’anticiper les attaques qui se multiplient. Ils refusent toujours de se rendre. Lorsque l’assaut final est donné, il ne reste plus que 5 survivants qui résistent encore. Face aux Mexicains, dos au mur, ils déchargent leurs dernières cartouches à bout portant et chargent avec leurs baïonnettes. Le moment est épique, glorieux et malgré une dernière proposition de reddition, les légionnaires continuent de menacer leurs ennemis qui les encerclent. Acculés, l’honneur va finalement imposer de se rendre. Ils ne sont plus que trois mais leur mission a été accomplie. Le convoi a atteint son but. Camerone a couté la vie à 300 Mexicains et la bataille vient d’entrer dans les annales des gloires françaises. Lorsque les secours arrivent, il est trop trad. L’odeur de la mort a envahi le champ de bataille. Un seul survivant parmi tous les corps qui gisent au sol. Un Italien laissé pour mort, ultime témoin d’un affrontement pour lequel chaque année, à date anniversaire la Légion étrangère rend un vibrant hommage (la prothèse articulée de Danjou ne sera retrouvée qu’en 1865 et reste une relique de cette bataille).
En apprenant l’héroïsme des soldats français, Napoléon III ordonna que le nom de Camerone soit inscrit sur le drapeau du Régiment Étranger et que les noms de Danjou, Vilain et Maudet, officiers qui ont donné leur sang pour « l’Honneur et la Fidélité », figurent en lettres d’or sur les murs des Invalides à Paris. En 1892, le Mexique a également fait construire un monument (déplacé depuis et restauré grâce à la France pour le centenaire de Camerone) en souvenir de cette bataille. Quand les régiments mexicains passent devant celui-ci, ils doivent désormais présenter les armes.
Frederic de Natal