Il porte un nom illustre. Carlos Felipe de Habsburgo-Lorena y Arenberg est le petit-fils de l’empereur Charles Ier et de l’impératrice Zita. Il s’est installé à Mexico depuis des années et s’est donné une mission : celle de réhabiliter le règne de l’empereur Maximilien Ier. Un chapitre de l’histoire mexicaine qui n’a pas excédé trois ans et qui conserve toujours une mauvaise réputation dans cette partie de l’Amérique centrale.
Érigé sur une montagne sacrée, le castillo de Chapultepec est un palais de style européen qui surplombe Mexico. Constellé de petits jardins multicolores disposés à la française, c’est ici dans une valse sans fin que les crinolines ont tournoyé durant 3 ans au rythme d’une partition euphorique et trompeuse. Un concert aux accents européens qui s’est terminé tragiquement un matin de juin 1867 à Santiago de Querétaro. Le Second empire mexicain n’a plus de secret pour Carlos Felipe de Habsburgo-Lorena y Arenberg. A 67 ans, le petit-fils de l’empereur Charles Ier et de l’impératrice Zita en a fait un véritable métier. Installé depuis des années au Mexique avec sa famille, ce polyglotte multiplie les conférences afin de réhabiliter autant la figure de son arrière-grand-oncle que cette période qui a été longtemps ostracisée par les historiens mexicains. Crâne largement dégarni, lunettes au nez, l’homme fascine. On se presse parfois autour de lui pour prendre quelques photos à la volée, on le salue d’un modeste « Holà » (bonjour) tant sa simplicité naturelle marque le pas sur ses illustres origines.
Une couronne bercée d’illusions
La conférence qu’il avait organisé en 2018 dans les salles du château de Chapultepec avait fait salle comble et l’objet de l’attention des médias. « Les choses ont beaucoup changé sur la façon dont les Mexicains perçoivent aujourd’hui l’époque du Second Empire » affirme l’archiduc. « La vision longtemps distillée qui affirmait que l’empereur exploitait les pauvres et les indiens n’existe plus » poursuit Carlos Felipe de Habsburgo-Lorena y Arenberg. Voulue pour des raisons géostratégiques, politiques, religieuses et économiques, l’expédition du Mexique sera un échec militaire pour Napoléon III et ses rêves d’empire catholique. Bercés d’illusions par l’attrait d’une couronne facile dont on leur avait pourtant déconseillé de coiffer, l’archiduc Maximilien de Habsbourg-Lorraine et son épouse Charlotte de Belgique avaient rapidement déchanté en débarquant à Veracruz en 1864. Les quelques manifestations de soutiens organisées à leur arrivée masquaient mal une certaine vérité politique. Le Mexique n’attendait pas le couple impérial. Pis, Maximilien Ier va même décevoir ceux qui l’ont acclamé dans les salons de Miramar, sa résidence italienne. Ses idées libérales vont lui faire perdre de grands soutiens et renforcer l’influence de son principal concurrent, le président Benito Juarez, à la tête de la résistance.
Une nostalgie romancée du Second empire
« Les nombreuses pièces de théâtres, livres, nouvelles autobiographies, conférences…, nous montre un homme humain, rêveur, qui se voulait chef d’état avec la volonté de défendre les plus vulnérables et qui a laissé un certain nombre de lois que l’on utilise encore au Mexique » poursuit l’archiduc. Difficile en effet d’ignorer les lois sociales que ce protecteur de la Franc-maçonnerie a mis en place en faveur des péones (paysans) comme l’abolition des châtiments corporels, un salaire fixe et la réduction du temps de travail. « (…) Je trouve que mon ancêtre a fait beaucoup de bonnes choses pour le Mexique ! (…). Il ne faut pas oublier que grâce à lui le pays s’est profondément transformé, entrant dans l’ère contemporaine » affirme l’archiduc et qui reconnaît qu’une certaine nostalgie du XIXème siècle s’est emparée du pays . Bien qu’il regrette qu’elle soit analysée de « manière faussement romantique » et avec ses sempiternelles caricatures. Pour ce père de deux enfants, « le conflit est toujours centré sur cette rivalité qui a opposé monarchistes et républicains avec en fond de toile, des Etats-Unis qui ne voulaient pas d’une monarchie à leur frontière » tient à préciser l’archiduc.
La Casa de Habsburgo-Lorena les desea un feliz y próspero Año Nuevo 2022. pic.twitter.com/14Sc7nSi7y
— Casa de Habsburgo en México (@CasaHabsburgoMX) January 1, 2022
Washington va appuyer très ouvertement les partisans de Juarez, considérant Maximilien Ier comme un « usurpateur ». Ironiquement la chute de la Confédération sudiste va provoquer la lente agonie de l’empire mexicain. Privé de cet état tampon sécessionniste avec lequel la France collaborait, les juaristes vont prendre progressivement le dessus sur l’armée belgo-française qui assure la protection du régime impérial. Avec le retrait de cette coalition militaire, l’empereur est finalement abandonné à son sort. Acculé, il doit se rendre aux rebelles en mai 1867 et ces derniers vont s’empresser de le faire exécuter un mois plus tard et qu’immortalisera le peinte Manet. Pour de Carlos Felipe de Habsburgo-Lorena y Arenberg, la mort de Maximilien Ier n’est pas due aux français dont on aurait tort de les rendre responsable des maux du frère de l’empereur François-Joseph mais bel et bien à cause des Américains. « Juarez avait reçu des instructions précises du gouvernement américain pour abattre Maximilien à Querétaro. Les Etats-Unis ne voulaient pas que le Mexique reste une nation monarchique, au contraire, ils préconisaient l’établissement d’une république éloignée de tout concept européen avec le seul objectif de mieux la contrôler » explique ce défenseur acharné de la cause Maximilienne.
Le temps des empereurs au Mexique malheureusement révolu
Il existe encore des Mexicains, quelques milliers, qui préconisent le retour de la monarchie comme solution aux maux de leurs pays. Certains considèrent d’ailleurs que l’archiduc Carlos Felipe de Habsburgo-Lorena y Arenberg est l’héritier légitime de la couronne au détriment de l’actuel descendant de l’empereur Agustín de Iturbide dont Maximilien avait adopté deux des enfants. Le petit-fils de Charles Ier regarde cela avec amusement même s’il s’est doté d’un secrétariat qui se charge de promouvoir son image sur les réseaux sociaux. Du côté des détracteurs de l’empereur Maximilien, on se gausse des gesticulations des monarchistes mexicains, ces « elucubraciones monárquicas » disent-ils d’un air moqueur, comme des spéculations sur un éventuel retour de la monarchie au Mexique. Pour l’avocat Alfonso Cervantes y Sánchez-Navarro, comte d’Echauz, « les royalistes au Mexique sont totalement stigmatisés à cause de l’histoire officielle qui nous considère comme des traîtres » comme il l’expliquait encore récemment au quotidien El Pais. L’Asociación Monarquista Mexicana (Association monarchiste mexicaine), un des mouvements monarchistes du Mexique, s’agace que l’extrême-droite locale se soit appropriée les symboles de l’empire tout en dénonçant la corruption rampante dans le pays et l’impunité dont bénéficie les députés de la classe politique. Alfonso Cervantes y Sánchez-Navarro reconnaît dans un certain dépit empreint de réalisme que « le temps des empereurs au Mexique semble malheureusement révolu » quelques soient les tentatives de réhabilitation en faveur de Maximilien Ier. « L’espoir fait vivre » dit l’adage.
Frederic de Natal