Dans un entretien accordé au magazine Le Point, le président-candidat Emmanuel Macron a évoqué une réforme du quinquennat actuel qu’il juge « trop court pour le temps présidentiel ». Selon lui, il serait préférable que l’on revienne à un « septennat séparé par des élections de mi-mandat » à l’instar ce qui se fait aux États-Unis. En place entre 1879 et 2002, saviez-vous que le septennat a été créé pour un monarque ? La Revue Dynastie revient sur son histoire.
C’est sur les ruines encore fumantes du Second empire que la IIIème république est proclamée le 4 septembre 1870. Une prise de pouvoir dans de mauvaises conditions. Capturé par les prussiens, l’empereur Napoléon III n’a pas abdiqué. Paris, assiégée et affamée, ne va pas tarder à capituler devant les casques à pointe comme le gouvernement bientôt contraint de signer un armistice. La France doit se réorganiser politiquement. Les élections du 8 février 1871 permettent aux conservateurs et aux monarchistes d’obtenir une majorité parlementaire (400 élus sur 656 sièges). Considérés comme les partisans de la paix, regroupés autour d’Adolphe Thiers, ils souhaitent négocier avec l’Allemagne naissante (au prix de la perte de l’Alsace-Lorraine) et font face aux républicains considérés comme le parti de la « guerre à outrance ».
Une République très monarchiste
Président, Thiers va chercher à consolider la République ternie par la répression sanglante de la Commune de Paris (mars-mai 1871). Dans l’hémicycle, deux tendances monarchiques dominent le débat tout en s’affrontant dynastiquement. D’une part, il y a les légitimistes (182 sièges) qui défendent les droits au trône du comte de Chambord, Henri V. D’une autre part, les orléanistes (214 sièges) qui soutiennent les prétentions du comte de Paris, Philippe VII. Deux branches victimes tour à tour d’une révolution et que tout sépare. Les premiers militent pour un retour de l’Ancien régime, les seconds pour une monarchie parlementaire et tricolore acceptant l’héritage de la Révolution française. La posture républicaine d’Adolphe Thiers va progressivement devenir intenable et il est poussé à la démission en mai 1873, remplacé par le maréchal de Mac-Mahon. Les républicains crient au coup d’état. En vain. Commencent alors des négociations pour la restauration de la monarchie bien que cette idée ne représente pas concrètement la volonté majoritaire des Français. Les deux camps vont alors s’accorder sur un plan des plus simples. Sans enfants, ils conviennent qu’au décès du comte de Chambord, ce sera le comte de Paris, père de famille, qui montera sur le trône. Après lui, ses descendants.
Échec de la restauration
Si rien n’indique avec certitude qu’Henri V ait pu accepter une telle idée, le parlement organise les préparatifs du couronnement. Dans son gouvernement Mac-Mahon a incorporé un bonapartiste dont le parti n’a que 20 élus. Pas assez pour envisager de positionner le fils de Napoléon III, décédé en janvier 1873, sur ce trône en devenir. Mineur et exilé à Londres, le prince Louis Napoléon ne peut faire acte de candidature. Survient alors la question du Drapeau qui va mettre fin brutalement aux espoirs des monarchistes. Le comte de Chambord accepte bien de ceindre une couronne mais à la seule condition que ce soit sous le drapeau blanc, couleur de la Restauration. Il ne fera aucun compromis et le fait savoir par une lettre-manifeste le 22 octobre 1873. Légitimistes comme orléanistes sont consternés par une telle décision inattendue. Pis, la lettre se répand comme une trainée de poudre et donnera lieu à toutes sortes de rumeurs qui perdurent encore de nos jours chez les partisans du roi. On tente de préserver ce qui encore possible d’être sauvé. Réunis, les députés de droite, après de vives discussions, proposent au comte de Paris de prendre la tête d’une régence. Il refuse comme le prince de Joinville, les ducs d’Aumale et de Nemours à qui on a fait la même proposition. Henri V, qui a compris son erreur, contacte quelques jours plus tard Mac-Mahon et lui propose d’apparaître à l’Assemblée nationale, à son bras, afin de forcer les députés à le proclamer roi de France. L’entrevue entre les deux hommes sera pathétique. Le maréchal refuse de jouer les « Monk » de service, du nom de ce général républicain anglais qui a restauré le roi Charles II sur son trône en 1660.
Un septennat créé pour un monarque
Face à son destin, Mac-Mahon va imaginer un scénario improbable et qui va jeter malgré lui les bases de la République. Irrité par l’entêtement du comte de Chambord, bien qu’il soit légitimiste, il va choisir une option consensuelle. Le petit-fils de Charles X a 52 ans et de santé aléatoire. Mac-Mahon estime qu’il a moins d’une décennie à vivre et qu’à son décès, on pourra appeler le comte de Paris sur le trône de France, plus enclin à accepter le drapeau tricolore. Mac-Mahon fait ses calculs et se projette sur 7 ans. Les partis politiques font également leurs propres calculs en fonction de leurs intérêts. Pour les légitimistes, il sera toujours temps de rappeler Henri V, pour les bonapartistes ce délai peut leur permettre de préparer le prince impérial, Louis Napoléon, à ses fonctions puisqu’il aura atteint sa majorité et les orléanistes d’être confortés dans l’idée que Philippe VII sera bientôt couronné. Le septennat vient de naître et le maréchal de se muer en président dont le costume inquiète tout de même les républicains qui craignent une restauration cachée. On accuse même Mac-Mahon de vouloir exercer un pouvoir dictatorial exigé par les circonstances. Le projet est adopté dans la douleur, le 19 novembre 1873, d’une courte majorité (68 voix ). Dans l’ombre, le comte de Chambord a attendu la fin des débats dans la cour du Palais de Versailles, « au pied de la statue de Louis XIV », raconte le comte de Falloux.
Tragédie royale, rue de Saint-Louis
Une vraie scène d’opéra. Persuadé que le vote serait négatif, il avait pensé alors surgir en pleine assemblée et se serait présenté comme le sauveur providentiel, un drapeau tricolore à la main afin de rassurer toute l’assistance. Acclamé, il aurait profité du moment pour arracher le rouge révolutionnaire et ne garder que les deux autres couleurs. Pure fiction car la vérité est tout autre. Il attendait seul dans un appartement de la rue Saint-Louis et a fini par s’endormir. C’est son valet, Charlemagne, qui le prévient au matin des résultats. La déception se lit sur son visage. Face à l’inéluctable, il décide alors de prendre le chemin de l’exil, vers Frohsdorf (actuelle Slovénie) où il va s’éteindre en 1883. Les chances d’un retour de la monarchie se fragilisant, l’espace est rapidement occupé par les bonapartistes qui jouissent d’un retour en grâce parmi la population française. On va même jusqu’à espérer que Mac-Mahon acceptera de céder sa place au prince impérial. Le maréchal doit fermement rappeler à tous qu’il est et reste le président de la République jusqu’au terme de son mandat. Monarchistes et bonapartistes se déchirent sur ce « septennat incommutable » selon la formule du duc Albert de Broglie. Des querelles byzantines qui vont bientôt avoir raison de la majorité parlementaire qui ratifie le septennat en 1875 (amendement Wallon qui confirmera le principe de la République) après un très violent débat. « Le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans ; il est rééligible » précisera d’ailleurs l’article 2 de la nouvelle Constitution.
L’Histoire est un éternel recommencement
Les élections de 1876 sont un désastre pour les monarchistes qui perdent de moitié leurs sièges, balayés par une opposition républicaine (393 sièges) et un retour des bonapartistes qui obtiennent 70 sièges de plus qu’en 1871. Une cohabitation s’installe, difficile, ruinant tous les perspectives d’un retour du roi. Malgré une dissolution du parlement en 1877, Mac-Mahon n’arrive pas à retrouver de majorité parlementaire et doit démissionner deux ans plus tard. Excepté la parenthèse du régime de Vichy, le mandat présidentiel de 7 ans restera finalement en vigueur jusqu’à sa suppression en 2000 par le président Jacques Chirac. Ironie de l’histoire, les opposants au septennat (dont le représentant est élu au suffrage universel direct) critiquait son caractère quasi monarchique et de nombreuses tentatives de réformes sur ce sujet avaient eu lieu sous les présidences Pompidou (1969-1974) et Mitterrand (1981-1995).