Fête religieuse par excellence, beaucoup reproche aujourd’hui à Noël d’être devenue une gigantesque foire commerciale. La Revue Dynastie revient sur l’histoire des fêtes de Noël, une leçon d’histoire à travers le miroir du temps des sociétés passées.

Ruée sur Amazon, incessante rengaine des « joyeuses fêtes de fin d’année », réveillon de Noël en compagnie de votre insupportable belle-sœur… Au secours, revoilà Noël ! Aujourd’hui, seuls quelques irréductibles continuent de voir dans Noël la fête de la naissance du Christ sur terre. Aux oreilles de la majorité des Français, Noël s’est transformé en fête de famille, certes traditionnelle mais sans caractère religieux.

Sol invictus

Naissance du Christ, Mosaïque de la chapelle palatine de Palerme, v. 1150.

Pourtant, le 25 décembre est instituée comme fête religieuse bien avant la naissance du Christ. En effet, ce n’est qu’en 380 avec l’édit de Thessalonique que la fête de Noël chrétienne est la seule fête à pouvoir être honorée dans l’empire romain. Auparavant, dans la Rome antique, les romains célébraient les Saturnales, une semaine de fêtes et de réjouissances en l’honneur du Dieu Saturne. Plus tard, les romains et plus particulièrement l’armée romaine fêteront autour du 25 décembre le Sol Invictus (Soleil Invaincu), sorte de divinité solaire reprenant des aspects de la mythologie d’Apollon et du culte de Mitra.

Un 25 décembre historique 

Couronnement de Charlemagne. Enluminure de Jean Fouquet, Grandes Chroniques de France

A partir de la fin du IVe siècle, seule la fête de la nativité du Christ sera célébrée le 25 décembre qui constitue une date symbolique forte, reprise par les rois et les empereurs. On peut ici citer le baptême de Clovis (25 décembre 498) mais aussi le couronnement de Charlemagne (25 décembre 800) et de Guillaume le Conquérant (25 décembre 1066). Jour symbolique, il permet au souverain de dresser un parallèle prestigieux entre lui et Jésus, envoyé par Dieu pour sauver l’humanité. Ainsi, fêter Noël ne signifie pas la même chose pour le romain du Ve siècle et le français du XXIe. Plongeons au milieu de ces 16 siècles, au début du règne de Philippe IV le Bel. D’abord, pour les chrétiens de cette fin du Moyen-Age dit central (XIe au XIIIe), les fêtes de Pâques et de l’Annonciation constituaient des fêtes religieuses plus importantes que celles de Noël.

La période de 4 semaines précédant Noël, celle de l’avent, était l’occasion de jeunes et de pénitences pour les chrétiens. La messe de Noël rompt ce jeune et les pénitents peuvent alors célébrer avec joie la naissance du Christ. Durant l’avent, les troupes de théâtre se produisaient devant les églises. D’abord des scènes bibliques accessibles à tous, puis des récits plus travaillés puisant dans l’histoire ou les évangiles apocryphes. Mais trois siècles plus tard, en 1677, l’Eglise décide de mettre fin à ces représentations les jugeant trop profanes. On était pourtant encore loin du téléfilm américain de Noël diffusé en boucle en décembre sur les chaines de télévisions françaises…

Une symbolique oubliée

Sapin de Noël érigé à Johannesburg @LotusHead

Pour ce qui est de la nourriture, les réveillons après la messe de Noël regorgeaient déjà de victuaille pour les plus riches. Par exemple, les invités de Richard de Swinfield, évêque de Hereford au 13e siècle, avaient le loisir de déguster de la tête de sanglier pour le festin de Noël . Outre le sanglier, Richard servait aussi de nombreuses viandes (bœuf, chevreuil, perdrix, oies…) et de la boisson à profusion (principalement du vin et de la bière). Les cuisiniers se servaient des variations saisonnières, et s’inspiraient des denrées locales. Quelques épices venaient agrémenter les agapes, comme le poivre, le gingembre, les clous de girofle et le safran. Noël donnait lieu à la fête des Fous, sorte d’inversement de la hiérarchie sociale, héritée des Saturnales romaines. Lors de ces jours suivant Noël, les rôles sociaux sont inversés : les valets deviennent des maîtres, les femmes deviennent des hommes et inversement. Plusieurs chroniques s’en font l’écho, et Victor Hugo ouvre « Notre Dame de Paris » sur cette fête des fous, où un pape des fous ou un évêque des fous. Les farceurs jouaient, imitaient les manières des prêtres et des nobles, buvaient… En somme, une fête populaire libérant les frustrations du peuple par la moquerie joyeuse. Une société qui sait se moquer d’elle-même ? On en rêverait aujourd’hui.

Jean-Benoît Harel