Des records absolus de températures sont attendus cette semaine sur la France. Présentées aux journaux télévisés, les cartes météorologiques se veulent alarmistes, apocalyptiques, partagées en masse sur les réseaux sociaux et commentées par des internautes qui évoquent majoritairement le réchauffement climatique comme principale raison de ces canicules répétées. Un phénomène pourtant loin d’être unique dans l’histoire du temps qui passe.
La France attend un nouvel épisode caniculaire cette semaine. Pour les plus convaincus, faute au réchauffement climatique, nouveau sujet à la mode qui se veut tantôt alarmiste, tantôt rassurant en fonction des experts ou politiciens qui défilent sur les plateaux de télévision. A chacun ses arguments pour expliquer ces phénomènes de chaleur qui se répètent inlassablement chaque année. Avec plus de quarante degrés ressentis au sol, les vendeurs de climatiseurs doivent se frotter les mains. Une technique de refroidissement que nos ancêtres auraient certainement apprécié d’avoir dans leurs chaumières à certaines époques de leur vie. Pourtant, si ces hausses des températures inquiètent et posent de nombreuses questions, elles n’ont rien d’exceptionnelles pour les historiens.
Les premières canicules s’abattent sur la France
C’est au cours du XVème siècle que le terme latin « Canicula » (petit chienne) apparaît et désigne Sirius. La principale étoile de la constellation du Grand chien se confond avec la levée et la montée du soleil, entre juillet et août, au moment où les températures peuvent être les plus élevées dans l’année. Très rapidement, la canicule entre dans le lexique courant, afin de désigner des journées très chaudes pouvant se prolonger dans le temps. Il est difficile de quantifier les hausses de température au cours des siècles précédant le XVIIème tant les données nous manquent, mais le royaume de France a bien été confronté à plusieurs sécheresses importantes, pas forcément le synonyme de difficultés agricoles. « (….) En 1351, le prix du froment a été multiplié par trois à cause de sa rareté, avec « échaudage », comme l’on disait, ce qui entraînait des moissons et des vendanges très précoces, un vin en faible quantité mais excellent » explique l’historien Emmanuel Le Roy Ladurie, interviewé en 2003 par le quotidien Libération. Au XVIème siècle, les conséquences d’une canicule vont pourtant s’avérer désastreuses. « Toutes les forêts d’Europe ont pris feu, la fumée étouffante a assombri le soleil, pas un seul orage n’a été signalé à l’été 1540. L’eau était déjà rare en mai, les puits et les sources se sont asséchés, les moulins se sont arrêtés, les gens sont affamés, les animaux ont été abattus » nous rapporte le climato-historien Christian Pfister. En 1636, la France est frappée par un tsunami de chaleur, plus précisément à Paris, qui subit durant plusieurs semaines de suite, l’agression des rayons du soleil. Les maladies prolifèrent et plus de 500 000 personnes décèdent durant cette période caniculaire. « Cette année a été mémorable pour la grande mortalité et contagion qui a été très forte par tous les pays, villes et villages, ayant emporté une bonne partie des créatures partout où elle s’est attachée (…) une infinité de monde qui est mort par fièvres chaudes, dysenteries » nous raconte un témoin résidant dans le nord de la France. « Le procédé du soleil et des saisons a changé » s’inquiète tout de même Madame de Sévigné.
Un royaume de France sous la fournaise
En 1709, la cour de Louis XIV suffoque à Versailles. Et les fontaines du château ne suffisent pas à rafraîchir toute l’aristocratie enfermée sous leurs dentelles. Les thermomètres explosent même avec la dilatation du liquide utilisée à l’intérieur pour mesurer les températures. Il va faire 39° durant plusieurs semaines. Une canicule qui se répète en 1701 et 1711 avec autant de victimes que la précédente vague de chaleur. Un bref répit. Vent du Sahara et invasion de sauterelles ravagent la France durant l’été 1718 et 1719. Pis, sur cette deuxième année, de juin à septembre, les sujets de Louis XV sont terrassés par cette chaleur insupportable à un tel point que la Seine, elle-même, atteint son plus bas niveau. Des générations entières sont décimées. On ne dénombre pas moins de 700 000 morts sur la France. 1749 et 1779 ne sont pas mieux avec 200 000 morts. Le médecin John Huxam, témoin de celle de 1757, nous raconte que nombreuses personnes furent prises par de « soudaines et violentes douleurs de la tête, et vertige, sueurs abondantes, grande faiblesse en affectent beaucoup », notant la recrudescence « des fièvres putrides en grande abondance ». L’Europe vit sous la fournaise (avec un 37° journalier) et le sujet alimente les principales manchettes des journaux de l’époque qui conseille (déjà) de s’hydrater continuellement.
Des records de température qui explosent
Les cultures détruites, les hivers rigoureux, la grêle au printemps 1788 précédant un nouvel été caniculaire achève le moral des français confrontés à une crise économique et aux conséquences connues pour la monarchie française qui avait déjà tenté de trouver des solutions afin d’éviter l’inéluctable. « Dès la fin du XVe siècle, Louis XI tente d’instaurer un « maximum » (un contrôle des prix) en période de canicule. L’intervention massive vient avec Louis XIV et Colbert, très typique de la monarchie absolue : importations de blé, interdiction d’exporter, instauration de réserves dans les greniers d’abondance » poursuit Emmanuel Le Roy Ladurie. « Cela vise aussi à répondre aux deux principales accusations des Français en période de canicule : l’Etat ne fait rien ou, au contraire, ferait tout pour spéculer sur la cherté du blé » précise l’historien. Avec les découvertes scientifiques qui s’affinent, la révolution industrielle, les vagues successives de chaleur sont mieux affrontées, faisant moins de morts. Celles de 1846, 1859, n’auront rien à envier à celle de 1911. « 37° à l’ombre et on nous promet d’avantage » titre même le quotidien Le journal . Lyon et Bordeaux vont même flirter avec les 40° en août de cette année. « Il faudra marquer cette année 1911 d’une croix noire », écrit un médecin de Seine-Inférieure, ajoutant que « pendant la longue période de chaleur, la mort n’a cessé de faucher les tout petits élevés au biberon ». 40 000 personnes succombent à cette chaleur intense. Il faudra attendre l’année 1947 pour revivre cette période caniculaire.
Un phénomène météorologique qui est devenu plus fréquent depuis le début des années 2000 avec douze épisodes caniculaires recensés contre moitié moins au cours du XXème siècle. « Les événements extrêmes (vagues de chaleur, pluies torrentielles et sécheresses) vont être plus fréquents et plus intenses. Les vagues de chaleur seront certainement plus longues et plus précoces, comme au début du mois de juin » avertit d’ailleurs Françoise Vimeux, directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement, interrogée il y a peu par le quotidien La Dépêche. Le temps reste un cycle qui se répète comme l’Histoire. Reste désormais à déterminer si la main de l’homme y est pour quelque chose ou non, loin de tout extrémisme idéologique, et de trouver les solutions les plus adéquates afin de sauver la maison Terre,.
Frederic de Natal