Du prophète Mahomet à nos jours, l’extension du monde arabe par la voie de l’islam a permis l’apparition de diverses dynasties orientales. D’une filiation mythique au prophète, le poids de leur légitimité dynastique a été établi par une légitimité jure sanguini où ces souverains se prévalent d’être les descendants de ce chef religieux, politique et militaire arabe issu de la tribu de Quraych bien connu de tous. Souvent lié à l’Islam, la différenciation entre le monde Turc et le monde Perse doit être effectuée pour ne retenir que celui du monde Arabe, c’est à dire les terres d’Arabie et les terres Arabisées [1]. La Revue Dynastie fait un tour d’horizon sur ces familles royales qui se revendiquent comme étant toutes les héritières directs du prophète Mahomet.

Le prophète de l’islam Mahomet, illustration d’un manuscript ottoman du 17e siècle (gauxche). Mort de Mahomet, peinture du Siyar-i Nabi, Istanbul, 1595. (droite)

Genèse

L’arabisation et un Jus Sanguinis Chérifien – Par le commencement de la « guerre juste » , guerre pour l’extension de l’Islam, cette religion Abrahamique a  pu se répandre à partir de la bataille de Badr en 624, bataille remportée contre les quraychites[2] qui occupaient la Mecque. Cette victoire a permis une islamisation de l’Arabie et a déclenché un phénomène d’arabisation externe à celle-ci par la prise de Damas en 635, de Carthage en 698 et de l’Andalousie en 711. Conséquemment à une extension de l’Islam, les dynasties arabes fondent leur légitimité sur la descendance du prophète. Nommés les Chérifiens, ils sont les descendants du prophète[3], par les petits-fils de Mohammed Al-Hussein Ibn Ali et Al -Hassan Ibn Ali[4]. Ces notions de descendance Chérifienne établissant un jus sanguini dans le droit royal est notamment établie dans la dynastie alaouite du Maroc.

La dynastie des Alaouites

Considérée comme les descendants de Al Hassan Ibn-Ali, petit fils de Mahomet, cette dynastie est fondée en 1631 à la suite des Idrissides, Almoravides, Almohades, Mérinides et Saadiens. Fondée par le Grand Rachid Ben Chérif, ce dernier se révolte contre son frère à la mort de son père et prend le contrôle du territoire marocain en devenant le premier sultan Alaouite ( de 1667 à 1672 ). Cette prise de pouvoir fait suite à l’assassinat d’Ahmad el Abbas (1653 – 1659) qui, laissant un Maroc atomisé, permet à Ben Chérif d’unifier le Maroc[5].

Mohammed VI avec son fils Hassan et sn frère Rachid @Dynastie

Le régime actuel – Depuis la fin du protectorat (1912-1956), les sultans Mohammed V, Hassan II et Mohammed VI se sont succédés sur le trône marocain. Mohammed VI a obtenu le grade de docteur en droit avec mention très honorable par cette thèse  «La coopération entre la Communauté économique européenne et l’Union du Maghreb arabe»[6]. Une différence peut être appréciée entre Hassan II dont le souvenir rappelle une posture royale, et l’actuelle monarchie du Maroc représentant essentiellement le développement économique du Royaume. Également en tant que descendant du prophète, le roi du Maroc est le commandant des croyants, le Amir al Moumine[7], protecteur de l’Islam.

Une royauté essentielle – En ces termes, Hassan II précisait :  « Le Maroc est un lion qu’il faut guider avec une laisse. Il ne doit jamais sentir la chaîne » . Si ces termes peuvent choquer, la vision d’un Maroc sans souverain semble impossible au titre de la gestion géopolitique du Royaume. Dans un premier temps, il assure l’union géopolitique interne du Royaume entre les différentes ethnies berbérophones[8] dont le souverain assure l’union[9].  Dans un second temps,  il permet également une gestion géopolitique externe par le Front Polisario au Sahara occidental, la gestion du conflit algérien depuis la guerre des sables de 1963, sans compter la volonté de certains députés mauritaniens et marocains d’établir un Grand Maroc basé sur l’ancienne possession royale marocaine[10] garantissant le respect des frontières royales.

La dynastie El Senussi

Dynastie Chérifienne se présentant comme les descendants de Fatima et Al-Hassan Ibn Ali, (elle) tire également sa légitimité de cette origine. Fondée par Mohammed Bin Ali Al-Sanoussi (1787-1859), elle occupe le trône de Libye en 1951 avec Idris Ier, devenu Emir de Cyrénaïque , du Tripolitaine puis  de Fezzan  et qui formeront le Royaume uni de Libye.

Idriss Ier, roi de Libye. Un rebelle tenant son portrait durant le conflit en 2011@Dynastie

Un retour nécessaire – Le renversement du régime par Mouammar Kadhafi, le 1 er septembre 1969, met fin au règne de la dynastie El Senussi. Incapable de réunir les tribus de Cyrénaïque, de tripolitaine et du Fezzan sous sa seule autorité, elles profitent de la déstabilisation du régime pour entrer en guerre contre les Kadhafi en 2011. Idris Ier avait organisé un arbitrage tribal qui n’avait pas été jugé indispensable par Kadhafi, préférant privilégier sa tribu des Quadhadhfa. Par conséquent, la mise en place de ces privilèges et la maltraitance du régime envers les autres tribus  ont entraîné la révolte des Makharha et des Zuwayas, tribus principale du Cyrénaïque.

L’idée d’une restauration – Face aux tensions géopolitiques de la région, l’idée d’une restauration de l’héritier présomptif du trône de Libye a été envisagée. A de nombreuses reprises.  Mohammed Al Senussi a présenté au Parlement Européen l’idée d’une monarchie constitutionnelle le 20 avril 2011[11] et lors du 25ème sommet de la ligue des États arabes le 25 mars 2014. Une restauration permettrait de réunir la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan autour d’une tête couronnée, actuellement plongées dans une guerre civile et des luttes interethniques[12].

La dynastie des Hachémites

Dynastie Chérifienne, le terme Hachémite signifie étymologiquement « les descendants de Hachim Ibn Abd Manaf », arrière grand-père de Mohammed. Cette dynastie se revendique de Al Hassan Ibn Ali, petit-fils de Mohammed ; elle a pour particularité de descendre d’émirs et de chérifs qui gardèrent la ville sainte de la Mecque.

Une arrivée au pouvoir mitigée –  Au temps des grandes révoltes arabes contre l’occupant Ottoman (Première guerre mondiale), Hussein Ben Ali de la dynastie des Hachémites permet à son fils Fayçal de devenir roi de Syrie durant 6 mois grâce à l’appui des britanniques. Les volontés françaises et britanniques par les accords de Sykes-Picot oblige Fayçal à laisser le trône de Syrie pour prendre celui d’Irak en 1921. Son petit-fils Fayçal II régnera jusqu’au coup d’État militaire de 1958 organisé par divers officiers de l’armée. Après la perte de l’Irak et la prise de contrôle de l’Arabie par Saoud, la dynastie Hachémite monte sur le trône de Jordanie en 1949 avec Abdallah Ier[13] .

Un maintien dynastique nécessaire – Le lien intrinsèque entre dynasties arabes et états arabes est présent puisque la constitution présente l’état Jordanien comme le Royaume Hachémite de Jordanie[14], semblable à l’État des Saoud [15].  La dynastie Hachémite a pu garantir la stabilité du Royaume durant le Printemps arabe et les tentatives de déstabilisation interne et externe du pays comme en 2021 lors de la tentative de putsch contre le roi Abdallah II.

Les dynasties arabes présentent comme caractère commun la légitimité, d’être issues de la descendance du prophète. Ces dynasties sont une véritable source de stabilité pour ces états et permettent une stabilité religieuse et ethnique des différentes régions qui composent le monde arabe.

Adrien Hurtado

[1] Les terres arabisées étant les terres ayant connu un phénomène d’adoption de la langue arabe par la domination – A la manière des Mozarabes, catholiques ayant refusé la conversion  en Al Andalus mais ayant adopté la langue arabe

[2] Les Quraychites est la tribu de naissance de Muhammad

[3] Mahomet a eu quatre filles : Fatima Zahra, Zaynab, Ruqqyaya et oumm Koulthoum

[4] Fils de Fatima

[5] Son fils, Ismaïl Ben Chérif deviendra le Roi Bâtisseur en fondant le palais de Meknès

[6] Libération – 8 mai 1996 – Un jury de thèse «royal» pour le prince héritier du Maroc  « mention très honorable »  pour S.A.R. Sidi Mohammed qui a soutenu un doctorat en droit, en 1993 à Nice

[7] Article  41 de la constitution du Maroc de 2011 – « Le Roi, Amir Al Mouminine, veille au respect de l’Islam. Il est le  Garant du libre exercice des cultes. »

[8] Les Chleuh, les amazigh des Oasis, les Rifains, le Sahara et le Front Polisario

[9 Le préambule de la constitution de 2011 mentionne « Le  Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique,  amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen » démontre l’unité Royale dans la diversité Marocaine

[10] Le Monde – 5 juillet 1956 – Tindouf, Colomb-Béchar et la Mauritanie font partie du « grand Maroc » que veut réaliser Si Allal El Fassi

[11 Le point – 20 avril 2011 – Le prince héritier prêt à jouer un rôle dans la transition démocratique

[12] Les  clefs du Moyen Orient – 9 octobre 2020 – L’ethnie Toubou à l’heure de la révolution. Les Toubous dans le conflit libyen        (4/5). Les affrontements inter-ethniques : Toubous vs/tribus   arabes

[13] Fils de Hussein Ben Ali

[14] Constitution 1er janvier 1952 – Article I : Le Royaume hachémite de Jordanie est un État arabe, souverain et indépendant. Il est indivisible et inaliénable et nulle partie de son territoire ne peut être cédée. Le peuple de Jordanie est une partie de la nation arabe,  et son système de gouvernement est parlementaire avec une monarchie héréditaire.

[15] Article 1 de la constitution du 1er Mars 1992 d’Arabie Saoudite