Dans un entretien accordé le 5 mars dernier à l’hebdomadaire « Libertatea », le principal quotidien de la minorité nationale roumaine en Serbie, le prince Alexandre Karageorgévitch est revenu brièvement sur la question de la restauration de la monarchie et l’influence de la famille royale dans son pays depuis la chute du régime communiste.
Avec la chute du mur de Berlin en 1989, les régimes communistes tombent les uns après les autres comme un château de carte. Pour les familles royales des Balkans, c’est l’occasion de revenir sur le devant de la scène et devenir des alternatives aux dictatures prosoviétiques qui tentent de se maintenir au pouvoir en changeant leurs oripeaux idéologiques. La Yougoslavie (« Terre des Slaves du Sud ») ne fait pas exception. Né en exil en 1945, le prince Alexandre Karageorgévitch n’a que quatre mois quand son père, Pierre II, apprend qu’il a été destitué. La résistance royaliste a été laminée et tout espoir de retour semble perdu. Le prince Alexandre va pourtant assumer sa charge d’héritier à la couronne tout au long des cinq décennies qui vont s’écouler. Déclarations sur déclarations, il tente d’attirer l’œil des nations libres sur la réalité du régime du maréchal Tito traité avec une certaine bienveillance par l’Europe de l’Ouest. En 1991, le colosse aux pieds d’argile s’effrite et avec ses enfants. Le descendant du fondateur de l’état serbe peut enfin fouler le pied de la Yougoslavie, acclamés par des milliers de personnes venus l’écouter.
Prêt à assumer sa position si les serbes le souhaitent
Revenu définitivement dans son pays en 2001, le prince Alexandre, 76 ans, vit désormais avec son seconde épouse, Katherine, au Palais royal de Belgrade. Ensemble, ils ont créé une fondation qui verse dans l’humanitaire et le caritatif. Des tonnes de produits divers ont été distribués aux familles victimes de la guerre civile . Un conflit fratricide qui a plongé la Yougoslavie dans une tragédie sanglante de dix ans et qui a accouché du démembrement de la Yougoslavie en plusieurs républiques indépendantes. Des bureaux ont même été ouverts à l’étranger, preuve du succès rencontré et des besoins réels de ses compatriotes. Notamment au Kosovo qu’il considère comme le berceau historique de la nation. L’héritier de la couronne serbe n’en oublie pas pour autant son rôle de prétendant au trône et a fait sienne la devise de sa famille, « Du peuple, pour le peuple ». Il est aidé dans sa tâche par un Conseil de la Couronne dirigé Predrag Markovic, l’ancien président du parlement, l’église orthodoxe et deux mouvements monarchistes : le Mouvement du Renouveau serbe (qui a longtemps été le principal parti d’opposition, comptant des ministres au gouvernement et conservant quelques élus au parlement) et le Mouvement pour la restauration du royaume de Serbie (aujourd’hui noyé dans ses divisions internes) avec lesquels il entretient des rapports amicaux. « Je suis prêt à assumer la position qui est la mienne, chef de la maison royale, mais seulement si tel est le souhait du peuple de Serbie » affirme le prince Alexandre de Serbie au quotidien « Libertatea » venu lui poser des questions sur le principe qu’il incarne.
Alexandre de Serbie souhaite un débat sur la question de la monarchie
Sur la question monarchique en Serbie, les chiffres varient d’un sondage à l’autre. On estime en moyenne que 30 à 40% des serbes seraient favorables la restauration de l’institution royale. Il plaide pour un débat. « En raison des décennies de propagande négative contre ma famille et tout ce qui avait le moindre lien avec la monarchie, c’est un sujet qui nécessite des discussions sérieuses et approfondies, car le peuple de Serbie mérite d’entendre tous les faits, comprendre les avantages de la monarchie parlementaire constitutionnelle » explique le fils du roi Pierre II. « Ecouter les arguments des deux côtés permettront à chacun de se faire un avis sur cette question » poursuit le prince Alexandre II. « Je tiens à souligner que ce système s’est avéré très bon et efficace dans de nombreux pays – il suffit de regarder les monarchies modernes, le Royaume de Norvège, la Suède, la Grande-Bretagne, le Japon, le Canada et bien d’autres. Ce sont tous des pays avec des niveaux élevés de démocratie, de droits de l’homme et de libertés, de justice sociale… je pense que cela pourrait également être bénéfique pour la Serbie » reste persuadé ce tout jeune grand-père.
La monarchie, un modèle institutionnel et patriotique selon cet héritier au trône
Il évite de prendre position et sort rarement de sa neutralité. « Le monarque dans une monarchie parlementaire constitutionnelle est le garant de la démocratie, de la continuité, de la stabilité et de l’unité. Il est là pour chaque citoyen, quelle que soit son affiliation politique, religieuse ou autre. Sa position doit rester neutre et il doit être au-dessus des partis » continue le prince Alexandre, véritable VRP de son héritage. Et de son pays dont il entend réhabiliter l’image à l’international. « Notre pays et notre peuple ont fait l’objet d’une mauvaise publicité, ce qui m’a longtemps affecté. Nous avons vraiment beaucoup de gens bons et talentueux, qui ont tant contribué non seulement au développement de notre pays mais au monde entier. La Serbie est un si beau pays, et tout le monde sur la planète doit le savoir » affirme le prince Alexandre très enthousiaste. Il entend se placer dans les pas de celui dont il porte le prénom et qui fut le premier roi de Yougoslavie au lendemain de la Première guerre mondiale. « Une figure héroïque d’une stature imposante, à la fois le Washington et le Lincoln de Yougoslavie » rappelle le prince Alexandre qui souhaiterait que le monarque devienne une référence pour ses compatriotes. Témoin des grands bouleversements du XXème siècle, Alexandre Ier fut le souverain d’une nation hétéroclite et dont le destin s’arrêtera brutalement un matin de 1934, à Marseille. « Il rêvait de créer un grand État dans les Balkans qui ne dépendrait d’aucune volonté étrangère, c’était un grand amoureux des arts et un mécène pour notre artisanat national » laisse-t-il échapper.
Un amour de la patrie assumé qui se confond avec celui de sa famille dont le blason orne fièrement les murs des bâtiments administratifs de la république de Serbie. « Nous sommes la dynastie du peuple, l’une des rares familles royales issues du peuple, et qui ne pourra jamais ou ne perdra jamais ce lien spécial que nous avons avec notre pays et notre nation » résume simplement celui qui aurait pu être le roi Alexandre II de Yougoslavie si les affres de l’Histoire n’en avaient pas décidé autrement.
Frederic de Natal