Ce 20 janvier 1793, il fait un froid glacial à Paris. Dans la prison du Temple, Louis XVI attend que la Convention se prononce sur son sort après un procès tumultueux. Vers deux heures de l’après-midi, une délégation se présente à lui afin de rendre compte du verdict final qui a été prononcé par les élus de la Nation. Il remarque les larmes qui s’écoulent des joues de son avocat, Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes. Le roi de France, dont l’infortune a secoué toutes les Cours d’Europe, a compris, avant même la lecture du document officiel, qu’il a été condamné à la guillotine. La Revue Dynastie vous propose de revivre le récit des dernières heures de Louis XVI, extrait du « Moniteur universel ».

« Je m’attendais à ce que vos larmes m’apprennent ; remettez-vous, mon cher Malesherbes ». Louis XVI reste impassible lorsqu’il apprend qu’il a été condamné à mort par la Convention, pressé de se débarrasser d’un monarque dont pourtant personne ne voulait réellement la chute en août 1792. Il console son avocat, la scène semble surréaliste. La délégation qui est en face de lui mesure l’importance historique du moment. La sentence est exécutable sous 24 heures, il a peu de temps pour se préparer, la Convention lui a refusé un délai de trois jours supplémentaires. « A peine lui avait-on signifié la proclamation du Conseil exécutif provisoire relative à son supplice qu’il demande à parler à sa famille » écrit dans ses colonnes le « Moniteur universel ».  « Les commissaires lui ayant montré leur embarras, lui proposent de faire venir sa famille dans son appartement, ce qu’il accepta. Sa femme [Marie-Antoinette d’Autriche-ndlr], ses enfants [Louis-Charles et Marie-Thérèse], et sa sœur [Elizabeth de France] vinrent le voir » poursuit le journal officiel de la République. Une entrevue de deux heures et demie, une « conversation chaude » sous le regard des gardes, bonnets phrygiens sur la tête. Les derniers moments d’un mari, le plus fidèle qu’il eut été de donner, profondément amoureux d’une femme à qui on avait reproché tous les malheurs de France. Il les presse contre son cœur, les pleurs redoublent.

Louis XVI en costume de sacre (droite)huile sur toile d’Antoine-François Callet (1779). Caricature du roi sous la Révolution française @Dynastie

Louis XVI impose encore sa majesté dans les derniers moments de sa vie

Louis XVI avait voulu réformer son royaume, conscient du mécontentement grandissant de ses sujets. Loin des caricatures habituellement distillées, « il avait une conscience exacte de son devoir » rappelle d’ailleurs le prince Sixte-Henri de Bourbon-Parme. « Son drame est peut-être d’avoir été trop modeste » poursuit ce descendant de Louis XIV. Dans sa prison, le roi a décidé de lire un ouvrage sur le règne de Charles Ier. Il n’aura pas le temps de l’achever. Sans doute a-t-il une pensée pour ce souverain britannique à qui on a décollé la tête un jour de janvier 1649 ? Pour son dernier repas, on a décidé de lui retirer son couteau, craignant qu’il ne s’ouvre les veines. Couper un morceau de viande avec une cuillère, voilà quelque chose qui lui paraît aussi saugrenu que futile. A son fils, qui va devenir dans quelques heures, le nouveau roi de France, il dit : « Apprenez par les malheurs de votre père à ne pas vous venger de sa mort ».  Le matin de sa mort, il demande la permission de se couper les cheveux avec des ciseaux. On le lui refuse. Louis XVI s’énerve et assène au garde interloqué : « Me croirait-on assez lâche pour me détruire ? ».  Il impose encore sa majesté dans les derniers moments de sa vie.

Les adieux de Louis XVI à sa famille

Louis Capet face à son destin

« Le commandant-général [Antoine-Joseph Santerre-ndlr] et les commissaires de la commune sont montés à huit heures et demie du matin dans l’appartement où était Louis Capet. Le commandant lui a signifié l’ordre qu’il venait de recevoir pour le conduire au supplice : Louis a demandé trois minutes pour parler à son confesseur [Abbé Edgeworth de Firmont-ndlr], ce qui lui a été accordé » rapporte le « Moniteur universel ». Un journal qui entend rester objectif. Rien n’échappe à l’œil du journaliste. Après avoir prié, genoux à terre, Louis XVI demande que Cléry, son valet de chambre qui a dormi auprès de lui sur une chaise, soit placé « auprès de la reine ». Avant de se reprendre : « auprès de ma femme ».  « Il a été répondu à Louis que l’on rendrait compte au Conseil de ce qu’il demandait ».  Le roi sourit et jette un dernier regard autour de lui. Il n’a pas souhaité revoir Marie-Antoinette dont la chevelure blonde a laissé place à une couleur grise. Elle n’a que 37 ans, lui un an de plus. Le temps de l’insouciance à Versailles est désormais loin pour le couple, « trop jeunes pour régner » lorsque Louis XV meurt en 1774. Il n’y a plus aujourd’hui que Louis Capet et l’Autrichienne.

Le roi a perdu la tête

Il est 10 heures 22, la tête du roi vient de rouler dans le panier

« Louis a traversé à pied la première cour ; dans la seconde, il est monté dans une voiture où était son confesseur et deux officiers de gendarmerie. (…) il est arrivé à dix heures dix minutes à la place de la révolution (actuelle Concorde). C’est ici que l’échafaud a été installé l’échafaud installé entre les Champs-Élysées et le piédestal de la statue de Louis XV que l’on a promptement déboulonnée. Il s’est déshabillé, est monté d’un pas assuré et se portant vers l’extrémité gauche de l’échafaud, il a dit d’une voix assez ferme : « Français, je meurs innocent. Je pardonne à tous mes ennemis et souhaite que ma mort soit utile au peuple ». Il paraissait vouloir parler encore.  « Le commandant général ordonne à l’exécuteur [Charles-Henri Sanson-ndlr] de faire son devoir » raconte le « Moniteur universel ». Les tambours couvrent sa voix. Il est placé sur la planche de la guillotine. La lame s’abat d’un coup. Il est 10 heures 22, la tête du roi vient de rouler dans le panier « sous la clameur générale » assure le journaliste qui se félicite quand même que la « tranquillité publique n’a pas été troublée ».  La République avait éventé un complot visant à libérer le roi quelques heures auparavant.

« Cet homme qui manqua de la force nécessaire pour préserver son pouvoir, et fit douter de son courage tant qu’il en eût besoin pour repousser ses ennemis ; cet homme dont l’esprit naturellement timide ne sut ni croire à ses propres idées, ni même adopter celles d’un autre, s’est montré tout à fait capable de la plus étonnante des résolutions, celle de souffrir et de mourir » devait écrire cyniquement Madame de Staël à propos de ces événements (1838). Une exécution qui reste encore un traumatisme ancré dans le subconscient des français depuis des générations.

Frederic de Natal