L’annonce de la candidature aux prochaines élections législatives du prince Amaury de Bourbon-Parme a généré des avis contrastés sur les réseaux sociaux. Pourtant, ce n’est pas la première fois qu’un Capétien se présente à un scrutin électoral. Entre succès et défaites, la Revue Dynastie revient sur l’histoire de ces Bourbons qui ont été élus ou tentés par le suffrage populaire.
Le 12 juin prochain, les Français sont appelés à renouveler leurs députés présents à l’Assemblée nationale. Un scrutin dont l’enjeu est important puisqu’il détermine la politique gouvernementale des cinq prochaines années. Parmi les 577 candidats, un descendant de Louis XIV qui se présente dans la deuxième circonscription de l’Orne (Normandie). Fils du prince Charles-Emmanuel de Bourbon-Parme, dont les racines généalogiques plongent à la fois en France et en Italie, le prince Amaury (31 ans) suit les pas de certains Capétiens qui n’ont pas hésité à s’engager politiquement et à se présenter au-devant de leurs concitoyens pour obtenir leurs votes.
La faction d’Orléans
Le site de l’Assemblée nationale répertorie toutes les personnes qui ont eu l’honneur de siéger au Palais Bourbon. Celui porte bien son nom puisque parmi la liste de députés, on y trouve quelques membres de cette maison royale que le destin a porté sur le trône avec l’avènement d’Henri IV. Aux états généraux de mai 1789, parmi la noblesse, un certain duc d’Orléans élu par ses alter-égos du bailliage de Crépy-en-Valois, sans s’être présenté. Louis-Philippe d’Orléans est le cousin de Louis XVI. Piètre militaire, ses rapports avec le roi ont toujours été assez houleux. Il ne fait d’ailleurs pas mystère de son hostilité à la Cour et au régime, n’hésitant pas à prendre le parti du Parlement contre le monarque qui le chasse brièvement de Versailles. Lorsque la Révolution française éclate, ce prince de Sang, franc-maçon à ses heures, va prendre la tête de ce que l’histoire va retenir sous le nom de « faction d’Orléans ». A la tête des 47 députés de la noblesse qui vont se positionner en faveur du Tiers-état et qui rejoignent les rangs de la nouvelle Assemblée Constituante formée en juin suivant, on le porte même à la tête de ce nouveau Parlement, véritable fronde ouverte contre la monarchie absolue. Un poste qu’il tiendra 24 heures avant de le refuser. Louis-Philippe d’Orléans est au sommet de sa popularité et ne cache pas ses ambitions de monter sur le trône à défaut d’obtenir un poste de régent. La fuite à Varennes de Louis XVI le contraint à revoir ses plans et dans une lettre datée du 28 juin 1791, il annonce renoncer à la Lieutenance-générale.
Le duc d’Orléans vote la mort de Louis XVI
La monarchie déchue en août 1792, son cousin et sa famille à la Conciergerie, Le duc d’Orléans est élu député de la Seine, siégeant aux côtés des Montagnards. Lors du procès de Louis XVI se tient à l’écart des discussions passionnées. Pas une fois, il ne prendra la parole. Lorsque vient l’heure de voter la mort de son cousin, Louis-Philippe d’Orléans (qui se fait désormais appeler Philippe Égalité) est pris de doutes. Il est naturellement convaincu de la culpabilité contre-révolutionnaire de Louis XVI mais se refuse à entacher sa branche d’un sang indélébile pour les générations suivantes. Il songe à s’abstenir mais ne veut pas être le seul à ne pas siéger à la Convention. Très rapidement, il va faire l’objet d’un lobby tant par les Girondins qui se méfient de cet ambitieux, tant par les Montagnards qui le poussent à venir déposer son vote au risque de passer pour un « lâche ». Tour à tour, les députés sont appelés par le nom de leur députation afin de se prononcer sur le sort de l’infortuné Bourbon. Il n’est ni le premier, ni le dernier. Le 14 janvier 1793, devant une assemblée qui retient son souffle, Philippe Égalité lâche alors : « Uniquement occupé de mon devoir, convaincu que ceux qui ont attenté ou attenteraient par la suite à la souveraineté du peuple méritent la mort, je vote la mort ». Une partie de l’Assemblée ne peut s’empêcher de murmurer son indignation.
Un député rongé par le remord
Pourtant loin de l’histoire officielle, Louis-Philippe d’Orléans est pris de remords toute la soirée. A un de ses fils, le duc Antoine de Montpensier, qui a tout fait pour le convaincre de s’abstenir, il décide de se confier : « Je ne conçois plus comment j’ai pu être entraîné à ce que j’ai fait », avouant « qu’une fois assis sur son banc, il a été tellement entouré, obsédé, assailli, menacé qu’il n’a plus su ce qu’il faisait ». Il ne votera pas pour autant le sursis à l’exécution du roi mis au vote 5 jours plus tard. Premier Bourbon à siéger officiellement dans une Assemblée populaire, ce sont ces mêmes élus qui vont envoyer le duc d’Orléans en prison, en avril 1793. Accusé d’avoir orchestré un coup d’état afin de ramener la monarchie pour lui-même, sans que le Tribunal révolutionnaire présidé par Martial Herman ait été en mesure de fournir la moindre preuve de son implication, il est condamné à être guillotiné en novembre 1793, prélude au régime de Terreur bientôt mis en place par les Montagnards.
Les Bourbons au Palais Bourbon
Si les membres de la famille royale siégeaient de facto à la Chambre des Pairs, il faut attendre la fin du Second empire pour retrouver des Bourbons à l’Assemblée nationale. En 1871, les monarchistes dominent une République née dans l’illégalité d’une prise de pouvoir et dans le sang des communards. Les fils de Louis-Philippe d’Orléans, dernier roi des Français, sont revenus d’exil et comptent bien porter la voix de leur famille alors que semble sonner l’heure de la restauration de la monarchie. On aperçoit sur les bancs du parlement, François d’Orléans, député de la Seine, strapontin qu’il va détenir de 1871 à 1876, et dont le nom a été avancé pour succéder à Louis-Napoléon, président de la Seconde République, avant que ce dernier ne se décide à faire son coup d’état en 1852. Il y a aussi son frère Henri d’Orléans, duc d’Aumale, député de l’Oise entre 1871 et 1876 avant d’occuper la présidence du Conseil général de cette même région. Le duc d’Aumale est le plus impliqué des Orléans dans la tentative de restauration de la monarchie. En 1874, son nom est même cité pour assurer l’intérim du premier Septennat avant que son nom soit récusé, possiblement une rumeur. Son amitié avec Léon Gambetta rend méfiant une partie de la majorité royaliste (les légitimistes ayant fait échouer son accession à la présidence de 1871 après la démission d’Alphonse Thiers) et bonapartiste qui refuse de le soutenir. La loi d’exil en 1886 met fin à cette expérience politique en demi-teinte de cette branche Bourbon.
La tentation du suffrage universel
Un autre chapitre va s’ouvrir avec la deuxième génération suivante qui entend participer au jeu électoral. Henri d’Orléans (1908-1999) est celui qui va être le plus actif politiquement durant toute une partie du XXème siècle. Avec l’abrogation de la loi d’exil en 1951, le comte de Paris songe à se présenter à l’élection présidentielle de 1965 comme successeur du général de Gaulle qu’il a rallié pendant la Seconde Guerre mondiale après avoir longtemps tergiversé. C’est la première fois que les Français vont voter au suffrage universel. Il s’entoure d’une équipe, persuadé que l’homme de la résistance va l’adouber. « Même s’il échoue la première fois, ce sera une expérience utile » aurait déclaré le général de Gaulle à son entourage dont certains ministres ne cachent pas leur animosité à cette candidature. Le quotidien L’Express va même jusqu’à titrer en couverture : « Le successeur. Pourquoi de Gaulle a choisi le comte de Paris ». Tous les feux sont au vert. Reste à obtenir la présidence de la Croix-Rouge (qui a été occupé par Jacques de Bourbon-Busset entre 1944 et 1945, le même qui sera Maire de Ballancourt-sur-Essonne de 1956 à 1965. Un mandat également occupé par son fils Charles élu entre 1998 et 2014, poste cumulé avec celui de Président de la Communauté des communes du Val d’Essonne entre 2002 et 2004), tremplin par excellence vers la présidence. Henri d’Orléans à un projet simple. Une fois élu, une fois son septennat terminé, il demandera aux français de se prononcer sur le rétablissement de la monarchie. Le prétendant au trône n’arrivera pourtant pas à obtenir la Croix-Rouge. De Gaulle se représentera, le comte de Paris cessera progressivement de faire de la politique et ne tentera jamais de se faire élire député. Fin d’une parenthèse.
Elle s’est réouverte très timidement dans les premières décennies du nouveau millénaire. Le prince Henri d’Orléans (1933-2019), prétendant au trône de France, songe à se présenter à une élection présidentielle. Il le fait savoir lors d’une interview accordée au magazine Point de vue en 2005, où il définit les grandes lignes de ce que serait son programme et qu’il entend décrire dans un livre blanc. Un an auparavant, son fils, le prince Jean d’Orléans, s’était lui-même livré à cet exercice dans un livre à succès, pour le plus grand plaisir de ses partisans, suscitant un grand nombre d’espoirs sur une éventuelle candidature locale ou nationale de sa part. Le comte de Paris ne se présentera pas, faute de soutiens probants. Voir moins grand a été le crédo du prince Charles-Philippe d’Orléans. Cousin du prince Jean, il se présente à l’élection législative des Français de l’étranger en 2012. Les résultats ne sont pas à la hauteur espérée mais font leur petit buzz du moment. Il s’en sort avec 3% des suffrages exprimés, 7ème sur 13 candidats dans cette circonscription. Reste donc au prince Amaury de Bourbon-Parme, candidat à la députation, d’écrire désormais le prochain chapitre électoral de la Maison Bourbon et d’être à la hauteur de ses prédécesseurs sur ce terrain incertain qu’est le suffrage universel.
Frederic de Natal