Ses récentes déclarations ont profondément divisé les belges. Née princesse royale, Marie-Esméralda de Belgique a demandé que l’on déboulonne les statues du Roi Léopold II, le roi bâtisseur, pourtant son arrière-grand-oncle. Se faisant appeler Esméralda de Réthy, du nom de sa défunte mère, elle n’hésite pas à prendre des positions pour le moins inattendues pour un membre d’une dynastie royale qui dirige la Belgique depuis 1831. Portrait d’une princesse rebelle qui voit rouge et qui n’hésite pas à le faire savoir.
Née princesse de Belgique
(Marie-) Esméralda de Belgique est la fille de la princesse Lilian de Réthy et du roi Léopold III . Elle a grandi dans une atmosphère difficile. Le 16 juillet 1955, son père le roi des Belges a du abdiquer au profit de son fils Baudouin. Malgré les conclusions favorables d’une commission d’enquête et un référendum lui accordant à 53% le droit de revenir en Belgique, une partie de la population avait réclamé son départ. Les belges lui reprochait une attitude « trouble » pendant la Seconde guerre mondiale et son mariage secret avec une flamande (1941) dont le père avait collaboré avec l’occupant. Nul n’avait oublié la première épouse du toi Léopold III, la très populaire reine Astrid qui avait a perdu la vie en 1935 dans un accident de voiture en Suisse. Ce premier mariage avait donné au souverain trois enfants : Baudoin, qui succède à Léopold, Albert II qui succèdera lui-même à son frère sur le trône en 1993 et Joséphine-Charlotte qui deviendra Grande-Duchesse du Luxembourg après avoir épousé en 1953 le Grand-Duc héritier Jean de Nassau. Ce second mariage donnera d’ailleurs trois autres enfants : Alexandre en 1942, Marie-Christine en 1951 et Marie-Esméralda, née le 30 septembre 1956 au château de Laeken.
La polémique ne cessant d’enfler, le gouvernement décide en 1960 d’attribuer au couple déchu, le château d’Argenteuil. Derrière le prétexte invoqué, une autre raison. Il s’agit pour le gouvernement de sortir le roi Baudouin de l’influence de son père. De cette époque, la princesse Marie-Esméralda dira plus tard de son père qu’elle ne l’a « jamais connu amer ». Léopold profitera de sa retraite pour voyager, l’une de ses grandes passions, avant de décéder en 1983.
A l’âge de 22 ans, elle quitte la Belgique vers Paris et se lance dans le journalisme, signant ses articles Esméralda de Réthy, du titre de sa mère. « Je voulais faire mon métier de journaliste, je ne voulais pas qu’on dise : elle est arrivée là grâce à son nom. Assez naïvement peut-être. » explique-t-elle à ceux qui s’interroge sur son choix. Puis vient le temps des amours. Le 5 avril 1998, Esméralda épouse, à Londres, le scientifique Salvador Moncada. Ensemble, ils ont eu deux enfants : Alexandra, née en 1998 et Leopoldo né en 2001.
Princesse engagée
La princesse perd sa mère en 2002. Alors que Marie-Esméralda et son frère le Prince Alexandre tentent de transformer le château d’Argenteuil, lieu de résidence de leurs parents, en un lieu célébrant leur mémoire, le gouvernement belge décidé d’intervenir et récupère le château pour le mettre en vente. Une humiliation pour la princesse Esméralda. C’est finalement le scientifique Jean-Marie Delwart qui rachètera le château pour y installer sa fondation consacrée à l’observation du comportement des espèces animales.
Elle publie, en 2001 et 2006, deux livres sur Léopold III, recueil de souvenirs personnels et d’éléments biographiques. Mais son dada, c’est la question environnementale. Elle préside depuis 1983, le Fond Leopold III pour l’exploration et la préservation de la Nature. En 2010 parait son livre Terre, dans lequel la princesse y donne la parole à des personnalités comme Mikhaïl Gorbatchev, Mario Vargas Llosa, le chef Ferran Adria… qu’elle rencontre personnellement, en usant, cette fois, de son prestigieux nom. Tous y montrent l’urgence de protéger la planète. Ses positions se radicalisent. En octobre 2019, elle fait les titres des principales manchettes de la presse britannique. Participant à une manifestation du mouvement « Extinction Rébellion », elle est arrêtée par la police. Une première pour un membre de la Maison royale belge. Relâchée sans poursuite quelques heures après, elle a profité de l’exposition médiatique donnée par cette mésaventure pour appeler le roi Philippe à prendre publiquement position en faveur de l’urgence climatique.
Princesse engagée, Esméralda l’est tout autant dans le domaine de la protection des tribus indigènes d’Amazonie. Lors de la COP21 a Paris puis de la COP26 à Marrakech, elle s’est apparue aux côtés de chef locaux pour la défense de la forêt Amazonienne. C’est aussi à ce titre qu’elle a rencontré le Saint-Père, le Pape François, lors d’une audience privée au Vatican, en 2016, afin de l’alerter sur le sort de ces populations menacées par la déforestation. Plus récemment, début 2021, elle a participé, avec d’autres personnalité parmi lesquelles, Nicolas Hulot ou Pierre Richard, à l’émission Protégeons l’Amazonie diffusée en live sur EarthXtv. Une dévotion qui n’a rien d’étonnant puisque la princesse s’inscrit dans les pas de son père qui avait très tôt compris l’intérêt de préserver ce poumon vert de la planète.
Favorable au déboulonnage des statues de Léopold II
Ces derniers mois, elle a pris une position très inattendue mais conforme à ses combats. Dans un édito publié le 1er janvier 2022, dans le magazine anglophone bruxellois Brussels Times, elle est sortie de la légendaire réserve imposée aux membres de la maison de Saxe-Cobourg-Gotha. Elle a exigé que des actions concrètes soient réellement mises en place en Belgique concernant le passé colonial du pays, notamment le déboulonnage des statues de Léopold II qui rappellent les heures controversées du Congo belge, propriété personnelle du souverain. Ce n’est pas la première fois que la princesse Esméralda prend une telle posture face au passé colonial de son pays. En 2020, elle s’était déjà confiée à la RTBF, indiquant « qu’il est très important qu’on évoque le problème des excuses ». Le 30 juin 2020, à l’occasion des soixante ans de l’indépendance de la République démocratique du Congo, le roi Philippe avait adressé une lettre au président congolais à travers laquelle il exprimait ses « plus profonds regrets » concernant l’époque coloniale. On est pourtant loin cette influence que certains ont cru voir alors qu’il n’en est rien même si les relations avec son neveu sont excellentes.
Cette fois, c’est un combat plus contesté et clivant que porte la princesse rebelle : « J’estime que j’ai une grande responsabilité en rejoignant le nombre grandissant de Belges qui brisent le tabou. La colère envers les statues est indiscutable » . Sa prise de position n’a pas manqué de faire la une de la presse locale dans un royaume secoué par des manifestations organisées par le Black Lives Matter ( « La vie des noirs compte » ). Princesse atypique, écolo, antiraciste, qui porte des combats parfois inattendus, voir clivants, auxquels son statut donne une visibilité médiatique particulière. A 65 ans, Esméralda de Belgique n’est pas prête de rentrer dans le rang.
Arnaud Gabardos