C’est une découverte historique. Dans le temple jésuite de San Francisco Javier, situé dans le centre de la ville de Puebla, des archéologues ont trouvé huit sépultures, avec au moins 20 individus enterrés à l’intérieur. Selon ces chercheurs, ils s’agiraient de soldats tués lors des violents affrontements entre mexicains de Benito Juarez et français de Napoléon III en 1862. Une bataille dont la date est devenue une fête nationale, synonyme de résistance au Mexique et aux États-Unis.

C’est une découverte qui devrait galvaniser le sentiment national mexicain. Dans le centre historique de la ville de Puebla, des archéologues de l’Institut national d’anthropologie et d’histoire (INAH) viennent de découvrir 8 sépultures abritant une vingtaine de personnes, toutes décédées durant le siège de Puebla. Une bataille devenue une fête nationale optionnelle dans l’État du même nom y compris aux États-Unis depuis 2005, date à laquelle le Congrès américain a voté une loi officielle reconnaissant « la lutte du peuple mexicain pour son indépendance ». Le « Cinco de Mayo » (ou « Día de la Batalla de Puebla ») symbolise pour beaucoup de mexicains, leur esprit de résistance face l’occupant français.

Napoléon III, Maximilien Ier et Benito Juarez @Dynastie/Commonswiki

 

Napoléon III et ses rêves d’empire mexicain

Lorsque le corps expéditionnaire français débarque au Mexique en 1862, il découvre un pays en proie à l’anarchie sociale. Depuis la proclamation de son indépendance, 40 ans auparavant, le pays a connu tour à tour un premier empire, une république constellée de putschs, de nombreux dictateurs, deux guerres de sécession et son lot d’aventuriers loufoques (comme un certain Gaston Ier, comte de Raousset-Boulbon). Un état divisé politiquement qui n’arrive plus à payer ses dettes, prétexte trouvé pour cette intervention militaire décidée par Napoléon III. Dans la réalité, le neveu de Napoléon Ier a été approché par des conservateurs mexicains venus à Paris plaider leur cause et qui ont dépeint un tableau angélique de la situation à l’empereur de France. Pour la délégation mexicaine, il s’agit de mettre en place une monarchie catholique qui contrebalancerait l’influence grandissante (protestante) des États-Unis voisins. Pour Napoléon III, bien que dubitatif, l’occasion rêvée de créer un empire catholique en Amérique centrale et d’apporter une aide discrète à la jeune Confédération sécessioniste du Sud. Poussé par femme, la princesse Charlotte de Belgique qui rêve d’une couronne, c’est l’archiduc Maximilien de Habsbourg-Lorraine qui sera choisi pour occuper le trône vacant d’Agustín Ier de Iturbide y Arámburu, héros de la guerre d’indépendance et éphémère souverain exécuté en 1823.

Bataille de Puebla (1862) @Dynastie/Commonswiki/INAH

« L’une des batailles les plus glorieuses de l’histoire de la Patrie »

Personne n’a vraiment consulté les Mexicains, pris au piège des querelles politiciennes et ethniques. Si les Français parviennent à rallier britanniques et espagnols à cette expédition, le président Benito Juarez parvient à casser très rapidement cette alliance qui laisse la France (et les belges) face à son destin sur cette terre rougie par le sang des guerres aztèques. La bataille de Puebla va rester dans les annales de l’expédition mexicaine. Elle est sur le chemin qui mène à Mexico, la capitale. Le 5 mai 1862, la ville est assiégée. Retranchés derrière les murs de la forteresse, les gouvernementaux vont repousser les Français. Les tirs nourris, les canons fauchent les rangs des soldats français qui tombent les uns après les autres. Près de 500 morts pour les français contre 80 tués côté mexicain. Une défaite retentissante qui pousse la France à envoyer 30 000 soldats de plus au Mexique (dont un bataillon de la Légion étrangère) et qui sera éclipsée par la victoire d’Orizaba. Un second siège de Puebla aura lieu en mai 1863, cette fois-ci avec plus de succès.

Une découverte historique 

Le Second empire mexicain aura pourtant une courte durée de vie. Jamais accepté, Maximilien Ier peinera à s’imposer dans un pays qui ne l’attendait pas. et dont la première nuit de règne se fera sur un billard improvisé en lit, dans un palais envahi par le vermine. Benito Juarez qui organise la guérilla, harcèle les troupes de Napoléon III et se fait reconnaitre par Washington. Acculé, avec la défaite de la Confédération, Napoléon III décide finalement de se retirer de cette expédition marquée par le sacrifice des légionnaires à Camerone et de laisser Maximilien face au miroir de son échec. Capturé, l’empereur est placé devant un peloton d’exécution en 1867 et son corps renvoyé en Autriche dans un état déplorable.  C’est un morceau de l’histoire de France qui subsiste encore aujourd’hui dans le temple de San Francisco Javier de Puebla. Outre des squelettes dont la nationalité reste à déterminer, les chercheurs ont également trouvé des boulets de canon, des boutons de vêtements fabriqués à partir d’os d’animaux, des semelles de chaussures, des épingles, des clous de cercueil, des fragments de bois et une croix en métal qu’une femme devait porter en collier à cette époque. Signes d’un siège éprouvant. « Il y a des restes d’une personne qui est probablement morte d’une blessure par balle, ainsi que certains éléments tels que des boutons et des balles qui peuvent commencer à nous donner des informations sur cette bataille, qui a eu lieu dans les rues de Puebla, converties en tranchées et ses maisons transformées en véritables bastions pour défendre la souveraineté de notre pays » a déclaré dans une interview au quotidien espagnol El Pais, le directeur de l’INAH de Puebla, Manuel Villaroel, dans un certain sentiment de fierté.

La plupart des restes correspondent à des adultes qui doivent avoir plus de 25 ans au moment du décès, mais il faudra toutefois attendre la conclusion des travaux de terrain et des analyses ADN pour trouver avec précision le sexe, l’âge et d’autres caractéristiques qui permettront d’identifier ces soldats, témoins ultimes de cette bataille, « l’une des plus glorieuses de l’histoire de la Patrie » indique les registres du Mexique. Un chapitre méconnu de notre histoire et pourtant indissociable de celle du Second empire, dernier régime monarchique français tombé en 1870.

Frederic de Natal