L’arrière-petit-fils du dernier roi de Saxe, Frédéric-Auguste III, est décédé ce 29 mars d’une crise cardiaque. Prétendant au trône de Saxe et de Pologne, le prince Rüdiger avait 68 ans.
« C’est avec une profonde tristesse que je dois annoncer que le prince Rüdiger le mardi 29 mars 2022. Il n’a pas survécu à une crise cardiaque dans sa résidence près de Moritzburg ». Hier soir, c’est par un communiqué cité par le magazine Bild que la Margravine-douairière Elimra de Saxe a annoncé le décès du prétendant au trône de Saxe et de Pologne.
Une enfance difficile
Né le 23 décembre 1953 à Mülheim, le prince Rüdiger a eu une enfance difficile. Blessé lors des bombardements de Dresde par les Alliés en 1945, son père, le prince Georg Timo (1923-1982), était devenu accro à la morphine. N’arrivant pas à garder un emploi en raison de son addiction (il a été tour à tour exportateur, interprète, chauffeur de camion, laveur de voitures, vendeur de meubles, de chaussures ou encore ouvrier du bâtiment), le couple qu’il formait avec Margrit Lucas (1932-1957) a rapidement battu de l’aile. Un mariage célébré en 1952 qui n’avait d’ailleurs pas fait l’unanimité au sein de la maison royale en raison de la condition sociale de la famille de la mariée- des bouchers- mais qui avait été décrit comme un « véritable conte de fées » par la presse allemande de l’époque comme le mentionne le Spiegel de l’époque. Ils divorcent alors que Margrit Lucas est enceinte pour la seconde fois. Le prince Rüdiger n’aura pas le temps de profiter de sa mère. Elle décède en 1957, deux ans après la naissance de sa sœur, la princesse Iris de Saxe.
Les enfants sont au cœur d’un conflit familial qui se gère devant les tribunaux. Ruiné, régulièrement ivre, ressassant ses traumatismes, le prince Georg Timo est placé sous tutelle, ses enfants confiés à la garde des grands-parents maternels qui avaient des propriétés en Irlande. Pis, son père perd bientôt son logement et devient un sans-abri afin d’échapper à ses créanciers. Sa famille est contrainte de l’envoyer en hôpital psychiatrique en 1958. 7 années d’internement avant que la tutelle ne puisse être levée. Le prince Rüdiger restera marqué à vie par cette série de scandales et qui va le diriger plus tard vers des études de psychologie. C’est lui qui hérite de la succession au trône de Saxe en 2012.
Duché et royaume
Duché constitué au XVème de siècle, sa famille obtient une couronne avec le trône de Pologne qu’elle va occuper de 1697 à 1763. Mais c’est grâce à Napoléon Ier qu’elle accède au statut royal en 1806 et au titre de grand-duc de Varsovie. La fidélité du roi Frédéric-Auguste Ier au Premier empire lui coutera la perte d’un tiers de ses états. en 1815 Alliée à l’Autriche, la défaite de Vienne lors de la guerre austro-prussienne de 1866 ne laisse pas le choix à la Saxe. Elle devra adhérer à la Confédération du Nord dirigée par la Prusse puis à l’empire allemand. Entre les Wettin et les Hohenzollern, une mésentente constante. D’ailleurs durant la Première guerre mondiale, le roi Frédéric-Auguste III de Saxe sera le seul monarque à n’obtenir aucun commandement militaire. Sur le million de saxons mobilisés, presque les trois-quarts ne reviendront pas. Un désastre pour la monarchie déjà menacée sur son flanc gauche par les sociaux-démocrates qui occupent la majorité des sièges de l’assemblée parlementaire du royaume.
Fin de la monarchie et résistance au nazisme
Avec la fin du conflit, le Reich s’effondre. La Saxe n’échappe pas à la tourmente révolutionnaire et le 8 novembre 1918, c’est l’insurrection. Les insurgés ne souhaitent pourtant pas exiler le souverain et pensent même le mettre à la tête de la République. Venus lui demander conseils afin de mener une transition en douceur, c’est une douche froide qui les accueille. Frédéric-Auguste III annonce aux révolutionnaires qu’il abdique et une fois le document signé, s’écrie : « Démerdez-vous tout seuls ! » (« Macht doch eiern Dreck alleene! »). Face à la montée du nazisme, la maison royale de Saxe sera l’une des rares voix à s’opposer à Adolf Hitler. Le prince Ernest de Saxe, grand-père de Rüdiger, est même pressenti pour le poste de Président du Reich dans une tentative des conservateurs de stopper l’accession au pouvoir du Führer. Ce sera un échec. Frédéric-Auguste III ne fait pas mystère de son rejet du national-socialisme mais acceptera de composer avec eux par haine communiste. Sans jamais adhérer à leurs idées. Un de ses petits-fils, Marie-Emmanuel, sera arrêté par la Gestapo (1943) pour avoir osé dénoncer les théories nazies dans une lettre alors qu’il n’a que 17 ans (il sera incarcéré durant 2 ans). Avec la fin de la Seconde guerre mondiale, la Saxe passe sous le giron des soviétiques qui s’empressent de piller le château royal et découvrent même par hasard le trésor royal enterré à la hâte par les Saxe en fuite. Il faudra attendre la réunification en 1990 pour que la maison royale puisse récupérer ce qui lui appartient.
Une couronne contestée
Père de trois enfants, le prince Rüdiger était entrepreneur forestier à succès mais aussi un prétendant contesté par une partie de sa famille. Le prince Alexandre de Saxe-Gessaphe (né en 1953), ancien conseiller d’état de Saxe (2003-2008) revendiquait également la couronne vacante, mettant en avant l’accord de 1997 qui le désignait comme souverain de jure de Saxe. Un document signé par procuration par les héritiers au trône dans des circonstances troubles et remis en question par le prince Albert (alors chef de la maison royale) peu avant son décès, désignant Rüdiger comme son seul légitime successeur. Une querelle dynastique qui a fait les beaux jours des tabloïds allemands. En 2015, les chefs de toutes les branches de la maison royale ont émis un document confirmant que Alexandre de Saxe-Gessaphe ne pouvait pas prétendre au trône.
Le nouveau prétendant au trône refuse la couronne de Pologne
Loin de cette bataille, le prince Daniel a déclaré que lui et sa famille étaient « très tristes et bouleversés ». « Notre père était une personne très chaleureuse et généreuse » a ajouté le nouveau prétendant au trône de 46 ans. Également prétendant à la couronne de Pologne, il a déclaré en 2017 qu’il n’entendait pas soutenir les royalistes polonais qui avançaient sa candidature. « Je ne m’imagine pas diriger un mouvement comme celui-ci, c ‘est une question très complexe et de toute façon je suis un démocrate » avait lâché le prince au quotidien TAG24 venu le questionner sur la résurgence monarchiste dans cette partie de l’Europe de l’Est. Il a également critiqué publiquement les Hohenzollern pour leurs demandes de restitution de leurs propriétés qu’ils trouvent « injustifiées ». Occupant actuellement un poste de conseiller municipal (CDU) dans la ville de Moritzburg, il est aussi le père de deux enfants (dont le prince Gero né en 2015). S’il existe une certaine nostalgie monarchiste en Saxe, elle reste actuellement mineure. Récemment, le prince Daniel a déposé plainte contre le mouvement d’extrême-droite Freies Sachsen (« Libérer la Saxe ») dirigé par un monarchiste controversé et qui utilise les armoiries de la maison royale comme symbole de parti. Le prétendant au trône a récusé tout lien avec ce mouvement politique, mentionnant au Tag24 le fait « qu’il ne reflétait pas ses valeurs ».
Frederic de Natal