Dom Bertrand d’Orléans-Bragance est certainement le plus français des princes brésiliens.  Depuis le décès de son frère aîné, Dom Luiz d’Orléans-Bragance, survenu le 15 juillet 2022, il est devenu pour ses partisans le nouvel « empereur de jure » du Brésil. Toutefois, le prétendant au trône impérial reste une figure controversée pour la majorité de ses compatriotes et une partie de la mouvance monarchiste qui lui reproche ses positions très conservatrices. La Revue Dynastie dresse son portrait. 

Dom Bertrand d’Orléans-Bragance est né en 1941 à Mandelieu-La-Napoule où sa famille s’était installée à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Il est le troisième fils du prince Dom Pedro-Henrique (1909-1981) et de la princesse Marie-Elisabeth de Wittelsbach (1914-2011), d’une fratrie qui va compter pas moins de 11 enfants. C’est dans le sud de la France qu’il passe une grande partie de son enfance avant de rentrer en 1945 au Brésil. Dans ses veines coulent le sang des Capétiens, le visage de deux maisons, celle des Bragance et des Orléans, qui ont décidé d’unir leur destin en 1864. Il a appris le français et d’ailleurs en garde un accent lorsqu’il parle le portugais, sa langue natale. Il va suivre les pas de son frère Luiz avec lequel il est très lié. Un passage au Collège Saint Ignace, il fait des études de droit à l’université de São Paulo dont il sort diplômé en 1964.

Dom Luiz et Dom Bertrand d Orleans-Bragance @dynastie/Facebook

Un activisme qui agace ses détracteurs

Avec la renonciation de son frère Eudes en 1966, qui a préféré l’amour à un hypothétique trône, Dom Bertrand devient l’héritier direct de son frère Luiz. Tout comme ce dernier, il a adhéré au mouvement Tradition, Famille et Propriété (TFP), fondé par l’historien Plinio Corrêa de Oliveira, censé « promouvoir dans l’opinion publique les valeurs fondamentales de la civilisation chrétienne qui forment sa devise, et de combattre la révolution culturelle athée, immorale et socialiste qui vise à les saper ». C’est un politique qui aime débattre notamment sur les questions internationales et religieuses. Son rejet de Vatican II le porte à porter la parole d’une vision très traditionnaliste du catholicisme (il a critiqué la politique menée par le Pape François à diverses reprises mais le reconnaît toutefois comme Pontife). Selon lui, religion et monarchie sont « les mêmes facettes distinctes et harmonieuses d’un même idéal » dont l’avènement serait salutaire au Brésil. Lors de la campagne en faveur de la monarchie en 1993, c’est sur ce thème qu’il va tenter de convaincre ses compatriotes de la nécessité de voter en faveur de la monarchie. Ce réserviste de l’armée de l’air ne ménagera pas sa peine, voyageant en France ou au Portugal afin de rencontrer les Brésiliens de la diaspora. Un activisme qui agace ses détracteurs au sein de la mouvance monarchiste déchirée par une dispute dynastique. Les plus libéraux reprochent au prince Vassouras, le nom de sa lignée, un prosélytisme anachronique dans une pays marqué par les idées progressistes. Des divisions au grand jour qui ne permettent pas aux monarchistes de rassembler assez de voix pour restaurer une institution renversée par un coup d’État en 1889.

Une vision traditionnaliste de la monarchie

Coordinateur et porte-parole du mouvement Paz no Campo (Paix dans les champs), il a pris plus d’une fois la défense des propriétaires terriens contre le mouvement des sans-abris et les indiens (il souhaite leur évangélisation). Il est d’ailleurs l’auteur d’un livre intitulé Psicose Ambientalista (Psychose Environnementaliste), qui dénonce les thèses sur le réchauffement climatique, « ces canulars créés par les écologistes radicaux et par les éco-terroristes ».  Il a été accusé de négationnisme à diverses reprises. Opposant au mariage homosexuel (il a participé aux rassemblements français de la Manif’ pour tous en 2013  et a déclaré lors d’une conférence organisée en 2017, qu’il voyait « l’homosexualité comme une déviance telle que la doctrine catholique le voit »), il est aussi favorable à ce que l’avortement soit rendu illégal quel que soient les raisons invoquées tout comme le divorce. A ce propos, peu de temps après le mariage du prince Harry et de l’actrice Meghan Markle en 2018, le prince a estimé « qu’en tant que catholique, il ne pouvait pas voir d’un bon œil le mariage d’une personne divorcée ». « Les Brésiliens se rendent compte que la monarchie est la solution naturelle aux problèmes du pays, car elle correspond mieux à la nature humaine et au bon ordre placé par Dieu. La mission du monarque dans cette conception est avant tout de stimuler les qualités de son peuple et d’inhiber les mauvaises tendances » affirme très christique Dom Bertrand lors d’une interview accordée à Herdeiros do Porvir (2021).

Un prétendant bolsonariste

Reçu à diverses reprises par des membres du gouvernement du Président Jair Bolsonaro, qu’il soutient (il a participé à une manifestation en sa faveur en septembre 2021, haranguant la foule, non sans générer du mécontentement au sein de la mouvance monarchiste libérale), le prince a pris position dans le débat racial qui agite régulièrement le Brésil depuis la fin de l’esclavage signée par son arrière-grand-mère, la Régente Isabelle de Bragance, prétexte de la chute de l’institution royale. « Si certains pays ont un problème, très violent, ici nous n’avons pas de problème racial. Ils essaient de créer ce problème racial, mais ils ne peuvent pas. […] Ici au Brésil, nous nous entendons tous, […] tous Les Brésiliens ont un peu de sang blanc, un peu de sang noir et un peu de sang indien. Cela a donné un mélange  absolument extraordinaire; Le peuple brésilien qui est un peuple fabuleux » a soutenu publiquement Dom Bertrand à la presse. Une  déclaration qui a provoqué de vives réactions au Brésil. Le prétendant au trône a également accusé la Chine d’avoir sciemment orchestré la pandémie de Covid, virus qui a tragiquement touché sa famille à de nombreuses reprises.

Actuellement en pleine campagne de promotion de l’idée monarchique, reçu par de nombreuses municipalités et régiments militaires  qui lui présentent les honneurs, régulièrement convié sur les plateaux de télévision, ce célibataire endurci sera l’invité officiel du gouvernement pour les festivités du bicentenaire de l’indépendance du Brésil en septembre prochain. Selon divers sondages, réalisés sur la question monarchique, on estime entre 10 et 20% des Brésiliens favorables au retour de la monarchie.

Frederic de Natal