C’est la télénovela sud-américaine du moment qui tient en haleine des centaines de milliers de brésiliens. A grand renfort de publicité sur les réseaux sociaux, cette série aux multiples rebondissements nous plonge au cœur du Brésil, en plein milieu du XIXème siècle. Si quelques esprits chagrins ont critiqué un jeu d’acteur trop théâtral voir caricatural, les costumes restent éblouissants, la mise en scène époustouflante et les dialogues tranchants. Une série à succès qui pourrait bientôt traverser l’Atlantique.

« Nos Tempos do Imperador » screenshot/Trailer/Dynastie

A cette époque, règne alors l’empereur Dom Pedro II qui partage sa vie avec Teresa Cristina de Bourbon-Siciles. Un mariage qui se vautre dans les apparences et qui n’a été que politique. La trame, qui mêle intrigues amoureuses et querelles de pouvoir, nous fait pénétrer dans l’intimité d’un monarque toujours révéré dans son pays. Grande figure de son temps, Dom Pedro II a été un empereur moderne et épris de libéralisme, dirigeant d’un état dont la richesse reposait avant tout sur le café et le caoutchouc, extraits à la sueur des esclaves. Un pan de l’histoire du Brésil qui est largement mis en avant dans cette télénovela qui cartonne et dont l’égérie du combat abolitionniste n’est nul autre que la comtesse Luísa Margarida de Barros Portugal, maîtresse de celui qui fut surnommé de son vivant, « le magnanime ».

La série ne se veut pas historique mais est largement inspirée des principaux événements qui se sont déroulés sous le règne de Dom Pedro II, incarné par l’acteur Selton Figueiredo Mello.  « Être jeune et devenir aussi vite responsable est quelque chose que je comprends parfaitement. Quelque part je me reconnais en lui » a déclaré la star, habitué des plateaux de cinéma depuis sa pré-adolescence, au Journal Da Globo. Fils de Dom Pedro Ier, il monte sur le trône du Brésil en 1831 alors qu’il n’a que six ans. Libéraux et conservateurs s’affrontent politiquement et son père a décidé de rendre les armes sous la pression, préférant rentrer au Portugal afin de soutenir les droits au trône de sa fille Maria da Gloria, menacée par les ambitions de son époux et oncle, Dom Miguel de Bragance. Son enfance va être assez malheureuse, privé de ses parents, sous le régime de tuteurs et sa seule échappatoire restera la rêverie à travers les livres, une passion qui ne va plus le quitter. Dans ce triangle amoureux ou s’en entrefilent bien d’autres plus violents, la personnalité de l’impératrice semble trancher avec le caractère fort de sa rivale. «. Elle n’accepte pas volontairement cette situation, cette espèce de polyamour qu’elle déteste. Elle sera-ce un volcan invisible au service de quelque chose de plus grand » explique Letícia Sabatella qui tient le rôle de la fille du roi François des Deux-Siciles. Discrète et pieuse, l’épouse de Dom Pedro II est un portrait effacé qui sera apprécié autant par les monarchistes et les républicains qui la pleureront de concert lors de son décès survenu en décembre 1889, un mois après le renversement de la monarchie. « Elle avait une certaine estime d’elle-même, elle était une femme à l’aise avec elle-même, qui aimait son mari et sa famille et on se demande comment les historiens ont pu affirmer qu’elle n’avait aucune beauté » s’étonne Letícia Sabatella.

« Nos Tempos do Imperador » screenshot/Trailer/Dynastie . Dom Pedro II interprété par l’acteur Selton Mello Figueiredo.

Une télénovela qui divise et qui passionne

Chaque semaine, tous les épisodes sont âprement commentés par les aficionados de la série. Et qui ravi tout autant les monarchistes qui se passionnent pour la guerre des jupons entre les princes Gaston d’Orléans et Auguste de Saxe-Cobourg-Gotha, gendres de Dom Pedro II. Une mouvance loin d’avoir disparu en dépit de sept décennies d’empire. L’institution royale a considérablement marqué les subconscients des brésiliens très attachés à la mémoire de Dom Pedro II. Un amoureux des arts qui reste un de leurs personnages préférés. En 1993, la question du retour de la monarchie avait été posée aux brésiliens, rassemblant près de 7 millions de voix. Un score néanmoins insuffisant pour remettre ses descendants sur le trône.

L’abolition de l’esclavage reste une question sensible au pays de la samba et intrinsèquement liée à la monarchie. Principale cause de sa chute après que les planteurs aient retiré leur soutien à la famille impériale, les afro-brésiliens commémorent chaque année leur ancien dirigeant qui les a libéré. Loin d’être éludé dans la télénovela, ce sujet est systématiquement présent dans la série mais n’a pas échappé aux critiques. Certaines associations estimant que certains dialogues sont trop racialement connotés, une partie des membres de la maison impériale condamnant le traitement donné à Dom Pedro II, une autre se félicitant de l’exactitude des faits. Tourné à Bahia, Rio de Janeiro ou encore à Petrópolis, d’autres thèmes sont largement abordés comme la lutte pour le droit des femmes ou encore la guerre du Paraguay. Un de derniers grands conflits du XIXème siècle en Amérique du Sud ou s’affronteront diverses nations, prélude à d’importants bouleversements politiques sur tout le continent.

Frederic de Natal