Le film à succès Braveheart s’inscrit dans la lignée des grands classiques incontournables du cinéma historique. Réalisé à partir d’un poème controversé, il décrit de manière romancée la vie de William Wallace, héros indissociable de l’indépendantisme écossais, interprété par l’acteur et producteur Mel Gibson. Bien qu’il ait marqué les esprits, notamment en raison des scènes de batailles épiques et la beauté de ses paysages, le film comporte de nombreuses erreurs historiques flagrantes ou des omissions qui ont irrité les passionnés d’Histoire.
L’histoire se situe vers la fin du XIIIe siècle en Écosse, alors sous occupation anglaise. William Wallace, fils de fermier, est témoin dès son plus jeune âge de la cruauté de la répression anglaise et assiste au meurtre de son père et de son frère. Élevé par son oncle qui l’emmène avec lui à travers l’Europe, il ne revient dans son village natal que quelques années plus tard. C’est là qu’il épouse en secret, Murron, son amour d’enfance, afin de lui éviter de subir le droit de cuissage, privilège des nobles Anglais sur toute femme souhaitant se marier. Le viol et le meurtre de sa bien-aimée contraignent William Wallace à se révolter. À la tête d’une petite rébellion, il obtient le ralliement des seigneurs écossais conduits par Robert Bruce, prétendant au trône, et bat les Anglais à Stirling. Occupé à guerroyer en France, le roi Edouard Ier envoie son épouse Isabelle de France parlementer avec William Wallace. Elle ne tarde pas à tomber sous le charme de ce dernier. Finalement trahi deux fois par les seigneurs écossais, défait à Falkrik, il est capturé et exécuté.
Un contexte historique troublé
Le film s’inspire de faits réels. À commencer par le contexte historique. En 1286, le roi d’Écosse Alexandre III meurt accidentellement. Sa fille Marguerite est reconnue héritière par le roi Édouard Ier qui envisage de la marier à son fils. Le roi d’Angleterre est intervenu à la demande des Gardiens d’Écosse, conseil chargé de prendre des décisions importantes. Plusieurs candidats prétendent également au trône vacant. Parmi lesquels John Balliol et Robert Bruce. Le pays sombre dans la guerre civile d’autant que Marguerite meurt subitement en 1290. Édouard Ier va prendre fait et cause pour Balliol, seigneur du Galloway, qui n’hésite pas à retourner sa veste. Le roi d’Angleterre décide d’intervenir et s’empare de l’Écosse en 1296.
William Wallace, un noble Écossais de naissance et de cœur
C’est à cette période qu’apparaît William Wallace. Né dans une famille noble écossaise à une date inconnue, il existe peu de traces de son enfance. Les premiers écrits sur Wallace remontent à 1297, année durant laquelle il aurait tué le shérif de Lanark et chassé la garnison de la même ville à la tête d’une rébellion locale. Toujours selon les mêmes écrits, il aurait été sauvé des griffes anglaises par une femme (peut-être la sienne ?) nommée Marion Braidfute selon la tradition. Elle sera finalement capturée et exécutée par les Anglais. Son ascension sera fulgurante par la suite. Il accède même au poste de Gardien de l’Écosse et bat les Anglais lors de la bataille du pont de Stirling en 1297. Un an plus tard, William Wallace est battu à Falkrik et contraint de renoncer aux charges qu’il exerce. Exilé en France, il revient en 1303 et reprend la lutte contre les Anglais avant d’être finalement capturé en 1305 et amené à Londres pour être exécuté. Le film nous a épargné les détails de son supplice : traîné par des chevaux, pendu, écartelé, éviscéré, émasculé, et finalement décapité, son corps découpé en morceaux et éparpillé à travers le royaume.
Déformations et anachronismes
Braveheart comporte beaucoup de déviations historiques ayant fait pâlir les plus pointus des historiens. Mel Gibson a romancé la vie de son héros à outrance. Il lui invente une vie modeste de fermier, basant son film biographique à partir de The Wallace rédigé au cours du XVe siècle. Le livre le plus vendu après la Bible en Écosse. Il accentue dès le départ l’antagonisme entre anglais et écossais avec un massacre qui n’a jamais existé à un moment de la vie de son héros où les deux peuples étaient en paix. Si le droit de cuissage est une loi coutumière, loin d’être le viol décrit dans le film ou un quelconque droit seigneurial, les historiens considèrent que la Primae Nocta est un mythe qui ne repose sur aucun fait réel. En France, c’est à Voltaire que l’on doit l’habituelle caricature qui accompagne le droit de cuissage. Pas plus que qu’il n’y a eu une histoire d’amour entre William Wallace et la princesse Isabelle de France. Pour cause, elle ne peut l’avoir rencontré puisqu’à l’époque des faits elle n’avait que… 10 ans et n’a épousé Edouard II (et non pas son père) qu’en 1308, soit 3 ans après la mort de Wallace.
Certains détails visuels sont également anachroniques, comme le port du kilt par Wallace et ses alliés, qui n’apparaît qu’au XVIe siècle. Dans de nombreux plans, apparaissent des éléments inexistants au XIIIe siècle, tels qu’une voiture, un cheval mécanique, un caleçon sous le kilt, un mannequin décapité, des acteurs que l’on retrouve soldats dans les deux camps ennemis… La mise en scène de la victoire de Wallace à Stirling ne correspond pas plus à la description de la bataille, qui est censée se dérouler sur un pont. Or, aucun pont n’est visible dans le film. Il semble que Mel Gibson ait confondu la bataille de Bannockburn de 1318, gagnée par Robert Bruce. Sans compter quelques éléments anecdotiques inexacts dont le nom du film en lui-même : Braveheart. Censé être le surnom de William Wallace, il était en fait celui donné à Robert Bruce. De plus, il n’y a aucune preuve que l’armée de Wallace ait conquis la ville de York, contrairement à ce qui est montré dans le film.
Un succès contribuant au rayonnement de l’Écosse
Le film a reçu un très bon accueil, et a conquis le public par ses batailles violentes et réalistes, ses musiques traditionnelles et immersives, qui nous plongent dans le paysage écossais du Moyen-âge. Braveheart a reçu 5 Oscars, 1 BAFTA et 1 Golden Globe. Pourtant, le film a soulevé quelques controverses. Tout d’abord de la part des défenseurs des animaux, en raison de la scène des chevaux empalés où les activistes ont craint que de vraies bêtes aient subi de vraies blessures (démenti par Mel Gibson, qui utilisait des faux chevaux durant le tournage de ces scènes). Le film a été jugé anglophobe par les Anglais dépeints comme des sauvages par l’acteur. Un parti-pris de Mel Gibson, irlandais d’origine, qui est perceptible tout au long du film et qui a été dénoncé par des historiens. Excepté ces polémiques, le film a tout de même permis à l’Écosse d’attirer de nouveaux touristes. En effet, l’impact énorme du film a attiré de nombreux fans, venus sur les lieux de tournage ainsi que sur les sites historiques présentés dans le film. De nombreuses conférences autour de l’univers de Braveheart ont été organisées, permettant à l’Écosse et à son histoire de s’inscrire dans la culture moderne.
Entre anachronismes et éléments purement scénaristiques, Braveheart illustre néanmoins la vision hollywoodienne du genre historique et reste un spectacle visuel inoubliable.
Juliette Gurunlian