C’est une véritable révolution culturelle et politique que vit actuellement la monarchie matriarcale des reines Modjadji. L’actuelle souveraine du peuple Balobedu pourrait être destituée de son trône par une faction rivale qui soutient son frère. Invoquant le principe d’égalité pour tous, elle estime que Masalanabo Modjadji VII s’est montrée incompétente à remplir son rôle et a porté l’affaire devant le tribunal de Pretoria qui devrait rendre son verdict dans les semaines qui suivent.

C’est une monarchie traditionnelle qui est crainte en Afrique du Sud. Selon la légende qui se transmet depuis des générations, les souveraines de la nation Balobedu auraient le pouvoir de contrôler les averses et les nuages. Jusqu’ici aucun homme n’a pu monter sur le trône de ce peuple vivant dans le Limpopo au risque de faire perdre son don à la concernée. C’est d’ailleurs le sort tragique qui est arrivé en 2005 à la reine Makobo Caroline Modjadji VI. En Jeans et basket, chattant continuellement avec son petit ami sur son portable, scotchée devant la télévision, elle a donné naissance à deux enfants en dehors de toutes les lois ancestrales. Une crise n’a pas tardé à éclater au sein du conseil royal et l’amant coupable d’être banni du royaume, leurs enfants immédiatement ostracisés et privés de toute éducation royale. Admise à l’hôpital peu de temps après cette affaire, souffrant d’une maladie mystérieuse, elle y est décédée de manière foudroyante. Pis, alors que son cercueil reposait dans sa chambre, celle-ci s’est s’embrasée et c’est in-extremis qu’on est arrivé à le sortir des flammes vengeresses. Si pour certains, elle a tenté de se suicider, serait morte du SIDA, pour d’autres, elle a été la victime d’un complot qui  a permis aux concernés de placer sa fille, encore dans ses langes, sur le trône.

Masalanabo Modjadji VII a aujourd’hui 17 ans. Faisant face à de violentes critiques depuis mai 2021, elle pourrait ne pas être couronnée Reine de la pluie à sa majorité. Le Conseil royal de Modjadji a récemment annoncé la nomination de son frère aîné, le prince Lekukela, comme héritier du trône. En fond de toile de cette décision portée devant le tribunal de Pretoria, une longue querelle entre la famille royale et le député de l’ANC Mathole Motshekga, tuteur de la princesse royale. Elle accuse l’ancien conseiller juridique du royaume de l’avoir retournée contre sa famille et de tenter de s’arroger des prérogatives après le couronnement afin de garder son emprise sur Masalanabo Modjadji.  Laquelle ne semble pas montrer une réelle envie d’assumer ses devoirs. Pour les plus anciens des Balobedus, la situation est d’autant plus grave, que les reines de la pluie auraient perdu tout leur pouvoir, cassant la légitimité d’une lignée qui remonte au début du XIXème siècle et qui a été l’inspiration du personnage Ororo/Tornade dans les X-Men de Marvel .

Dans une lettre adressée au président Cyril Ramaphosa et au Parlement fédéral, le conseil royal a également accusé Motshekga d’avoir utilisé les noms de la princesse et de la famille royale Modjadji pour lever des fonds et construire des bureaux tribaux parallèles à leur insu. Motshekga a fermement rejeté les allégations, affirmant qu’elles étaient sans fondement et faites par une « faction » du conseil royal qui cherchait à s’accrocher au pouvoir. « L’annonce de l’installation du prince Lekukela comme prochain roi va à l’encontre de tous les faits historiques, culturels et traditionnels, ce qui constitue une déviation manifeste de la culture, de la tradition et des coutumes… » a dénoncé Matthews Phosa. « Elle est donc nulle et non avenue dès le départ et n’a aucune force de loi car leur décision est contraire au principe de légalité. Et cela ne s’accorde pas avec les prescriptions de la loi. Cela viole en outre la loi-cadre sur le leadership traditionnel et la gouvernance » a ajouté l’avocat de la reine Masalanabo Modjadji.

Le prince régent Mpapatla a défendu l’ascension de Lekukela au trône, affirmant que  Masalanabo n’était pas prête pour le trône parce qu’elle avait manqué des processus sacrés pour la préparer en tant qu’héritière. « Malheureusement, elle a manqué plusieurs processus divins et sacrés dans notre culture et tradition en tant qu’héritière potentielle. Notre royaume a toujours été attaqué par nos adversaires, et en prenant en otage la princesse Masalanabo, ils se sont persuadés que le royaume leur serait livré un plateau d’argent » a déclaré le président du Conseil royal.  Dans la foulée, il a ajouté que si le processus de la pluie devait rester entre les mains d’une femme, il n’était désormais plus question que les affaires du royaume reviennent à un seul type d’individu en raison de son sexe et que la couronne devait être ouverte aux hommes. Égalité pour tous oblige en Afrique du Sud. 

Frederic de Natal