C’est un joyau du patrimoine national autrichien dont le nom reste attaché depuis près de deux siècles au souvenir de Sissi et de  François-Joseph. Après deux ans de covid-19, le 18 août 2022,  la Kaiservilla, propriété de l’archiduc Markus Salvator de Habsbourg-Lorraine, a renoué avec sa traditionnelle parade. Les afficionados de la Kaiserlich und Königlich (K.u.K) ont ressorti leurs uniformes rutilants et les crinolines pour l’occasion. Pour l’arrière-petit-fils du plus célèbre couple impérial, il est important de perpétuer le souvenir d’une monarchie qui fait encore rêver des générations d’Européens.

Bad Ischl est une ville thermale de la Haute-Autriche, réputée pour sa qualité de vie. Elle est étroitement liée à l’histoire des Habsbourg-Lorraine, en particulier celle de la duchesse Elisabeth en Bavière et de l’empereur François-Joseph Ier. Il est même dit que, tentant de régler ses problèmes de fertilité, l’archiduchesse Sophie, mère de l’Empereur, fit une cure à Bad Ischl et que les bains salins eurent l’effet escompté. Preuve s’il en est de la naissance de quatre enfants par la suite. Loin de Vienne, la capitale autrichienne, la station balnéaire abrite un palais néo-classique qui est encore habité par l’arrière-petit-fils de « Franz et de Sissi », l’archiduc Markus Salvator de Habsbourg-Lorraine, 76 ans. Chaque année, durant l’été, il ouvre les portes de la Kaiservilla aux touristes et organise une parade qui rassemble tout ce que l’Europe compte de passionnés et de nostalgiques de la monarchie austro-hongroise.

Elisabeth en Bavière « Sissi » et François-Joseph I d’Autriche@Wikicommons/Dynastie

La villa des amours de Franz et Sissi

C’est dans ces lieux, où le temps semble s’être arrêté, que François-Joseph a demandé la main de Sissi en 1853. Un vrai coup de foudre pour l’Empereur qui fête alors ses 23 ans. La réaction est plus mitigée du côté d’Elisabeth en Bavière, qui n’a alors que 15 ans, mais qui finira par céder aux avances du jeune homme avec « un mélange d’euphorie, de confusion et d’immaturité émotionnelle, propre à une jeune fille de son âge » précise le site officiel de la Kaiservilla. Une longue histoire d’amour que le cinéma va romancer à outrance avec la fameuse trilogie des « Sissi » réalisée par le producteur Ernst Marischka, avec une impeccable Romy Schneider dans la peau de l’impératrice rebelle. Une nostalgie que cultive la Kaiservilla offerte comme cadeau de mariage par l’archiduchesse Sophie à son fils et sa nouvelle bru. Résidence qu’elle avait elle-même achetée au docteur Eduard Mastalier, alors son propriétaire.

Le lieu de repos préféré de l’empereur François Joseph

Résidence impériale, Bad Ischl reçoit son premier invité d’honneur avec le roi Ferdinand II du Portugal en 1854. Avant que les grands travaux ne soient entamés afin de lui donner un statut plus digne du rang de ses occupants. Ils se termineront en 1860. Particularité de la Kaiservilla, elle ne possédait pas de chambres à coucher étant conçue pour être une résidence à la journée. Bourgeoise, l’Empereur va la transformer en villa luxueuse avec ses parquets marquetés et ses nombreuses sculptures en bois, certains illustrés des personnages de la chanson des Nibelungen. L’Empereur et sa famille séjournèrent plus de 80 fois à la Kaiservilla et il gouverna même son empire depuis les bureaux de cette résidence dont le fronton est orné d’un « E », première lettre du prénom de Sissi. Après son assassinat sur les bords du lac de Genève (1898), l’Empereur vint de plus en plus à Bad Ischl, loin des tracas de la cour de Vienne. C’est d’ailleurs depuis son bureau, dans l’aile ouest de la Kaiser Villa, qu’il signe la déclaration de guerre à la Serbie en juillet 1914. Un geste qui allait plonger l’Europe dans la guerre. Lorsqu’il décède deux ans plus tard, il lègue la villa à sa fille Marie-Valérie (1868-1924), mariée à l’archiduc François-Salvator de Habsbourg-Toscane.

La fête du Kaiser

Un mariage d’amour qui sera célébré à Ischl en 1880. D’abord harmonieux, il va finir par se détériorer en raison des infidélités répétées de son mari. Marie-Valérie a hérité du tempérament de sa mère, investie dans les œuvres caritatives et consciente du nom et de l’héritage qu’elle portait. Durant le conflit mondial, elle crée une multitude d’hôpitaux militaires sur ses propres fonds et assumera ses obligations comme infirmière de la Croix Rouge. Avec la fin de la monarchie en 1918, elle décide de renoncer à son appartenance à la maison impériale afin de pouvoir conserver ses biens dont la Kaiservilla. Son petit-fils, Markus de Habsbourg-Lorraine, a hérité de la résidence impériale qu’il gère depuis des décennies. « (..) J’effectue ce travail depuis plus de 40 ans. C’est une tâche belle mais compliquée. On ne le fait pas seulement pour soi-même, mais aussi pour l’État et dans l’intérêt des visiteurs. Puisqu’on y habite aussi, c’est aussi un travail épanouissant » affirme-t-il au webzine The Business. 40 000 touristes se pressent dans le parc et viennent visiter la villa de Sissi. Il a repris l’idée de parade organisée chaque année pour l’anniversaire de François-Joseph. Depuis 1972, des passionnés la période impériale défile en uniformes et crinolines d’époque. L’hymne impérial est même joué. L’archiduc Markus veille au bon déroulement de cette parade qui rappelle les plus beaux jours de la Kaiserlich und Königlich (K.u.K). Un événement largement commenté par la presse locale. Les régiments et associations traditionalistes se rassemblent autour de la fontaine devant l’entrée de la Villa afin de saluer ce membre de la famille impériale, dont la simplicité tranche avec la froideur de son arrière-grand-père.

Une famille inscrite dans l’Histoire et la tradition des Habsbourg-Lorraine

Sa branche n’est pas inconnue des historiens et plonge ses racines dans l’histoire de l’Italie. Les Habsbourg-Toscane ont dirigé le grand-duché des Médicis de 1737 à juillet 1860, date à laquelle le dernier souverain, Ferdinand IV, est emporté par le Risorgimento, après seulement 8 mois de règne. Son père, Hubert Salvator de Habsbourg-Lorraine (1894-1971) a été associé aux affaires de l’Empire par l’Empereur Charles Ier. Envoyé en 1917 au Moyen-Orient afin de protéger les intérêts des Habsbourg en Palestine et en Syrie, il devait maintenir un lien étroit avec les ottomans et les chrétiens orientaux, avec pour but de réaliser un rêve de l’Empereur, celui de mettre en place un « protectorat religieux en Orient » sous la houlette de la maison impériale qui entendait remplacer la France dans cette mission. Bien qu’il renonça lui-même à ses droits dynastiques en 1919, il fut surveillé étroitement par la République en raison de ses liens avec la Heimwer, une unité paramilitaire composée de monarchistes et de nationalistes autrichiens. Il sera même un opposant notoire à Adolf Hitler qui ne cesse de le faire harceler durant toute la Seconde Guerre mondiale.

« Ischl a été façonnée par le temps, ne serait-ce que par l’architecture. Il n’y a pas de petite ville en Autriche où l’empereur a passé plus de temps » rappelle l’archiduc Markus au quotidien OÖNachrichten. Elle a gardé tout son charme d’antan et le cultive. C’est un véritable voyage dans l’Histoire que la Kaiservilla offre chaque année avec un guide de prestige, un Habsbourg-Lorraine.

Frederic de Natal