Actuel prétendant au trône de Bavière, le duc Franz (88 ans) est le visage d’une histoire familiale haute en couleur. Protecteur des arts et de la culture, il se veut fidèle à la mémoire d’une dynastie qui a su se montrer, tout au long de l’Histoire, à l’avant-garde de certaines libertés et parfois même en marge de sa propre caste aristocratique. C’est le cas notamment lors de la Seconde Guerre mondiale où les Wittelsbach vont s’illustrer dans le combat contre le nazisme, premiers résistants oubliés à Adolf Hitler.
La famille de Wittelsbach a régné sur la Bavière entre 1124 et 1918. D’abord comte palatin de Bavière, ils reçoivent en 1180 de l’empereur Frédéric Barberousse le titre de duc de Bavière. Fort de la richesse de leur terre et de leur puissance, les Wittelsbach deviennent progressivement une des familles la plus influente du Saint Empire romain germanique dont ils vont ceindre par deux fois la couronne impériale. D’abord en 1328 puis en 1742 avec le soutien de la France. Afin de les récompenser de leur appui, Napoléon Ier leur octroie le titre de roi de Bavière en 1805. Une couronne qu’ils conserveront jusqu’à la chute du Kaiser à la fin de la Première Guerre mondiale.
La montée du nazisme inquiète le prince Rupprecht de Bavière
Malgré la proclamation de la République, les Wittelsbach restent très populaires en Bavière. En 1921, les funérailles du roi Ludwig III sont grandioses, à l’image de cette famille dont les châteaux émerveillent toutes les cours d’Europe. Son fils, le prince Rupprecht (1869-1955), est désormais prétendant au trône. Il jouit d’un excellent prestige et impose auprès des anciens officiers de la monarchie impériale. Rupprecht de Bavière s’inquiète de l’instabilité de la République de Weimar qui a succédé à Guillaume II et ne fait pas mystère de sa volonté de voir la monarchie revenir au pouvoir, y compris de séparer son ancien état de cette Allemagne qui s’enfonce dans l’anarchie un peu plus chaque jour. Il a toutes les chances de réussir. L’arrivée au pouvoir du Parti du peuple de Bavière (BVP), parti catholique conservateur, permet tous les espoirs. Le Ministre-Président Gustav Ritter von Kahr est très proche de la maison royale de Bavière. Pourtant, ce n’est pas le seul parti politique à gagner en notoriété, s’illustrant dans les rues de Munich par ses méthodes musclées face aux opposants. Son leader, Adolf Hitler, est un orateur de talent qui séduit les foules et diffuse facilement les idées du national-socialisme dont il est un brillant théoricien.
Les Wittelsbach, résistants au nazisme
Rupprecht de Bavière se positionne très rapidement contre Hitler qu’il considère comme un « fou » comme il le dira lui-même au roi George V. Il interdit même à ses partisans de rejoindre le parti nazi, le NSPAD, qui tente vainement de le convaincre d’apporter un soutien officiel en échange de la restauration de la monarchie. Mesurant le danger, le prince Rupprecht prend contact avec Gustav Ritter von Kahr. Face à la montée du nazisme, les rumeurs de coup d’état, ce dernier obtient les pleins pouvoirs. Ensemble, Wittelsbach et gouvernement bavarois vont faire échouer le « Putsch de la Brasserie » du 8-9 novembre 1923. Un répit qui ne peut empêcher l’inéluctable, l’arrivée au pouvoir des nazis par la voie des urnes (1932). Pour le prince Rupprecht, la prise de pouvoir par Hitler en janvier 1933 est une catastrophe. En Bavière, le BVP a accepté de transférer les pouvoirs à l’héritier du trône, seul capable de fédérer les forces antinazies. Il est trop tard. La mainmise du NSPAD sur l’état est complète. Les monarchistes sont arrêtés (certains seront assassinés durant la nuit des Longs couteaux comme Gustav Ritter von Kahr en 1934) et le gouvernement est dissous en mars suivant. Contraint à l’exil en Italie en décembre 1939, le prince Rupprecht y séjourne avec sa famille, en tant qu’invité, du roi Victor Emmanuel, résidant principalement à Florence. Il tente de vendre l’idée d’une restauration de la monarchie bavaroise avec une éventuelle union avec l’Autriche en tant qu’Allemagne du Sud indépendante. Dans un mémorandum publié en mai 1943, il prédit la chute du nazisme et les conséquences auxquelles vont être confrontés ses compatriotes. Il propose même ses services à la Libération et se rêve en recours face aux Hohenzollern, trop compromis avec le régime hitlérien.
Bien que traités avec certains égards, les Wittelsbach auront été les premiers témoins de l’horreur d’un régime, les premiers résistants au nazisme. La dynastie va payer le prix fort de cette lutte contre le Führer. En octobre 1944, la femme (Antonia de Luxembourg) et les enfants de Rupprecht sont capturés en Hongrie occupée par les Allemands. Ils seront enfermés, d’abord au camp de concentration de Sachsenhausen, puis à celui de Dachau jusqu’en avril 1945, date du crépuscule nazi. Un expérience qui va les marquer à jamais.
Arnaud Gabardos