Par-delà les siècles, la maison des ducs d’Orléans- Galliera incarne une certaine idée de la noblesse espagnole — raffinée, cultivée et discrètement attachée à un prestige que le temps n’a pas altéré.

Entre la France, l’Espagne et l’Italie, la maison d’Orléans-Galliera perpétue une lignée où se mêlent grandeur, diplomatie et tragédies. Née dans le sillage de Napoléon Ier et des rois d’Europe, cette dynastie, à la croisée des couronnes et des empires, incarne depuis plus de deux siècles une noblesse discrète mais toujours vivante — celle du devoir, de la mémoire et du raffinement.

Naissance d’un duché prestigieux dans le sillage napoléonien

En 1812, à quelques semaines du début de la Campagne de Russie, l’Empereur des Français  Napoléon Ier décide faire un cadeau à Joséphine de Beauharnais, fille du vice-roi Eugène dont il est il est lui-même le beau-père. Il lui octroie le duché de Galliera alors qu’elle n’a que huit ans. Un titre qui fait référence à la ville du même nom, située dans la très italienne province d’Emilie-Romagne. C’est le début d’une saga dynastique, qui va passer de mains en mains, et qui se poursuit encore de nos jours.

La princesse ne va pas en profiter longtemps. La chute de l’Empire, la défaite de Waterloo (1815) sonne le glas d’un duché qui appartient aux Etats pontificaux. Son père a échoué à se faire élire roi d’Italie. C’est l’exil pour la jeune Joséphine qui va attirer l’attention des yeux de son cousin, Oscar Bernadotte. Une fois marié, le futur roi de Suède décide de l’avenir de ce duché de Galliera dont il n’entend pas y mettre les pieds. La vente sera discrète (1837), menée par le marquis Luigi Raffaele de Ferrari (1803-1876), richissime homme d’affaires rival des Rothschild, sénateur de Sardaigne et futur financier du Canal de Suez.

Contraint de devoir s’exiler à Paris après avoir causé la mort accidentelle d’un de ses domestiques, le duc de Galliera va y trouver de solides appuis qui font rendre pérenne sa fortune déjà conséquente.  Il se lie d’amitié avec la famille royale de France. Son fils, Andrea, sera un intime d’Antoine de Montpensier, fils du roi Louis-Philippe Ier. Tous les deux sont des rêveurs, partagent les mêmes espérances avant que la mort du fils aîné du marquis ne vienne y mettre fin.

La révolution de 1848 achève la monarchie de Juillet, un après ce décès. Afin de faire face à leurs ennuis pécuniers, les Orléans vendent leurs bien au marquis, comme l’hôtel Matignon. C’est dans cette même demeure que le comte de Paris, Philippe d’Orléans, va organiser une fête somptueuse pour le mariage de sa fille Amélie avec le futur roi Carlos Ier du Portugal. Un événement permis grâce à Maria Brignole Sale (1811-1888), épouse du marquis, proche du prétendant au trône de France, mais qui va courroucer la République française qui fait promulguer une loi d’exil aux membres des familles ayant régné sur la France (1886). C’est encore elle qui, par testament, va transmettre le titre des duc de Galliera à Antoine dont le visage lui rappelait celui de son fils disparu trop tôt.

A son décès, elle fit don à la ville de Paris d’un magnifique palais, devenu aujourd’hui le Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris — joyau de l’élégance française et héritage durable du nom de cette famille située entre les deux Pyrénées.

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Antoine d’Orléans, duc de Montpensier

Antoine d’Orléans (1824-1890) grandit dans une France libérée de sa tutelle napoléonienne, sous les ors de la monarchie. Son mariage en 1846 avec Louise-Ferdinande de Bourbon, alors héritière de sa sœur la reine Isabelle II d’Espagne, va contribuer à redorer le blason des Orléans terni par un régicide. Si les noces sont à la hauteur de la monarchie espagnole, les négociations entre Paris et Madrid n’ont pas été de tout repos. Derrière les rideaux de palais, les ambitions du roi Louis-Philippe Ier qui espère que la santé fragile de la reine Isabelle II, va permettre à son fils Antoine de monter sur le trône d’Espagne. Encore faut-il ajouter l’homosexualité du mari de la souveraine, plus soucieux de ses dentelles que de mettre en œuvre la prochaine génération, semblait-il.

Une atmosphère de complot qui s’ajoute à une situation politique instable. Aux premières heures de  leur mariage, le couple s’installe aux Tuileries. Un train de vie fastueux qui vaut à Antoine, le surnom de « Mon Dépensier ».  Lors de la révolution de 1848, effrayé, il est de ceux qui poussent le roi Louis-Philippe au départ. Lui-même, après quelques lieux en Europe, va s’installer en Espagne avec son épouse. C’est dans ce pays dont il a pris la nationalité que va s révéler ses ambitions pour la couronne. Le duc de Montpensier est de tous les complots contre sa belle-sœur qu’il juge inapte à régner Lors de la révolution de 1868, il est parmi ceux qui ont financé le putsch. Mais, il ne régnera pas, prié de quitter le pays. Ce sera Lisbonne. Il reviendra trois ans avec le même espoir : celui de ceindre la couronne des Bourbons. Son duel avec Henri de Séville, qui ne s’en relève pas, va ruiner ses rêves. Il n’a que peu de soutiens, perd son grade pour avoir refusé de prêter serment à Amédée de Savoie, nouvellement élu à la tête du royaume

Il faudra attendre 1873 pour que les deux branches se réconcilient. Antoine est autorisé à revenir en Espagne, marie une de ses filles au futur Alphonse XII (une autre épouse le comte de Paris).  Il relève le duché de Galliera avant de rendre son dernier soupir en 1890.

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Une descendance inscrite dans l’Histoire

Son fils et successeur, Antoine (1866-1930), est le second duc de Galliera dont la vie amoureuse va défrayer la chronique. Bien qu’il ait hérité d’une fortune considérable, son train de vie dispendieux le mène peu à peu vers la pauvreté et l’exil à Paris. Son mariage avec une des filles de la reine Isabelle II lui a donné trois enfants dont :

  • Alphonse d’Orléans (1888-1975) qui épouse la princesse Marie-Béatrice d’Edimbourg. Un mariage qui lui fait perdre son statut d’infant et sa titulature. Il ne les retrouve qu’en 1911, se distingue lors de la guerre du RIF au Maroc comme aviateur. Une passion qu’il conjugue au personnel comme au militaire. Inquiété par les Républicains après la chute de la monarchie espagnole (1931), il rejoindra les nationalistes (comme son fils aîné Alvaro [1910-1997]) et sera autorisé à réintégrer l’armée en 1937. Il sera plus tard, le secrétaire du comte de Barcelone, père du roi Juan Carlos.
  • Louis -Ferdinand d’Orléans (1888-1945) qui épouse la princesse Marie de Say, veuve et héritière des sucreries du même nom. Un scandale retentissant au regard de la différence d’âge des deux époux (42 ans et 73 ans) et des préférences sexuelles de l’intéressé, les hommes.

Le titre des duc de Galliera est actuellement occupé par Alfonso de Orleans-Borbón y Ferrara-Pignatelli (57 ans), arrière-petit-fils d’Alphonse d’Orléans et coureur de course automobile. Marié entre 1994 et 2001 à Véronique Goeders, ils ont eu un fils, Alonso Juan de Orleans-Borbón y Goeders, né en 1994.

De l’histoire de sa famille et de ses infortunes, il en jette un regard posé et tourné vers l’avenir. Nous appartenons à une époque où le titre ne suffit plus : il faut donner du sens à son nom par l’engagement et la fidélité à certaines valeurs », confiait-il lors d’un entretien à ¡Hola! en 2022.

Les Orléans-Galliera, comme d’autres branches de la maison d’Orléans, vivent à distance des débats politiques, tout en restant attachés à la mémoire de leurs ancêtres. Cette noblesse tranquille, empreinte de culture et de sens du devoir, continue de faire vivre un certain idéal français — celui d’une élite éclairée, cosmopolite et cultivée, pour qui le nom est d’abord une responsabilité, une aristocratie du cœur et de l’esprit qui traverse le temps sans jamais renier l’histoire.


Frédéric de Natal

Rédacteur en chef du site revuedynastie.fr. Ancien journaliste du magazine Point de vue–Histoire et bien d’autres magazines, conférencier, Frédéric de Natal est un spécialiste des dynasties et des monarchies dans le monde.

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