C’était une promesse du Président Emmanuel Macron. En novembre 2017 alors qu’il était en visite officielle au Burkina Faso, il s’était engagé à restituer toutes les œuvres, symboles et artéfacts africains pris durant la colonisation française aux pays concernés qui le souhaitaient. Une loi d’exception a d’ailleurs été votée en ce sens en décembre 2020. Si la Côte d’Ivoire et le Sénégal ont déjà fait acte de candidature, Madagascar a déjà reçu « en dépôt » le dais qui surmontait le trône de la reine Ranavalona III. Lorsque la France s’empare du palais royal du souverain du Dahomey à la fin du XIXème siècle, les troupes du général Alfred Amédée Dodds vont ramener sans leurs bagages le « Trésor de Béhanzin ». Le 10 novembre dernier, Cotonou, la capitale du Bénin, a récupéré les 26 pièces royales en présence du gouvernement et des membres de la maison royale.
Béhanzin est un héros national. Devenu roi du Dahomey en 1890 avec un couronnement marqué par des sacrifices humains, il va rapidement devenir un grain de sable dans la machine coloniale française. Fondé au cours du XVIème siècle, le royaume a fondé sa puissance militaire économique grâce au commerce de l’esclavage. Entré en conflit avec ses voisins, cette monarchie vit constamment en état de guerre quand il n’est pas l’objet de querelles intestines pour la succession au trône. Béhanzin ne supporte pas les français qui le surnomment « Bec en zinc » et entre ces deux nations, une animosité réciproque. D’ailleurs Paris est furieuse car le nouveau souverain, à peine monté sur le trône, a déjà dénoncé les traités signés avec son père. Les tensions sont permanentes rythmées par de fréquentes escarmouches entre les deux armées. Sans réel vainqueur. Bien qu’un protectorat est finalement établi, la perte des revenus liés aux droits de douane mécontente Béhanzin qui cherche à se réarmer et qui s’entoure de conseillers belges et allemands. Très agacée, la France cherche par tous les moyens à déclencher une guerre avec le Dahomey. L’attaque que va subir la canonnière « Topaze « qui remonte le fleuve Ouémé en mars 1892, avec à son bord le gouverneur français Victor Ballot, sera le prétexte trouvé. Il faudra 8 mois au général Alfred Amédée Dodds pour s’emparer du royaume et en dépit de la ténacité des régiments d’amazones qui surprennent les français.
Le trésor de Béhanzin remis à la France
Le palais est pillé mais Béhanzin demeure introuvable. Il faut attendre janvier 1894 avant qu’il ne se rende, trahi par son frère Agoli-Agbo qui est alors placé sur le trône. Le Dahomey ne tardera pas à devenir une colonie qui obtiendra son indépendance en 1960. Déporté en Martinique puis en Algérie où il meurt en 1906, Béhanzin fera encore les titres des journaux locaux, impliqué involontairement dans des affaires familiales scabreuses. Le général Alfred Amédée Dodds offrira au ministère de la Marine et au musée du Trocadéro tout ce qu’il a emporté avec lui. Une longue liste qui comprend « trois statues mi-homme, mi-animal, quatre portes du palais et un siège royal, trois récades, six autels portatifs, des calebasses gravées, les trônes des rois Fons, un repose-pied, un fuseau, un métier à tisser, une tunique et un pantalon de soldat ». Jusqu’à présent exposés au musée du Quai Branly, ce sont ces objets qui sont retournés au Bénin.
« C’est un instant qui restera gravé, c’est un instant important »
« Il y a des instants dans l’histoire d’une nation qui changent le cours des choses. Cet instant-là que nous vivons, c’est un instant qui restera gravé, c’est un instant important » a déclaré Aurélien Agbenonci, le ministre des Affaires étrangères. Débarqués sur le tarmac de l’aéroport de Cotonou, la télévision nationale a largement couvert l’arrivée des objets sacrés avant que certains emblèmes de la maison royale Fon ne soient dévoilés devant le président Patrice Talon et le roi Dah Sagbadjou Glele V. Souverain traditionnel du Dahomey depuis 2019, c’est un descendant du père de Béhanzin. Interrogé à ce sujet par TV5, le monarque a déclaré qu’il « était très heureux que ces œuvres qui appartenaient à ses aïeuls reviennent sur nos terres ».
C’est en avril 2015 que le prince Serge Guézo avait écrit et rencontré le président François Hollande afin de lui demander la restitution de ces artéfacts royaux qui seront exposés dans « l’ancien fort portugais de Ouidah et à la maison du gouverneur, lieux historiques de l’esclavage et de la colonisation européenne. C’est « un grand pas, qui a valeur de symbole pour notre continent africain » a déclaré ce prince Fon qui se réjouit d’avoir convaincu les autorités françaises de restituer à leur pays ce qui leur appartenait de droit. « Je suis persuadé que ce retour va apporter la paix et la prospérité » a déclaré le roi Dah Sagbadjou Glele V. Actuellement, 5 pays africain réclament 13000 objets gardés dans les musées français. Des demandes qui divisent cependant la société française.
Frederic de Natal