La République du Bénin, anciennement connue sous le nom de royaume du Dahomey, a récemment érigé une gigantesque statue en l’honneur de l’une de ses plus grandes figures historiques, la reine Tassi Hangbé. La Revue Dynastie revient sur cette souveraine indissociable du féminisme et de l’histoire africaine, à l’origine du fameux régiment des Amazones dont « le courage et audace » ont été salués par la Légion étrangère.

Situé en Afrique de l’Ouest, le Dahomey va progressivement devenir un royaume puissant au XVIIème siècle, annexant au fur et à mesure des décennies les chefferies avoisinantes. Devenu incontournable, il se lance alors dans le commerce de l’esclavage et n’hésite pas à razzier des villages entiers afin de fournir les européens en quête de marchandise humaine. Au cours du milieu du siècle suivant, c’est plus de 10000 africains qui sont vendus par le Dahomey aux différents négriers de passage. Fille du roi Aho Houegbadja ( de 1645 à 1688), la princesse Tassi Hangbé n’est pas destinée à régner. Mais le décès de son frère jumeau en 1708, lors d’une bataille, va précipiter son destin. Afin de ne pas décourager l’armée du Dahomey qui peine à battre ses rivaux de l’Oyo, le conseil royal décide de la déguiser en homme et la revêtir des attributs de son frère. Un subterfuge qui réussit au-delà des espoirs du Conseil royal. C’est à l’issue de la victoire que la mort du roi Akaba est annoncée afin de permettre à Tassi Hangbé de monter sur le trône sans craindre une remise en cause de sa légitimité.

Tassi Hangbé, une reine amazone 

Si la durée de son règne est sujette à caution, faisant l’objet de nombreux débats parmi les historiens, Tassi Hangbé est surtout connue pour avoir été à l’origine du premier régiment de femmes guerrières dont l’excellence au combat fera des « Amazones », des « Agodjié » redoutées de tous. Si le terme est apparu seulement sous la colonisation européenne, tant les français vont avoir du mal à en venir à bout ( 4 000 et 6 000 femmes résistèrent à la Légion étrangère sous le règne de Béhanzin), les Amazones restent encore l’objet de tous les fantasmes (elles sont magnifiées dans le film « Black Panthers » sous le nom de « Dora Milaje »). « Crâne rasé, coiffées d’un bonnet blanc orné de caïmans bleus, elles ont la démarche virile et le regard noir. Dans un combat au corps à corps, leur domaine d’excellence, aucun homme ne résiste. Elles ne prétendent pas les égaler, les hommes, elles les surpassent » n’hésite d’ailleurs pas à écrire Elodie Descamps dans un article qui leur a été consacré dans le magazine Jeune Afrique. « Nous sommes des hommes, non des femmes. Celles qui rentrent de la guerre sans avoir conquis doivent mourir. Si nous battons en retraite, notre vie est à la merci du roi. Quelle que soit la ville à attaquer, nous devons la conquérir ou nous enterrer nous même dans ses ruines » chantent d’une seule voix ces guerrières, faisant voeu de célibat, sélectionnées parmi les enfants d’esclaves, dont la devise « Vaincre ou mourir » résume la persévérance dont elles faisaient preuve sur les champs de bataille.  La Légion étrangère a rendu, elle-même, un hommage à « l’incroyable courage et audace » des Amazones.

Une statue qui fait débat et qui honore la femme africaine

Le règne de Tassi Hangbé ne sera pas de tout repos. Au sein du palais royal, certains membres de l’aristocratie Fon s’agace de voir une femme aux commandes du royaume. Caractérielle, sans pudeur, sans retenue, visionnaire, symbole du féminisme africain, elle résistera à tous les complots fomentés au sein du palais royal et dont un coûtera la vie à son fils aîné. Face à la pression, elle préfère finalement renoncer au trône en 1711 en faveur de son jeune frère. On ne sait rien de la date de sa mort et aucun écrit ne subsiste de ce règne si ce n’est la tradition orale qui a été transmise de génération en génération.

Le gouvernement béninois a choisi de rendre hommage à cette reine en érigeant une statue gigantesque d’une amazone de plus de 30 mètres de haut, visible par tout Cotonou, la capitale. Monument qui a provoqué un intense débat sur la toile africaine où chacun a avancé ses arguments au fur et à mesure que la statue s’est dévoilée aux yeux des béninois, inaugurée le 1er août pour les fêtes de l’indépendance. « De par cette dimension, de par son positionnement, en face de la présidence de la République, c’est une statue qui est appelée à symboliser le peuple des amazones, une statue qui est appelée à marquer la ville. Une ville a besoin de repères et les deux participent au récit national et moi, je voudrais qu’on lui donne le nom que dans le du royaume du Dahomey, on lui donnait. Il y a le nom, il y aura la stèle qui va raconter ce à quoi cette statue est destinée. Cela nous amène à apprendre l’épopée des amazones et enfin, la place de la femme » a déclaré à la BBC Luc Gnacadja. Un architecte qui espère que le pays saura s’unir autour de cette souveraine et de ses guerrières, devenues une fierté nationale.

Frederic de Natal