Emporté par la colonisation britannique au XIXème siècle, c’est un trône vacant qui attire toutes les convoitises au Zimbabwe. Depuis 2001, divers membres de la maison royale des Khumalo se livrent une lutte intense pour une hypothétique couronne et affirment tous être des descendants du roi Ndébélé Lobengula. L’ADN pourrait mettre bientôt fin à cette querelle dynastique qui passionne l’ancienne Rhodésie du Sud.

L’Afrique regorge de monarchies traditionnelles. Si certaines ont dirigé leurs pays après les indépendances, d’autres ont été reléguées aux oubliettes de l’Histoire. C’est le cas de la monarchie Ndébélé au Zimbabwe qui n’a pas dépassé cinq décennies d’existence. Elle a été fondée par Mzilikazi, lieutenant de l’empereur Shaka Zoulou avant qu’il ne se rebelle contre celui que l’on surnomme le « Napoléon noir ». Battu par son souverain, il s’enfuit à travers l’Afrique australe avec ses partisans, femmes et enfants, annexant au passage quelques tribus (Mfecane). Son despotisme vaut celui de son ancien maître : il rase, incendie les villages, déplace des ethnies entières et occupe le futur Transvaal sud-africain. Les boers délogeront Mzilikazi avec une facilité déconcertante, en 1836 après 10 ans d’un règne sanglant, le contraignant à se réfugier au-delà du fleuve Limpopo. Un long voyage qui le mène dans le Matabeleland où il s’établit après avoir asservi l’ethnie M’Shona. Un empire voit le jour sur le même modèle que ses voisins zoulous et qui ne laisse pas de place à de potentiels rivaux. La capitale de son empire prendra d’ailleurs le nom de Bulawayo, le « lieu où l’on tue ».

Mzilikazi (gauche) et Lobengula (droite) @wikicommons/Dynastie

Une monarchie emportée par la colonisation

Lorsqu’il meurt en 1868, il laisse une monarchie solide à son fils Lobengula. Le nouveau monarque, qui n’a pas l’envergure ni la méfiance de son père envers les européens, a dû batailler pour s’imposer face à ses frères. Lorsqu’il accorde à l’homme d’affaires Cecil Rhodes des droits sur des concessions minières, Lobengula ouvre sans le savoir une boîte de Pandore qu’il ne pourra plus fermer. Jugé intelligent, un esprit fin, le roi Lobengula adopte quelques coutumes européennes et envoie même quelques émissaires auprès de la reine Victoria dont on sait la passion pour l’exotisme.  La gourmandise des colons étant devenue trop importante, il va finir par dénoncer les accords passés. Cecil Rhodes, influent, va alors commencer une campagne dont le but est de rattacher cet empire à la couronne britannique, espérant enfin réaliser son rêve, celui de relier par train Le Cap au Caire. La guerre éclate, les Britanniques seront victorieux. Le successeur de Lobengula, décédé de la variole en 1894, se montre incapable de résister. La monarchie tombe, emportée est réduite à une simple chefferie sans importance qui n’a d’autres choix que d’adouber la création de la Rhodésie du Sud.

De multiples prétendants pour un trône hypothétique

Au début des années 2000, réunis en assemblée, les descendants de la maison royale Khumalo ont annoncé, tous tambours battants, qu’ils avaient l’intention de recréer la monarchie Ndébélé. Le gouvernement du Président Robert Mugabe a opposé une fin de non-recevoir à cette demande, la considérant comme une menace directe. Le Matabeleland étant considéré comme une province hostile au pouvoir du ZANU-PF. Toutes les tentatives de reconnaissance se sont soldées par des échecs. La situation se complique dès 2016 avec l’apparition sur la scène politique du prince Stanley Raphaël Tshuma qui se fait couronner par ses partisans sous le nom de Mzilikazi II et annonce que la monarchie a fait son retour. Parallèlement, le prince Peter Zwidekalanga Khumalo, porte-parole de la maison royale, dénonce l’imposture, affirme que la généalogie de ce prétendant est plus que douteuse et se proclame lui-même souverain en titre sous le nom de Nyamande Lobengula II. Deux ans plus tard, un troisième prétendant revendique à son tour la couronne, le prince Bulelani Lobengula II Khumalo puis un quatrième, le prince Mcijwana Khumalo.

Un « Game of Thrones » qui irrite le gouvernement du Zimbabwe

Un « Game of Thrones » africain qui a connu de multiples rebondissements avec chaque prétendant qui ne cesse de conspuer publiquement son rival, avec de véritables batailles rangées entre les partisans de l’un ou de l’autre quand ce n’est pas avec la police. Divers partis mineurs ont pris même position dans cette querelle comme le très monarchiste (comme son nom ne l’indique pas) Mthwakazi Republic Party (MRP) ou la Patriotic Alliance of Mthwakazi Unions (PAMU) qui réclament l’indépendance pour les Ndébélés. Une menace de sécession brandie lors du couronnement du prince Bulelani en 2018 (promptement destitué par le gouvernement 48 heures après son intronisation) ou les appels à s’emparer de la présidence du prince Stanley en mai 2022 au simple motif que le bâtiment officiel a été construit sur les terres de la couronne (il est exilé en Afrique du Sud). Une situation qui perdure et que minimise le gouvernement zimbabwéen. Le ministre de l’Intérieur, July Moyo, a déclaré à la presse que ce conflit dynastique « n’était que culturel et sans importance aux yeux de la présidence » rappelant « que l’actuelle constitution ne reconnaissait ni rois ni reines dans le pays,  mais uniquement de simples chefs traditionnels ou de kraals (villages) ».

Un test ADN pour déterminer le vrai souverain

Tous affirment être l’aîné de la maison royale Khumalo et de descendre d’une des 20 femmes de Lobengula. Un petit record au regard des 200 que son père a eu de son vivant. Fin juin 2022, le prince Stanley a décidé de challenger ses rivaux en les mettant au défi de prouver qu’ils appartiennent bien à la dynastie Khumalo parle biais d’un test ADN. « Zwide dit qu’il est de la maison Nyamande, affirmant que le dernier souverain était issu de cette lignée et bien qu’il n’ait pas été reconnu par les blancs, il a été couronné. Tshuma prétend être de la lignée Hlangabeza, un prince qui a été tué par le roi Lobengula parce qu’il craignait qu’il revendiquent le trône de son frère Nkulumane » a expliqué  lors d’un échange avec le quotidien Bulawayo24, Greater Sinbande, porte-parole de la maison royale. « Mcijwana a également déclaré qu’il était l’héritier. Bulelani a été choisi par les Khumalo. Puisque le trône est remis en cause par quatre personnes qui le revendiquent, nous avons une façon traditionnelle et moderne de déterminer qui est le vrai souverain. Comme tous prétendent être héritiers, la seule façon de résoudre ce problème est un test ADN. Mzilikazi repose dans sa tombe . À partir de là, nous utiliserons nos méthodes traditionnelles pour résoudre ce problème » a ajouté Sibanda.

Aucun des rivaux du prince Stanley Raphaël Tshuma n’a pour le moment donné suite à cette demande.

Frederic de Natal