Le 7 septembre prochain, le Brésil fêtera le bicentenaire de son indépendance. Hier, prêté par le Portugal, le cœur de Dom Pedro Ier a été accueilli par le président Jair Bolsonaro au palais de Planalto avec tous les honneurs dus à un chef d’État. A ses côtés, les héritiers de la maison impériale du Brésil.

Figure incontournable de l’histoire brésilienne, Dom Pedro I est décédé en septembre 1834. Selon ses derniers vœux, il a souhaité que son cœur repose au Portugal, dans une église de Porto. Pour les festivités du bicentenaire de l’indépendance du Brésil, le Portugal a accepté de prêter la relique impériale au Brésil. Elle a été reçue avec tous les honneurs dus à un chef d’État en fonction. Le gouvernement a vu les choses avec faste pour ce retour dont il espère de fortes retombées électorales alors que le président Jair Bolsonaro, à la tête du Brésil depuis 2017, tente de se faire réélire à la tête du pays pour un second mandat.

Un cœur reçu comme un chef d’Etat 

C’est au palais de Planalto que le cœur a été conduit le 23 août 2022 après une arrivée très médiatisée la veille. L’avion affrété pour transporter la relique a été escorté par deux jets militaires dès son entrée dans l’espace aérien brésilien et reçu à sa descente par une importante délégation composée de divers membres du gouvernement dont le prince Luiz- Philippe d’Orléans-Bragance. Député sous les couleurs du parti présidentiel, il est considéré par beaucoup de commentateurs locaux comme un potentiel successeur au président Bolsonaro. Le cœur a été amené dans une Rolls-Royce, suivant un protocole très strict, comme nous l’indique O’ Globo. Tapis rouge, 21 tirs de canon, unités militaires en tenue d’époque, la mention « 200 ans d’indépendance » inscrite dans le ciel par une escadrille aérienne, étudiants agitant des drapeaux de l’empire défunt…, tout a été fait pour rappeler la grandeur historique et nationale du Brésil qui a connu un régime monarchique entre 1822 et 1889.

Le Portugal et le Brésil, une histoire conjointe 

« Deux pays, unis par l’histoire, liés par le cœur. Deux cents ans d’indépendance. En-avant, l’éternité dans la liberté. Dieu, la patrie, la famille ! Vive le Portugal, vive le Brésil ! » a déclaré le président Jair Bolsonaro dans son discours de bienvenue au cœur avant de rejoindre les nombreuses personnalités invitées pour l’occasion au siège de la présidence. Parmi lesquelles on trouvait une importante délégation de la maison impériale du Brésil menée par le prétendant au trône, Dom Bertrand I d’Orléans-Bragance, 81 ans. Le prince, arrière-arrière-arrière-petit-fils de Dom Pedro I, s’est brièvement entretenu avec le président Jair Bolsonaro devant les caméras, visiblement ravi. Il lui a officiellement remis la médaille du Bicentenaire de l’Indépendance du Brésil. Le cœur doit être conduit aujourd’hui au Palais d’Itamaraty où ont été hissés en haut des mâts bordant l’édifice des drapeaux brésiliens et portugais, mais aussi de l’Empire brésilien comme le rapporte le Folha de Sao Paulo.

Pierre I du Brésil @wikicommons

Un Empereur qui rejette le droit divin 

« Dom Pedro Ier était un homme de son temps, intrépide, audacieux et généreux. (…) Avec altruisme, il s’est séparé de sa terre natale pour se consacrer à la reconstruction d’une nouvelle patrie. Plus tard, avec le même altruisme, il a confié son fils en bas âge aux soins des Brésiliens et a retraversé l’Atlantique. Rien de plus symbolique que de recevoir la figure la plus représentative de tous les Brésiliens, image d’un temps qui nous relie avec la proclamation de l’indépendance » a déclaré de son côté le chancelier Carlos França qui a égrené les principales dates de la vie de Dom Pedro Ier. Arrivé en 1807 à l’âge de 9 ans après l’invasion du Portugal par Napoléon Ier, il a décidé de proclamer l’indépendance du Brésil en 1822. Il régnera jusqu’en 1831 avant d’abdiquer? laissant derrière lui une aura qui ne se dément toujours pas deux siècles plus tard. Monarque absolu, il ne cachait pas son libéralisme et avait largement critiqué le principe de droit divin mis en place à son avènement comme la pratique de l’esclavage qu’il commença à réduire graduellement. Monarque dévoué n’hésitant pas à aborder les Brésiliens dans la rue afin de connaître leurs préoccupations, père absent, mais attentionné, il devait encore jouer un rôle politique au Portugal afin de sauver sa fille Maria, renversée par son oncle et époux Dom Miguel Ier en 1828. . « Dom Pierre n’est pas mort. Seuls les hommes ordinaires meurent, pas les héros » écrira José Bonifácio de Andrada e Silva, « Patriarche de l’indépendance », lorsqu’il apprendra le décès de l’Empereur.

Exilée à la chute de la monarchie, la maison des Orléans-Bragance est revenue au Brésil lors de l’abrogation de la loi d’exil en 1920. Elle jouit d’une forte popularité au Brésil en dépit de la querelle dynastique et idéologique qui divise la mouvance monarchiste. En 1993, un référendum sur le retour de la monarchie avait jeté la maison impériale sous le feu des projecteurs. Revenue au premier plan depuis l’arrivée au pouvoir du président Jair Bolsonaro, dont une branche de cette dynastie Capétienne, à double titre, ne cache pas son soutien, il a été de nouveau question de rétablir la monarchie à court terme au Brésil. En 2017, un projet en ce sens a été proposé au Sénat, mais celui-ci l’a rejeté. On estime que 20% des Brésiliens souhaiteraient le retour de l’institution impériale.

Frederic de Natal