C’est paisiblement que la duchesse douairière Marie-Alix de Schleswig-Holstein s’est éteinte des suites d’une longue maladie, le 1er novembre dernier au domaine de Bienebek (Allemagne). Âgée de 99 ans, elle était un des derniers symboles d’un empire emporté par les affres de la Première guerre mondiale.
Une enfance nomade sous le regard du Führer
Fille unique du prince Stephan de Schaumburg-Lippe (frère du prince souverain Adolphe II de Schaumburg-Lippe et de la princesse Ingeborg d’Oldenburg, Marie-Alix de Schleswig-Holstein a vu le jour le 2 avril 1923 à Buckebourg, ancienne capitale de la principauté de Schaumburg-Lippe, en Basse-Saxe allemande. Descendante de plusieurs illustres familles de la noblesse allemande, son oncle a dû renoncer à sa couronne le 15 novembre 1918. La monarchie allemande est tombée, un Conseil des ouvriers et des soldats s’est formé dans la capitale de la principauté dont la durée de vie sera éphémère. Elle va grandir dans une atmosphère très lourde. A 13 ans, elle apprend que son oncle s’est tué dans in accident d’avion. Les funérailles donnent lieu à des disputes au sein de sa famille. Le prince Friedrich Christian refuse que l’épouse de son frère soit enterrée avec lui car non aryenne. Chez les Schaumburg-Lippe, on est proche de Joseph Goebbels qui pourtant fait peu de cas de ces « princes qui ne font rien si ce n’est parader » et on n’a pas abandonné les espoirs de retrouver une couronne. Quitte à ce que ce soit ailleurs. Son adhésion au nazisme est telle que le prince Friedrich Christian est proposé comme roi d’Islande par le mouvement pro-allemand local. Une demande que la maison princière va prendre très au sérieux et transmettre au ministère des affaires étrangères. Joachim von Ribbentrop s’empressera de la refuser.
Stephan de Schaumburg-Lippe n’est pas en reste non plus. Il est très actif au sein du parti nazi et utilise ses talents dans la diplomatie. En Argentine où il est en poste, le gouvernement finit par commissionner une enquête, le soupçonnant de militantisme et d’organiser la montée d’un mouvement dans le pays. Buenos Aires prend des mesures et fait lever sa demande d’immunité diplomatique avant de l’expulser en 1943. En Uruguay, une anecdote affirme que dans un hôtel, ayant demandé au groom s’il parlait allemand, celui-ci aurait répondu que non. Le père de Marie-Alix de Schleswig-Holstein lui aurait conseillé de très vite l’apprendre. La princesse va grandir dans les différents lieux d’affectation : Sofia, Rome, Rio de Janeiro, Buenos Aires, Santiago de Chile. Et c’est à l’ombre de la croix gammée que va naître son frère George, qui décèdera dans un accident de voiture en 1970, âgé de 46 ans. Une tragédie qui marquera durablement la princesse.
Avec la chute du régime nazi, c’est la débandade. Le château familial sert d’état-major aux alliés et son oncle, le prince Friedrich Christian restera emprisonné jusqu’en 1948 sans jamais renier son idéologie, devenant même un des leaders du nazisme après-guerre et dont les écrits ont encore du succès aujourd’hui parmi l’extrême-droite allemande. Son père est également arrêté et doit témoigner en 1946 sur les activités nazies en Amérique du Sud (il était un SS). C’est ainsi d’ailleurs que l’on apprend qu’il a permis le recrutement d’une certaine Eva Duarte comme agent de l’Abwehr et qu’elle avait été chargée de faire tomber dans les griffes du Reich le colonel Juan Péron futur dictateur de l’Argentine et époux d’Eva.
Duchesse de Schleswig-Holstein
Après la Seconde guerre mondiale, Marie-Alix rencontre son futur époux le duc Pierre à Leshan en Allemagne. Mariés le 9 octobre 1947 à Glücksbourg, le couple s’installe définitivement au Schleswig-Holstein au domaine Bienebek. Héritiers du titre de duc et duchesse de Schleswig-Holstein en 1965 (cette année meurt également le prince Stephan, sa mère suivra en 1996) , ils auront quatre enfants, dont le prince Christoph, ’actuel chef de famille et duc titulaire de Schleswig-Holstein depuis 1980 ;
La princesse a été pendant de longues années Vice-Présidente de la croix rouge du Schleswig-Holstein et à l’origine de la Louisenlund fondation, qui finance le collège-internat de renommée internationale placé dans le château familial des Schleswig-Holstein
Une prestigieuse maison princière
La maison de Schleswig-Holstein remonte au XVIème siècle. Elle a été fondée par le duc Jean de Schleswig-Holstein. Elle est une branche cadette de la maison d’Oldenburg datant du XIème siècle, un certain Egilmart devenant en 1091 comte d’Oldenburg. Par la suite, le destin des comtes d’Oldenburg va se mêler avec celui du Danemark, notamment avec l’avènement sur me trône de Christian VII en 1766. Les duchés de Schleswig et Holstein étaient à l’origine deux duchés différents, l’un allemand l’autre danois. Quand Christian Ier d’Oldenbourg devient roi de Danemark, il hérite du duché de Schleswig. C’est en 1564 que le roi Christian III de Danemark légua les duchés de Schleswig et Holstein à son fils Jean qui devint duc de Schleswig-Holstein-Sonderbourg. La Maison sera ensuite divisée en plusieurs branches, dont la famille de Marie-Alix est la branche ainée.
Les obsèques de la Duchesse douairière ont eu lieu le 11 novembre dernier en la cathédrale de Schleswig. Date symbolique en soi puisqu’elle commémore la date de fin de l’empire allemand et celle de l’armistice. La princesse a été ensuite inhumée dans la crypte du château familial de Louisenlund. Elle laisse derrière elle le souvenir d’une femme élégante, souriante et d’une grande humanité.
Arnaud Gabardos