Venue en Égypte afin d’honorer la mémoire de son époux, le Shah Mohammed Reza Pahlavi décédé le 27 juillet 1980, un voyage qu’elle fait chaque année, l’impératrice Farah Pahlavi a pris le temps de répondre aux questions du quotidien Libero. En exil depuis quatre décennies, la Shahbanou se bat pour libérer l’Iran, une « mission existentielle qui lui donne énergie et courage ». L’occasion pour la souveraine d’aborder la question de la succession au trône du Paon.
A 83 ans, elle reste une icône suivie par plus de 200 000 personnes sur les réseaux sociaux. Impératrice d’Iran de 1959 à 1979, Farah Pahlavi est le symbole vivant d’une liberté perdue pour nombreux de ses compatriotes exilés ou luttant de l’intérieur contre le régime théocratique. Signe que le régime des ayatollahs s’effrite doucement, l’arrestation en janvier 2002 de Farideh Moradkhani. « Figure de la lutte contre la peine de mort et pour la libération des prisonniers politiques » nous indique Radio France International (RFI), c’est aussi la nièce de l’ayatollah Ali Khamenei, Guide suprême de la Révolution islamique et longtemps opposant à la maison impériale des Pahlavi. Son crime, avoir osé converser avec l’impératrice et avoir demandé publiquement sur les réseaux sociaux son retour afin qu’elle « œuvre à la renaissance de la culture » iranienne. Depuis 2018, l’Iran est secoué par de violentes émeutes de la faim. A diverses reprises, le nom des Pahlavi a été scandé dans les manifestations contre le régime. Une théocratie aux abois qui n’hésite pas à réprimer dans le sang toutes les contestations contre son pouvoir. Exilée depuis la révolution de 1979, Farah Pahlavi continue d’être au chevet de son pays.
“When he crowned me on 26 October 1967, the king made me feel that he was crowning all the women of #Iran.”
—Shahbanou Farah #Pahlavi pic.twitter.com/ur9FVhuklB
— Ashkan Etemadi (@AshkanTweets) October 26, 2021
Une impératrice au chevet de l’Iran
« Ce qui me frappe le plus, c’est qu’après tant d’années et après tout ce qu’on a dit contre nous, beaucoup de ceux qui s’opposaient à nous à l’époque, y compris certains politiciens étrangers qui n’étaient pas du tout favorables au progrès et au développement de l’Iran, ont compris ce que le Shah a fait pour notre pays. Et le plus important, c’est que les Iraniens nés après 1979 l’apprennent aussi aujourd’hui. De leur côté, un fort sentiment de sympathie et d’amour monte, ces derniers mois en Iran il y a eu de nombreuses manifestations de rue, où les jeunes scandaient à haute voix : Reza Shah roohat shad (littéralement : Reza Shah que ton esprit soit heureux) » a déclaré la Shahbanou en marge de son voyage en Égypte où elle a honoré la mémoire de son défunt mari, le Shah Mohammed Reza Pahlavi. « (…) Ce qui m’émeut aujourd’hui, moi et ma famille, c’est la sympathie de la jeunesse iranienne envers la mémoire du Shah et tous ces messages d’affection reçus de la part de ceux qui nous ont combattus hier alors qu’aujourd’hui, tout compte fait, ils regrettent d’avoir soutenu cette révolution » ajoute la Shahbanou au micro de Mariofilippo Brambilla de Carpiano, journaliste de Libero, un quotidien italien, qui a couvert ce pèlerinage impérial qu’elle effectue chaque année.
شاهنشاها
امروز من پیام جوانان ایران را که زیر آتش و خون از ایران عصر پهلوی یاد میکنند برای شما آورده ام که می گویند شاهنشاه روحت شاد.
.« هرگز نمیرد آنکه دلش زنده شد به عشق »
شما همیشه زنده اید و به شما اطمینان می دهم که کشورعزیزمان از این مهلکه نجات خواهد یافت. pic.twitter.com/QfsEvAoEJ6— FARAH PAHLAVI (@ShahbanouFarah) July 27, 2022
Les Pahlavi et les Sadate, une amitié indéfectible
Loin de sombrer dans la nostalgie, Farah Pahlavi égrène, un à un, tous les progrès achevés par son époux et qui ont considérablement transformé le visage de la Perse. Concernant les fêtes somptueuses et grandioses de Persépolis, souvent reprochées aux Pahlavi en raison de sa démesure, « l’objectif était de montrer au peuple iranien et au monde entier l’histoire et la culture de l’Iran, un pays qui a été le berceau de grandes civilisations » explique l’impératrice. « Presque tous les chefs d’État du monde sont venus à Persépolis pour les célébrations. Malheureusement, à cette époque, certains médias internationaux qui étaient contre nous, ainsi qu’une certaine opinion publique, n’ont pas tardé à critiquer tout ce que nous faisions. Alors je me demande, alors que situation actuelle en Iran s’est drastiquement aggravée, à tel point qu’elle n’est pas comparable à celle du temps du Shah, pourquoi aucun d’eux durant toutes ces années n’a fait les mêmes critiques envers ceux qui sont au pouvoir en Iran aujourd’hui, ou la République islamique ? » pose comme question l’impératrice dont la famille doit son salut à l’ancien président égyptien Anouar Al Sadate. « Ma famille et moi sommes très reconnaissants envers l’Egypte, le président Sadate et son épouse Madame Sadate. Lorsque le pays le plus puissant du monde qui était notre ami (les États-Unis) n’a pas voulu nous donner l’asile, le seul qui avait le courage de nous accueillir a été le président Sadate. Il a eu l’humanité d’héberger le Shah malade et de garantir notre sécurité (…) alors que les États-Unis négociaient avec le gouvernement révolutionnaire en Iran pour nous livrer à eux » rappelle Farah Pahlavi.
شاهزاده رضا پهلوی بر مزار پدر بزرگوارشان شاهنشاه فقید ایران
۸ مرداد ۱۴۰۱-۳۰ ژوئیه ۲۰۲۲ pic.twitter.com/qlPd7flMdz— FARAH PAHLAVI (@ShahbanouFarah) July 31, 2022
La princesse Noor succédera à son père
« Je reste positive. Je suis sûr qu’un jour la lumière vaincra les ténèbres des ténèbres et que l’Iran renaîtra de ses cendres ». Libérer l’Iran de l’obscurantisme est un credo de tous les jours pour l’impératrice. Elle combat le régime des mollahs avec les moyens modernes du XXIème siècle. « (…) Grâce aux réseaux sociaux les Iraniens sont au courant de beaucoup de choses. Je les utilise et aussi à travers eux je suis très souvent en contact avec mes compatriotes. J’écris, j’enregistre des messages vocaux, parfois je parle à mes compatriotes, ça me donne beaucoup de joie de parler à des jeunes qui sont nés après la révolution islamique, cela me donne aussi beaucoup de courage » explique Farah Pahlavi tournée vers le futur. Les Pahlavi reviendront en Iran, elle en est persuadée et un renouveau soufflera sur son pays. Souveraine féministe, protectrice des arts et de la culture, Farah Pahlavi passe progressivement le flambeau à ses petits-enfants. « (…) Selon le principe de primogéniture [la princesse Noor, fille aînée du prince Reza] est l’héritière de la dynastie. Notre ancienne constitution reconnaissait une place importante aux femmes. Lorsque le Shah m’a nommée régente, c’était pour souligner l’importance des femmes dans un pays musulman du Moyen-Orient » précise l’impératrice qui aborde ouvertement la question de la succession au trône. Une question qui divise profondément la mouvance monarchiste iranienne.
La monarchie peut-elle revenir en Iran ? « Mon fils Reza ces dernières années a toujours répété qu’il croit en la défense de l’intégrité territoriale de l’Iran, au pluralisme politique, en la liberté des femmes et en la séparation de la religion de l’État et qu’il veut que les Iraniens choisissent librement quelle devrait être leur future structure politique et institutionnelle » rappelle la Shahbanou. « (….) Le plus important pour moi, c’est la liberté de l’Iran et la liberté des Iraniens. Si un jour je peux retourner dans mon pays ce sera pour moi une immense joie » déclare l’impératrice, optimiste sur l’avenir.
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Frédéric de Natal
Rédacteur en chef du site revuedynastie.fr. Ancien journaliste du magazine Point de vue–Histoire et bien d’autres magazines, conférencier, Frédéric de Natal est un spécialiste des dynasties et des monarchies dans le monde.