Les réseaux sociaux ont transformé le monde en un espace de discussions infini. Chacun peut s’exprimer, raconter sa vie ou prendre position sur tout et son contraire. La question de la censure et de la liberté d’expression devient récurrente dans le débat public. Faut-il surveiller les réseaux sociaux, contrôler les auteurs, bannir les publications dérangeantes ? La censure ne date pas d’aujourd’hui : elle commence avec l’invention de l’imprimerie. 

Au milieu du XVe siècle, Gutemberg change la face du monde en développant l’imprimerie. Fini les longues heures passées à recopier les textes afin de les diffuser ou de les conserver : il est possible d’imprimer les ouvrages ! Cette mini-révolution fait exploser les exemplaires des livres déjà écrits, mais créé surtout un véritable appel d’air pour l’écriture de nouveaux livres. Dès le XVIe siècle, face à ce risque de diffusion rapide des idées, et dans un contexte de tensions religieuses, l’Eglise et l’Etat réagissent. D’abord l’Eglise en 1515 par la voix du pape Léon X qui exige l’accord de l’évêque ou de son représentant avant l’impression d’un livre. Puis, la censure se systématise en 1559 avec la création de l’Index par l’Inquisition, un recueil de livres interdits.

La censure d’Etat commence avec le cardinal de Richelieu en 1629 

L’Etat n’est pas en reste pour contrôler l’impression des livres et donc la diffusion des idées. Dès 1534, après l’affaire des Placards, François Ier promulgue un édit donnant une force étatique à la censure de l’Eglise. La censure d’Etat commence avec le cardinal de Richelieu en 1629 : toute publication d’articles dans la presse ou de livres est préalablement approuvée par le gouvernement. La liberté de la presse et de la publication, comme de nombreuses autres, est solennellement proclamée sous la Révolution avant d’être piétinée par les révolutionnaires puis Napoléon. Elle est consacrée sous la IIIe République par la loi du 29 juillet 1881.

Mais aujourd’hui, confier la censure (ou la modération pour être plus politiquement correct) des réseaux sociaux à l’Etat fait craindre un risque de dérive totalitaire. La piste alors privilégiée consiste à mandater les réseaux sociaux eux-mêmes de réaliser ce tri entre les bonnes et les mauvaises publications. Ces entreprises n’affichent pourtant pas une neutralité absolue. Bien au contraire. Alors recréer un ministère de l’information censurant les réseaux sociaux apparait comme une solution extrême. Mais une instance indépendante ou un organisme émanant de l’Etat pourrait s’occuper de cette tâche difficile et lourde de conséquences. Nous aurions, au moins, la garantie d’un accord démocratique, si maigre puisse-t-il être.

Jean-Benoît Harel